Rapport de l'ASN 2020

RAPPORT DE L’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020

L’Autorité de sûreté nucléaire présente son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020. Ce rapport est prévu par l’article L. 592-31 du code de l’environnement. Il a été remis au Président de la République, au Premier ministre et aux Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, et transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en application de l’article précité.

AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE Missions Fonctionnement Chiffres clés Créée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, l’ASN est une autorité administrative indépendante chargée du contrôle des activités nucléaires civiles en France. L’ASN assure, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour protéger les personnes et l’environnement. Elle informe le public et contribue à des choix de société éclairés. L’ASN décide et agit avec rigueur et discernement : son ambition est d’exercer un contrôle reconnu par les citoyens et constituant une référence internationale. RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2020

MISSIONS RÉGLEMENTER L’ASN contribue à l’élaboration de la réglementation, en donnant son avis au Gouvernement sur les projets de décret et d’arrêté ministériel et en prenant des décisions réglementaires à caractère technique. Elle s’assure que la réglementation est claire, accessible et proportionnée aux enjeux. AUTORISER L’ASN instruit l’ensemble des demandes d’autorisation individuelles des installations nucléaires. Elle accorde les autorisations, à l’exception des autorisations majeures des installations nucléaires de base (INB) telles que la création et le démantèlement. L’ASN délivre également les autorisations prévues par le code de la santé publique pour le nucléaire de proximité et accorde les autorisations ou agréments relatifs au transport de substances radioactives. CONTRÔLER L’ASN vérif ie le respect des règles et des prescriptions auxquelles sont soumises les installations et activités entrant dans son champ de compétence. Depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les missions de l’ASN s’étendent à la protection des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance. L’inspection représente l’activité de contrôle principale de l’ASN. Plus de 1 500 inspections ont ainsi été réalisées en 2020 dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L’ASN dispose de pouvoirs de coercition et de sanction gradués (mise en demeure, amende administrative, astreinte journalière, possibilité de procéder à des saisies, prélèvements ou consignations, etc.). L’amende administrative relève de la compétence d’une commission des sanctions placée au sein de l’ASN, respectant le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement. INFORMER L’ASN rend compte de son activité au Parlement. Elle informe le public et les parties prenantes (associations de protection de l’environnement, commissions locales d’information, médias, etc.) de son activité et de l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. L’ASN permet à tout citoyen de participer à l’élaboration de ses décisions ayant une incidence sur l’environnement. Elle soutient l’action des commissions locales d’information placées auprès des installations nucléaires. Le site Internet asn.fr est le mode privilégié d’information de l’ASN. EN CAS DE SITUATION D’URGENCE L’ASN contrôle les opérations de mise en sûreté de l’installation prises par l’exploitant. Elle informe le public et ses homologues étrangères de la situation. L’ASN assiste le Gouvernement. En particulier, elle adresse aux autorités compétentes ses recommandations sur les mesures à prendre au titre de la sécurité civile. UN CONTRÔLE D’ACTIVITÉS ET D’INSTALLATIONS DIVERSIFIÉES Centrales nucléaires, gestion des déchets radioactifs, fabrication et retraitement de combustibles nucléaires, colis de substances radioactives, installations médicales, laboratoires de recherche, activités industrielles, etc., l’ASN contrôle un ensemble d’activités et d’installations très varié. Ce contrôle porte sur : ∙ 56 réacteurs nucléaires(*) produisant 70% de l’électricité consommée en France, ainsi que le réacteur EPR de Flamanville en construction ; ∙ environ 80 autres installations participant à des activités de recherche civile, à des activités de gestion de déchets radioactifs ou à des activités du « cycle du combustible» ; ∙ plus d’une trentaine d’installations déf initivement arrêtées ou en démantèlement ; ∙ plusieurs milliers d’installations ou d’activités dans lesquelles sont utilisées des sources de rayonnements ionisants à des f ins médicales, industrielles ou de recherche ; ∙ plusieurs centaines de milliers d’expéditions de substances radioactives réalisées annuellement sur le territoire national. * Au 30 juin 2020. LE RECOURS À DES EXPERTS Pour prendre ses décisions, l’ASN s’appuie sur des expertises techniques extérieures, notamment celles de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Le président de l’ASN est membre du conseil d’administration de l’IRSN. L’ASN sollicite également les avis et les recommandations de huit groupes permanents d’experts placés auprès d’elle et provenant d’horizons scientifiques et techniques divers. L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

FONCTIONNEMENT LE COLLÈGE Le collège déf init la politique générale de l’ASN en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il est composé de cinq commissaires, dont le président, désignés pour 6 ans(*). DÉSIGNÉS PAR le Président de la République DÉSIGNÉE PAR le Président du Sénat DÉSIGNÉ PAR le Président de l’Assemblée nationale * Le code de l’environnement, modif ié par la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, prévoit le renouvellement du collège de l’ASN à l’exception de son président, par moitié tous les trois ans. Le décret n° 2019‑190 du 14 mars 2019 (codif iant les dispositions applicables aux INB, au transport de substances radioactives et à la transparence en matière nucléaire) a prévu les dispositions transitoires utiles et modif ié la durée des mandats de trois commissaires. ** Par décret du Président de la République en date du 21 avril 2021, Laure Tourjansky est nommée commissaire pour la durée du mandat restant à courir de Lydie Évrard, appelée à d’autres fonctions. Impartialité Les commissaires exercent leurs fonctions en toute impartialité sans recevoir d’instructions ni du Gouvernement ni d’aucune autre personne ou institution. Indépendance Les commissaires exercent leurs fonctions à temps plein. Leur mandat est d’une durée de six ans. Il n’est pas renouvelable. Il ne peut être mis f in aux fonctions d’un commissaire qu’en cas d’empêchement ou de démission constaté par le collège statuant à la majorité de ses membres. Le Président de la République peut mettre f in aux fonctions d’un membre du collège en cas de manquement grave à ses obligations. Compétences Le collège prend des décisions et rend des avis qui sont publiés au Bulletin off iciel de l’ASN. Le collège déf init la politique de contrôle de l’ASN. Le président nomme les inspecteurs de l’ASN. Le collège décide de l’ouverture des enquêtes après incident ou accident. Chaque année, il présente au Parlement le Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Son président rend compte des activités de l’ASN aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’à l’Off ice parlementaire d’évaluation des choix scientif iques et technologiques. Le collège déf init la politique de relations extérieures de l’ASN au plan national et au plan international. LES SERVICES L’ASN dispose de services placés sous l’autorité de son président. Les services sont dirigés par un directeur général, nommé par le président de l’ASN. Ils assurent les missions de l’ASN au quotidien et préparent les projets d’avis et de décisions pour le collège de l’ASN. Ils se composent : ∙ de services centraux, organisés par thématiques, qui pilotent leur domaine d’activité à l’échelle nationale, tant sur les questions techniques que transverses (action internationale, préparation aux situations d’urgence, information des publics, affaires juridiques, ressources humaines et autres fonctions support). En particulier, ils préparent les projets de doctrine et de textes de portée générale, instruisent les dossiers techniques les plus complexes et les dossiers «génériques », c’est‑à‑dire se rapportant à plusieurs installations similaires ; ∙ de onze divisions territoriales, compétentes sur une ou plusieurs régions administratives, de façon à couvrir l’ensemble du territoire national et les collectivités territoriales d’outre‑mer. Les divisions réalisent l’essentiel du contrôle de terrain sur les installations nucléaires, les transports de substances radioactives et les activités du nucléaire de proximité. Elles représentent l’ASN en région et contribuent à l’information du public dans leur périmètre géographique. Dans les situations d’urgence, les divisions assistent le préfet de département, responsable de la protection des populations, et assurent le contrôle des opérations de mise en sûreté de l’installation accidentée. Bernard DOROSZCZUK Président Sylvie CADET-MERCIER(*) Commissaire Géraldine PINA JOMIR Commissaire Lydie ÉVRARD(*)(**) Commissaire Jean-Luc LACHAUME(*) Commissaire du 13 novembre 2018 au 12 novembre 2024 du 21 décembre 2016 au 9 décembre 2023 du 15 décembre 2020 au 9 décembre 2026 du 10mars 2017 au 9 décembre 2023 du 21 décembre 2018 au 9 décembre 2026 RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2020

CHIFFRES CLÉS EN 2020 85 % de cadres 529 dont agents 65,77M€ de budget pour l’ASN (programme 181) 83 M€ de budget de l’IRSN consacrés à l’expertise pour l’ASN BUDGET 47 % de femmes 320 inspecteurs L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE PERSONNEL

* Ces chiffres prennent en considération l’incidence de la pandémie de Covid‑19 sur certaines activités de l’ASN. 24886 lettres de suite d’inspection disponibles sur asn.fr au 31 décembre 2020 198 avis techniques de l’IRSN rendus à l’ASN 9 conférences de presse 600 réponses aux sollicitations du public et des parties prenantes 67 notes d’information INFORMATION* Près de 1651 autorisations individuelles d’installations ou d’activités délivrées 1573 inspections dont 320 réalisées à distance ACTIONS DE L’ASN* 9 des groupes permanents d’experts réunions plénières et 3consultations dématérialisées RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2020

CHIFFRES CLÉS EN 2020 NOMBRE D’ÉVÉNEMENTS SIGNIFICATIFS DANS LE DOMAINE MÉDICAL(*) NOMBRE D’ÉVÉNEMENTS SIGNIFICATIFS CLASSÉS SUR L’ÉCHELLE INES(*) 1 142 événements dans les installations nucléaires de base 1 035 105 75 événements dans le transport de substances radioactives 71 4 160 événements dans le nucléaire de proximité (médical et industriel) 135 2 25 Niveau0 Niveau 1 Niveau 2 532 événements significatifs par domaine d’exposition 134 événements significatifs de radiothérapie externe et curiethérapie selon le classement sur l’échelle ASN-SFRO Curiethérapie Radiothérapie externe Médecine nucléaire Radiographie Radiologie conventionnelle et dentaire Pratiques interventionnelles radioguidées Hors échelle Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 73 165 132 124 10 28 * L’échelle internationale INES (International Nuclear and Radiological Event Scale) a été développée par l’AIEA af in d’expliquer au public l’importance d’un événement vis-à-vis de la sûreté ou de la radioprotection. Cette échelle est applicable aux événements survenant sur les INB et aux événements ayant des conséquences, potentielles ou réelles, sur la radioprotection du public et des travailleurs. Elle ne s’applique pas aux événements ayant un impact sur la radioprotection des patients, les critères habituellement utilisés pour classer les événements (dose reçue notamment) n’étant pas applicables dans ce cas. Comme il était pertinent de pouvoir informer le public sur les événements de radiothérapie, l’ASN a développé, en lien étroit avec la Société française de radiothérapie oncologique, une échelle spécif ique aux événements de radiothérapie (échelle ASN-SFRO). Ces deux échelles couvrent un champ relativement large des événements de radioprotection, à l’exception des événements d’imagerie. Hors échelle Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Hors é Nivea Nivea Nivea Nivea 82 32 14 5 1 L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE

Inspecteur en chef Christophe Quintin Directeur de cabinet Vincent Cloître SECRÉTARIAT GÉNÉRAL Brigitte Rouède MISSION EXPERTISE ET ANIMATION Adeline Clos MISSION DE SOUTIEN AU CONTRÔLE Julien Husse CENTRALES NUCLÉAIRES Rémy Catteau ÉQUIPEMENTS SOUS PRESSION NUCLÉAIRES Corinne Silvestri DÉCHETS, INSTALLATIONS DE RECHERCHE ET DU CYCLE Christophe Kassiotis TRANSPORT ET SOURCES Fabien Féron RAYONNEMENTS IONISANTS ET SANTÉ Carole Rousse ENVIRONNEMENT ET SITUATIONS D’URGENCE Olivier Rivière AFFAIRES JURIDIQUES Olivia Lahaye INFORMATION, COMMUNICATION ET USAGES NUMÉRIQUES Céline Acharian RELATIONS INTERNATIONALES Luc Chanial Président Bernard Doroszczuk COLLÈGE Déontologue Alain Dorison Cheffe de cabinet Sylvie Rodde 1 BORDEAUX Déléguée territoriale : Alice-AnneMédard Chef de division : Simon Garnier 2 CAEN Délégué territorial : Olivier Morzelle Chef de division : AdrienManchon 3 CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE Délégué territorial : Hervé Vanlaer Chef de division : Mathieu Riquart 4 DIJON Délégué territorial : Jean-Pierre Lestoille Chef de division : Marc Champion 5 LILLE Délégué territorial : Laurent Tapadinhas Chef de division : Rémy Zmyslony 6 LYON Délégué territorial : Jean-Phlippe Deneuvy Cheffe de division : Caroline Coutout 7 MARSEILLE Déléguée territoriale : Corinne Tourasse Chef de division : Bastien Lauras 8 NANTES Déléguée territoriale : Annick Bonneville Cheffe de division : Émilie Jambu 9 ORLÉANS Délégué territorial : Hervé Brûlé Chef de division : Arthur Neveu 10 PARIS Déléguée territoriale : Agathe Baltzer (p.i.) Cheffe de division : Agathe Baltzer 11 STRASBOURG Délégué territorial : Hervé Vanlaer Chef de division : Pierre Bois Directeurs généraux adjoints Julien Collet Daniel Delalande Anne-Cécile Rigail DIRECTION GÉNÉRALE DIVISIONS ORGANIGRAMME DE L’ASN au 2 mars 2021 Directeur général Olivier Gupta Les divisions de Caen et d’Orléans interviennent respectivement dans les régions Bretagne et Île-de-France pour le contrôle des seules INB. La division de Paris intervient dans les DROM. DIRECTIONS Commissaires Sylvie Cadet-Mercier Lydie Évrard Jean-Luc Lachaume Géraldine Pina Jomir DROM-COM 10 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2020

Compétence Indépendance Rigueur Transparence Suivez également l’ASN sur les réseaux sociaux info@asn.fr asn.fr Avril 2021

SOMMAIRE AVIS AU LECTEUR • Le contrôle des activités nucléaires de proximité (médical, recherche et industrie, transport) est présenté dans les chapitres 7, 8, 9. • Seules les actualités réglementaires de l’année 2020 sont présentes dans cet ouvrage. L’ensemble de la réglementation est consultable sur asn.fr, rubrique «Réglementer ». i Éditorial du collège 2 Éditorial du directeur général 8 Incidence de la Covid‑19 12 Les appréciations de l’ASN 14 Faits marquants 2020 22 Actualités réglementaires 34 Le panorama régional de la sûreté nucléaire et de la radioprotection 38 Les principes de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et les acteurs du contrôle 120 02 Les situations d’urgence radiologique et post‑accidentelles 172 04 Les relations internationales 194 06 Les sources de rayonnements ionisants et les utilisations industrielles, vétérinaires et en recherche de ces sources 238 08 Les centrales nucléaires d’EDF 286 10 Les installations nucléaires de recherche et industrielles diverses 334 12 Les déchets radioactifs et les sites et sols pollués 358 14 Liste des installations nucléaires de base au 31 décembre 2020 378 ANNEXE Les activités nucléaires : rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement 100 01 Le contrôle des activités nucléaires et des expositions aux rayonnements ionisants 146 03 L’information des publics 184 05 Les utilisations médicales des rayonnements ionisants 206 07 Le transport de substances radioactives 268 09 Les installations du «cycle du combustible nucléaire» 324 11 Le démantèlement des installations nucléaires de base 342 13 RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2020

De gauche à droite* : Jean‑Luc LACHAUME, Commissaire ; Lydie ÉVRARD, Commissaire ; Bernard DOROSZCZUK, Président ; Sylvie CADET‑MERCIER, Commissaire ; Géraldine PINA JOMIR, Commissaire * Pour répondre aux contraintes sanitaires, les membres du Collège ont été photographiés individuellement. Tirer le retour d’expérience de cette situation pour renforcer la culture d’anticipation et de précaution UNE ADAPTATION DES ACTEURS DU NUCLÉAIRE DANS UN CONTEXTE HORS NORME ÉDITORIAL DU COLLÈGE 2 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020

Montrouge, le 02 mars 2021 La crise liée à la pandémie de Covid-19 a profondément marqué l’année 2020. L’ASN estime que le niveau de sûreté et de radioprotection atteint est resté satisfaisant et que les responsables d’activités nucléaires ont su s’adapter et faire face à la situation. En ce début d’année 2021, la crise sanitaire n’est toutefois pas terminée et il convient de rester prudent sur les enseignements à en tirer, dans un contexte qui reste incertain et évolutif. L’ASN estime que cette situation soulève dès à présent des questions de nature systémique, qui pourraient se poser, dans les mêmes termes, en cas de crise nucléaire. C’est le cas notamment des relations de confiance des citoyens envers l’expertise scientifique et les autorités, et des conditions d’acceptabilité de mesures contraignantes de protection des populations. Plus globalement, l’ASN estime que les premières analyses tirées des difficultés rencontrées lors de la crise sanitaire confirment le besoin impératif qu’elle a régulièrement souligné, de renforcer la culture d’anticipation et de précaution chez l’ensemble des acteurs concernés par le nucléaire. Une adaptabilité des acteurs démontrée, mais une vigilance à maintenir Dans un contexte inédit de crise, la capacité d’adapta‑ tion de l’ensemble des acteurs a constitué un point‑clé pour la sûreté et la radioprotection. Elle s’est révélée satisfaisante, d’une part, les exploitants ont poursuivi les activités essentielles à l’approvisionnement du pays en électricité en maintenant un haut niveau de sûreté de leurs installations. D’autre part, les responsables d’activi‑ tés nucléaires, notamment dans le secteur médical, ont fait preuve d’une grande réactivité et ont adapté leur organisation pour gérer la situation sanitaire et assurer la permanence des soins. Toutefois, le report de nombreuses activités, inter‑ venu au printemps 2020, conjugué à l’instauration, depuis l’automne, de nouvelles mesures de restric‑ tions, a conduit à une période tendue, qui perdurera bien au‑delà de l’année 2020. La reprogrammation des arrêts des réacteurs pour tenir compte des besoins d’approvisionnement électrique en période hivernale et les effets domino qu’elle induit sur les années à venir créent des contraintes pour l’exploitation des centrales nucléaires, des tensions en matière de gestion des arrêts et de mobilisation des prestataires, et imposent une vigilance particulière au regard des exigences réglementaires. Dans le domaine médical, la gestion de la situation de crise sur la durée soulève, dans cer‑ tains centres, des questions en matière de radioprotec‑ tion des patients liées au manque de disponibilité ou à la surcharge de travail des professionnels médicaux. Dans ce contexte, l’ASN reste attentive aux dispositions prises pour assurer la sûreté et la radioprotection des activités, qu’elles soient de nature matérielle, organisa‑ tionnelle ou humaine. … Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 3 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

Enf in, l’ASN s’attache à tirer tous les enseignements durables de la gestion de cette crise, d’une part sur ses propres modalités de contrôle, en particulier en matière de complémentarité entre contrôles sur site et à distance, d’autre part sur les conditions permettant le maintien en son sein d’une approche collective, qui constitue un facteur‑clé pour la qualité et la robustesse de son processus de décision. Des capacités industrielles à mobiliser La f ilière nucléaire devra, dans les cinq prochaines années, faire face à une montée en puissance signifi‑ cative de travaux indispensables à la sûreté des instal‑ lations en exploitation. À partir de 2021, quatre à cinq réacteurs de 900 mégawatts électriques (MWe) d’EDF feront chaque année l’objet de travaux importants du fait de leur quatrième visite décennale. Viendront s’ajouter de manière cer‑ taine à cette charge de travail les travaux indispensables à l’accroissement des capacités d’entreposage des com‑ bustibles usés, ainsi que ceux liés aux opérations prio‑ ritaires de conditionnement des déchets anciens et de démantèlement des installations. L’ensemble de ces travaux conduira à augmenter nota‑ blement la charge de travail industrielle de la f ilière, avec une attention particulière à porter sur certains seg‑ ments en tension, comme la mécanique ou l’ingénierie, tant chez les exploitants que les prestataires. La pers‑ pective de montée en charge des travaux sur le parc existant doit être un point de vigilance, mais constitue aussi une opportunité pour la filière nucléaire qui a souf‑ fert par le passé de l’absence de projets pour entretenir ses compétences. Dans la période actuelle de crise sanitaire et écono‑ mique, l’ASN estime que l’État et les donneurs d’ordres devraient porter une attention particulière au maintien des capacités industrielles des acteurs clés de la filière, notamment lorsque ces acteurs sont également expo‑ sés aux difficultés rencontrées dans d’autres secteurs de haute technologie, par exemple l’aéronautique. Des résultats en matière de rigueur, de compétences et de qualité attendus dès 2021 Il y a un an, l’ASN avait appelé l’attention sur la nécessité de renforcer les compétences, la rigueur professionnelle et la qualité au sein de la filière nucléaire. Les démarches engagées en 2020 dans le cadre du plan Excell d’EDF et au sein du Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (GIFEN) traduisent une réelle mobilisation collective autour de ces enjeux. La réalisation correcte des opérations «du premier coup», la détection et le traitement rapide des non‑confor‑ mités éventuelles, l’évaluation de la maturité des dif‑ férentes phases des projets et la recherche d’une plus grande standardisation des équipements comme des programmes de travaux constituent des points clés de ces démarches. L’ASN estime que les objectifs de montée en compé‑ tence, notamment en matière de soudage, ainsi que de renforcement de la rigueur dans la gestion des pro‑ jets et dans la surveillance des activités vont dans le bon sens. L’ASN sera attentive à ce que ces objectifs se traduisent en résultats tangibles dès 2021, notamment pour les installations en cours de construction comme le réac‑ teur EPR de Flamanville, mais aussi pour les travaux liés au quatrième réexamen périodique des réacteurs de 900 MWe. Des améliorations de sûreté ouvrant la perspective d’une poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900MWe Les objectifs retenus pour le quatrième réexamen pério‑ dique des réacteurs de 900 MWe sont ambitieux. Ils ont été définis au regard des objectifs de sûreté fixés pour les réacteurs de troisième génération, notamment l’EPR. Ils conduiront à une plus grande robustesse des installations face aux aléas naturels et à la réduction des conséquences radiologiques en cas d’accident, notam‑ ment avec fusion du cœur. … 4 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

Afin d’atteindre ces objectifs, EDF a proposé de nom‑ breuses modifications sur les installations, notamment pour améliorer la sûreté de la piscine d’entreposage du combustible, pour réduire le risque de fusion du cœur et pour limiter les rejets en cas d’accident grave. À l’issue de la phase générique du réexamen, l’ASN estime que la mise en œuvre des modifications propo‑ sées par EDF conduit à des améliorations significatives de la sûreté des installations. L’ASN prescrit la réalisa‑ tion des améliorations majeures de la sûreté prévues par EDF ainsi que de certaines dispositions supplémen‑ taires qu’elle considère comme nécessaires à l’atteinte des objectifs du réexamen. Le déploiement des modifications proposées par EDF et des dispositions supplémentaires prescrites par l’ASN est réalisé en deux temps, afin de permettre à l’exploi‑ tant d’en maîtriser la mise en œuvre et de faciliter leur appropriation par les équipes de conduite. L’ASN s’est assurée que la majeure partie des améliorations de sûreté sont déployées dès la première phase, c’est‑à‑dire au moment de la visite décennale du réacteur. L’ASN considère que ces améliorations de sûreté ouvrent la perspective d’une poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900 MWe pour les 10 ans suivant leur quatrième réexamen périodique. D’ici 2031, EDF réalisera la phase spécif ique du qua‑ trième réexamen périodique de chacun des réacteurs de 900 MWe. Les dispositions proposées par EDF don‑ neront alors lieu à une enquête publique. L’ASN sou‑ mettra ensuite à la consultation du public les projets de prescriptions qu’elle jugera nécessaires pour la pour‑ suite du fonctionnement de chacun des réacteurs. EPR de Flamanville, un projet complexe confronté à de nombreux aléas L’ASN reste vigilante sur l’EPR de Flamanville, qui constitue un projet complexe, confronté à de nom‑ breux aléas. Le programme important d’essais réalisés en vue de la mise en service du réacteur a mon‑ tré globalement que les performances attendues des systèmes sont atteintes, mais a révélé l’existence d’écarts dont certains nécessitent des modif ications de l’installation. Sur la base des essais réalisés sur les systèmes de sûreté de la piscine d’entreposage et des contrôles qu’elle a effectués, l’ASN a autorisé, en octobre 2020, l’arrivée du combustible nucléaire sur le site du réacteur EPR de Flamanville, qui est entreposé dans cette piscine. Le contrôle des équipements de l’EPR a déjà mis en évidence de nombreux écarts par rapport à la qua‑ lité attendue. En conséquence, l’ASN a demandé à EDF d’effectuer une revue de la qualité des matériels du réacteur EPR de Flamanville. Pour ce qui concerne les circuits secondaires (tuyauteries d’évacuation de la vapeur et d’alimentation en eau des générateurs de vapeur), plus d’une centaine de soudures sont concer‑ nées par des écarts. EDF a prévu de réparer certaines de ces soudures et de justif ier le maintien en l’état des autres. Les procédés de réparation ont été définis par EDF et font l’objet d’essais et de maquettes spéci‑ fiques dans le cadre de leur qualification. L’ASN donne son accord avant chaque étape de leur mise en œuvre. L’instruction des dossiers de justification de maintien en l’état par l’ASN inclut l’analyse des conséquences de l’écart relatif au non‑respect des températures lors du détensionnement thermique des soudures. L’ASN est particulièrement attentive au retour d’expé‑ rience acquis sur les EPR en Finlande et en Chine, qui met en exergue certains sujets nécessitant des investi‑ gations et instructions spécifiques. Il concerne notam‑ ment la corrosion sous contrainte sur les pilotes des soupapes sur le réacteur EPR d’Olkiluoto (Finlande), ainsi que les anomalies sur les distributions de puis‑ sance dans le cœur des EPR de Taishan (Chine). Une période charnière pour prendre des décisions sur la gestion des matières et des déchets radioactifs À la suite du débat public qui s’est tenu en 2019 pour préparer la prochaine édition du Plan national de ges‑ tion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), la ministre chargée de l’écologie et le président de l’ASN ont fixé, par la décision du 21 février 2020, les orienta‑ tions de cette prochaine édition. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 5 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

Le positionnement de l’ASN dans l’élaboration du plan, déjà questionné en 2018 par les pairs lors d’une mission de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a également soulevé des interrogations lors du débat public. En accord avec le ministère de la Transition éco‑ logique, l’ASN a décidé de ne plus assurer la co‑maîtrise d’ouvrage de ce plan, qui constitue un document de politique de gestion du ressort du Gouvernement. L’ASN a recentré son action sur l’évaluation de l’exis‑ tence et le contrôle des filières de gestion des déchets et des matières radioactifs, af in de s’assurer de leur sûreté. Ainsi, dans le cadre de la préparation du cin‑ quième PNGMDR, l’ASN a émis plusieurs avis, organi‑ sés par filière de gestion, concernant les déchets de très faible activité, les déchets de faible activité à vie longue, les matières radioactives et les déchets de haute activité à vie longue. Un enjeu principal en ressort : renforcer la culture d’anticipation. En matière de gestion des déchets, les plans précédents ont permis de développer de nombreuses études, de partager avec les parties prenantes un grand nombre de données et d’informations, pour faire un état des lieux des solutions possibles, de leurs avantages et de leurs inconvénients. Il s’agit maintenant d’avancer concrète‑ ment pour la mise en œuvre de ces filières. À défaut de choix ou de décisions dans la période de 5 ans couverte par le prochain PNGMDR, aucune filière de gestion ne sera opérationnelle dans les 20 ans qui viennent et notre pays ne pourra pas faire face aux besoins capacitaires de stockage des déchets générés par le démantèlement des installations, et par l’achèvement des opérations de reprise et de conditionnement des déchets anciens. Pour ce qui concerne les matières, l’ASN s’est pronon‑ cée dans son avis sur les principes qui devraient guider cette culture d’anticipation. Ainsi, la valorisation d’une matière peut être considérée comme plausible si l’exis‑ tence d’une f ilière industrielle d’utilisation de cette matière est réaliste à un horizon d’une trentaine d’an‑ nées, et que cette valorisation porte sur des volumes cohérents avec les stocks de matière détenus et prévi‑ sibles. Pour toute perspective plus lointaine, il est néces‑ saire d’anticiper les besoins d’entreposage à long terme dans des conditions sûres, ainsi que la gestion possible de la substance radioactive en tant que déchet. En tout état de cause, l’absence de perspective d’utilisation à l’horizon d’une centaine d’années doit conduire à requa‑ lifier la substance en déchet. Démantèlement et gestion des déchets anciens : des projets d’ampleur accumulant des retards Les opérations de démantèlement constituent des projets de grande ampleur, du point de vue technique et organisationnel, qui se déroulent sur de longues périodes de temps, sur des installations qui évoluent. Il est à ce titre essentiel de ré‑évaluer périodiquement les enjeux en matière de sûreté et de radioprotection. Les constats effectués depuis plusieurs années montrent que l’enclenchement tardif du démantèle‑ ment d’installations anciennes complexif ie notable‑ ment les opérations, et conduit à d’importants retards par rapport aux plannings prévus. L’ASN a prescrit, en 2020, les prochaines étapes du démantèlement des six réacteurs de première généra‑ tion de type uranium naturel‑graphite‑gaz, pour enca‑ drer la réalisation d’opérations particulières et demander la transmission, pour 2022, des dossiers de démantèle‑ ment intégrant le nouveau scénario de démantèlement. Elle constate par ailleurs, des retards manifestes dans la mise en œuvre de la stratégie de gestion des déchets et de démantèlement des installations anciennes du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alter‑ natives (CEA), sur laquelle l’ASN et l’Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND) s’étaient prononcés en 2019. Elle note chez Orano des améliorations, encore trop lentes, dans les opérations de reprise et de conditionne‑ ment des déchets radioactifs anciens. Plus globalement, l’ASN a poursuivi sa démarche d’exa‑ men des dispositions prises par les exploitants pour assurer la gestion de leurs projets complexes, qu’elle considère essentielles pour que les démantèlements puissent progresser de façon satisfaisante. Des défaillances organisationnelles et techniques encore à l’origine d’événements évitables dans le domaine médical Même dans le contexte de crise sanitaire, la radio‑ protection dans le domaine médical s’est maintenue à un niveau satisfaisant. Les événements signif icatifs de radioprotection (ESR) de niveau 2 ou 3 restent très peu nombreux mais ils étaient évitables (erreur de côté, erreur de fractionnement des doses). La survenue de … 6 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

ces ESR montre des défaillances organisationnelles et techniques, rappelant l’importance de la culture de radioprotection. La maîtrise de dispositifs de haute technologie reste délicate, d’une part pour leur prise en main, d’autre part lors de l’implémentation de nouvelles procédures. Des temps de formation adéquats sont indispensables pour leur appropriation par les équipes et ainsi éviter un mauvais paramétrage des logiciels, et une standardisation des procédures permettrait de réduire le risque de transmission de données erronées. Anticiper et accompagner les innovations technologiques dans le domaine médical Pour anticiper l’élargissement des indications théra‑ peutiques de médicaments radiopharmaceutiques marqués avec du lutétium-177 et l’augmentation du nombre de patients qui en bénéficieraient en France, l’ASN avait saisi le Groupe permanent d’experts en radio‑ protection pour les applications médicales et médico‑ légales des rayonnements ionisants, placé auprès d’elle, pour actualiser les conditions de détention et d’adminis‑ tration de ces médicaments par les services de méde‑ cine nucléaire. Cette démarche d’anticipation, menée en concertation avec les parties prenantes (dont la Société française de médecine nucléaire) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a permis en 2020 la diffusion et l’accès sur tout le territoire à cette classe de médicaments tout en assurant de bonnes conditions de radioprotection pour les patients, les pro‑ fessionnels concernés et l’environnement (gestion des effluents contaminés). De la préparation du post‑accidentel au développement d’une culture de précaution Par une lettre en date du 18 juin 2020, le Premier ministre a donné mandat à l’ASN de poursuivre, pour une durée de 5 ans, le pilotage des travaux du Comité directeur pour la gestion de la phase post- accidentelle d’un accident nucléaire (Codirpa). Ainsi le Codirpa, après s’être principalement intéressé aux conséquences d’un accident affectant une cen‑ trale nucléaire, traitera des cas d’accident entraînant des rejets radioactifs en milieu marin ainsi que des accidents pouvant conduire à des rejets de radionucléi‑ des émetteurs alpha, qui nécessitent une gestion adap‑ tée. De plus, le Codirpa, en tirant les enseignements des situations de crise, étendra son action af in de contri‑ buer au développement d’une culture de radioprotec‑ tion. Cette culture exige une association renforcée des acteurs territoriaux et de la population vivant à proxi‑ mité des installations nucléaires, à la préparation des plans d’intervention, aux exercices et à la gestion de crise. L’ASN estime que le retour d’expérience de la crise sani‑ taire et les travaux du Codirpa, avec l’appui de relais locaux, constitueront des éléments clés pour faire pro‑ gresser une culture de précaution. Le maintien des relations internationales assuré dans des formats adaptés L’ASN a maintenu en 2020 ses actions de coopération internationale dans des formats adaptés. Après l’an‑ nulation ou le report sine die de toutes les grandes manifestations internationales au printemps 2020, des échanges se sont instaurés selon des formats vir‑ tuels, notamment pour partager les enseignements de la gestion de la crise sanitaire. Ces reports ont cepen‑ dant pu conduire, à titre exceptionnel, à ne pas être en mesure de respecter pleinement certaines obligations. Tel fut le cas de la revue par les pairs, prévue tous les 3 ans par la Convention sur la sûreté nucléaire, menée sous l’égide de l’AIEA. Bien que la situation actuelle contraigne fortement les échanges, notamment infor‑ mels, qui représentent une part très riche de la coopé‑ ration internationale, le lien parvient à être maintenu grâce aux dynamiques pré‑existantes et l’implication de l’ASN dans les événements qui s’organisent à distance. • Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 7 ÉDITORIAL DU COLLÈGE

En 2020, la crise sanitaire a mis à l’épreuve chacun d’entre nous. L’ASN et le secteur qu’elle contrôle ont eux aussi été soumis à des défis inédits. Notre institution y a fait face et a montré sa résilience. Cette crise a été un puissant accélérateur des transformations déjà en cours, mais aussi, par l’inventivité qu’elle a nécessitée, le point de départ de nouvelles pratiques de contrôle. Enfin, cette crise vient rappeler à l’ensemble des acteurs l’importance de l’anticipation et de la précaution, deux priorités de l’ASN depuis déjà plusieurs années. En ce qui la concerne, l’ASN en tirera les enseignements dans son prochain Plan stratégique pluriannuel. Montrouge, le 2 mars 2021 Olivier GUPTA L’année 2020, de l’incertitude à l’accélération des transformations 8 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL

La crise sanitaire, l’importance d’un fonctionnement résilient à l’ASN L’annonce du premier conf inement a laissé peu de temps de préparation, mais il était essentiel que l’ASN assure la continuité de son activité, pour ne pas ajou‑ ter à la crise sanitaire d’autres diff icultés de court ou de long terme. Les centrales nucléaires ont poursuivi leur fonctionnement, il fallait donc continuer de les contrôler. Dans le domaine médical, de nombreux centres hospitaliers ont eu besoin d’obtenir en urgence des aménagements à leurs autorisations d’activité pour mobiliser des appareils (scanners essentiellement) pour le diagnostic des patients atteints de Covid-19. Enfin, il fallait poursuivre l’instruction et la préparation de déci‑ sions sur des dossiers importants pour lesquels un retard aurait pu conduire à une impasse à plus long terme. Cela a été possible parce que le plan de transforma‑ tion numérique, lancé en 2017, était déjà bien avancé (l’ASN disposait déjà des moyens indispensables pour un travail à distance généralisé). Également parce que les personnels de l’ASN ont fait preuve d’un engage‑ ment exceptionnel, poursuivant leurs missions le mieux possible malgré des conditions individuelles de travail à distance parfois difficiles. Enfin, parce qu’ils ont formé un collectif soudé. Je tiens à leur rendre hommage car c’est grâce à eux, pour ne citer que deux exemples, qu’a pu être mis en consultation, dans les délais prévus, le projet de posi‑ tion générique sur la poursuite d’exploitation des réac‑ teurs de 900 MWe, et qu’ont pu être publiés plusieurs avis sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. C’est grâce à eux que les inspec‑ tions sur site ont vite repris. Au total, sur l’année, près de 2600 hommes.jour auront été passés en inspection sur le terrain. Cet engagement et ces résultats sont à mes yeux les fruits d’une solide culture commune et d’une vision collectivement partagée des enjeux, d’un mode de management responsabilisant, alliant exigence et bien‑ veillance, et d’un dialogue social permanent et toujours constructif. Le domaine d’activité qui a le plus souffert de la crise a naturellement été celui des relations internationales. Pour autant, certaines activités ont pu se poursuivre à distance : ainsi, l’association WENRA a franchi, sous la présidence de l’ASN, un nouveau cap en publiant des «niveaux de référence», c’est‑à‑dire des exigences de sûreté harmonisées, pour les réacteurs de recherche, domaine non couvert par ses travaux jusqu’alors. WENRA a également proposé le sujet qui a été retenu pour la prochaine revue thématique par les pairs à l’échelle européenne : il s’agit de la maîtrise des risques d’incendie, sujet important et qui concerne toutes les installations nucléaires. Les personnels de l’ASN ont fait preuve d’un engagement exceptionnel, poursuivant leurs missions le mieux possible malgré des conditions individuelles de travail à distance parfois difficiles. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 9 ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL

La crise sanitaire, un accélérateur des évolutions des pratiques de contrôle Le caractère exceptionnel de la situation a amené l’ASN à expérimenter de nouvelles façons de réaliser ses mis‑ sions, dont certaines ont vocation à être pérennisées. De façon évidente, le travail à distance a donné un coup d’accélérateur à la transformation numérique de l’ASN, avec un recours accru à l’utilisation des moyens de visioconférence, à l’archivage numérique et, de façon plus générale, à la dématérialisation. Surtout, de nouvelles pratiques de contrôle, à distance, ont été mises en place. D’abord vues comme un pis‑aller dans l’attente de la mise en œuvre de protocoles sani‑ taires, elles ont démontré leur intérêt, en complément des inspections sur site : possibilité d’accéder à distance à certaines bases de données de l’exploitant ainsi qu’à l’état des réacteurs ; possibilité d’examiner des docu‑ ments en y consacrant plus de temps que cela n’est possible sur site. Ces nouvelles formes de contrôle n’ont pas vocation à se substituer à la présence sur le terrain, qui reste essentielle pour appréhender les enjeux liés à une installation ou une activité nucléaire, examiner l’état des locaux et des matériels, observer la réalisa‑ tion de travaux et comprendre les interactions entre les intervenants. Elles permettent en revanche d’optimiser la présence des inspecteurs sur le terrain, qui peuvent ainsi se concentrer sur ce qui ne peut pas être contrôlé à distance. La crise sanitaire, un élément dans les réflexions sur la stratégie de l’ASN La crise sanitaire, si elle a profondément marqué l’année 2020 et probablement aussi 2021, n’a pas remis en cause les lignes directrices de la stratégie actuelle de l’ASN, qui restent pleinement d’actualité et pour lesquelles les tra‑ vaux se poursuivent : renforcer la mise en œuvre d’une approche graduée ; mieux piloter les instructions tech‑ niques ; renforcer l’efficacité de notre action de terrain; consolider notre fonctionnement ; conforter l’approche française et européenne par l’action internationale. Pour autant, cette crise appelle l’ensemble des parties prenantes, y compris notre institution, à une réflexion renouvelée sur l’anticipation et la précaution. En cela, elle contribue à mettre en relief les questions de fond sur lesquelles l’ASN appelle depuis plusieurs années à des décisions, notamment pour éviter à terme les situa‑ tions d’impasse : marges nécessaires pour assurer tout à la fois la sûreté nucléaire et la sécurité du réseau élec‑ trique ; décisions à prendre pour une gestion sûre des déchets radioactifs sur le long terme ; renforcement des compétences de la filière. Les réflexions sur le futur plan stratégique de l’ASN démarreront à la fin de l’année 2021. À cette aune, plu‑ sieurs questions pourront être examinées : ∙ les modalités selon lesquelles, pour une meilleure effi‑ cience de l’action publique, l’ASN peut travailler avec les différentes parties prenantes pour faire en sorte que les potentielles situations d’impasse, une fois identifiées, soient correctement anticipées ; 10 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL

∙ l’articulation avec les autres acteurs du contrôle sur des champs connexes afin d’aboutir à des déci‑ sions optimales, c’est‑à‑dire intégrant l’ensemble des enjeux relatifs à la protection des personnes et de l’environnement ; ∙ les inflexions éventuelles à apporter à la politique de contrôle de l’ASN, pour qu’elle soit adaptée au contexte et aux enjeux de la décennie à venir ; ∙ les modalités du contrôle par l’ASN: outre l’exemple déjà cité de l’équilibre entre contrôles à distance et contrôles de terrain effectués par l’ASN, on peut mentionner le rôle que doivent jouer les organismes agréés réalisant des contrôles pour le compte de l’ASN; ∙ les actions à mettre en œuvre pour conforter l’in‑ dépendance de l’ASN, notamment en matière de fonctionnement ; ∙ les moyens quantitatifs mais surtout qualitatifs, dont l’ASN aura besoin dans les années à venir pour exer‑ cer ses missions. En effet, la complexité croissante des questions à traiter nécessite d’identifier très en amont les besoins de recrutement de personnels expérimen‑ tés ou disposant de compétences rares. Ces travaux ont d’autant plus d’importance qu’ils per‑ mettront de prendre un recul salutaire par rapport à une actualité qui reste dominée par la crise sanitaire. Ils permettront de dessiner une vision du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection adaptée aux enjeux nouveaux. À l’heure du quinzième anniversaire de la transformation de l’ASN en autorité administra‑ tive indépendante, ce sera aussi l’occasion de mesurer le chemin parcouru. ••• Je réitère mes remerciements aux équipes de l’ASN pour leur engagement exceptionnel tout au long de l’année. Je remercie aussi tout particulièrement nos partenaires, au premier rang desquels l’IRSN, ainsi que les membres des groupes qui conseillent l’ASN ou col‑ laborent à ses travaux : tous ont été à nos côtés dans ces temps difficiles et sans eux, nous n’aurions pas pu avan‑ cer autant que nous l’avons fait. La crise sanitaire n’est pas f inie. Les équipes de l’ASN savent que les attentes à leur égard resteront fortes en 2021, tant les enjeux sont importants. Elles mettront tout en œuvre pour être à la hauteur des responsabi‑ lités qui leur sont conf iées et de la conf iance qui leur est accordée. • Le futur plan stratégique permettra de dessiner une vision du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection adaptée aux nouveaux enjeux… Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 11 ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL

Gestion de la crise sanitaire satisfaisante • Maintien du niveau de sûreté attendu • Mise en œuvre d’un plan de continuité d’activité Adaptabilité organisationnelle : poursuite en télétravail de la préparation des dossiers attendus par l’ASN, dispositions efficaces pour assurer la disponibilité permanente de personnels de conduite qualifiés sur site. Adaptabilité opérationnelle : maintien effectif des activités jugées prioritaires et essentielles (surveillance, contrôles de sûreté), report ou suppression des activités non essentielles, respect satisfaisant des prescriptions applicables en matière de sûreté et de radioprotection, etc. Les exploitants et les responsables d’activité ont fait preuve d’une bonne capacité d’adaptation VOIR ENCADRÉ PAGE 299 Un stress test inédit pour l’organisation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection Les mesures prises pendant la période d’urgence sanitaire ont fortement affecté les activités nucléaires. Les exploitants d’installations nucléaires de base (INB) ont activé leur plan de continuité d’activité et adapté leur organisation pour maintenir le niveau de sûreté des installations et garantir le respect des exigences réglementaires. Les acteurs du nucléaire médical ont également dû faire face à une situation sanitaire inédite. Durant cette période, l’ASN a adapté ses modalités de contrôle, en développant notamment des inspections à distance sur certains sujets. INCIDENCE DE LA COVID-19 12 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020

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