Rapport de l'ASN 2020

externe) en quelques fractions de seconde, à forte dose et fort débit de dose(3) de rayonnements ionisants. Les études menées dans les pays les plus touchés par l’accident de Tchernobyl (la Biélorussie, l’Ukraine et la Russie) ont aussi fait avancer les connaissances sur l’effet des rayonnements sur la santé pour des expositions dues à une contamination interne (exposition interne), notamment à l’iode radioactif. Les études sur les travailleurs de l’industrie nucléaire ont permis de mieux préciser le risque pour des expositions chroniques à faibles doses établies sur de nombreuses années, que ce soit le résultat d’expositions externes ou de contaminations internes. Les effets héréditaires La survenue d’éventuels effets héréditaires des rayonnements ionisants chez l’homme reste incertaine. De tels effets n’ont pas été observés chez les survivants des bombardements de Hiroshima et de Nagasaki. Cependant, des effets héréditaires ont été bien documentés dans des travaux expérimentaux chez l’animal : les mutations induites par les rayonnements ionisants dans les cellules germinales sont transmissibles à la descendance. La mutation récessive d’un gène sur un chromosome ne donnera aucun signe clinique ou biologique tant que le même gène porté par l’autre chromosome homologue ne sera pas atteint ; si elle n’est pas nulle, la probabilité de ce type d’événement reste cependant faible. La protection de l’environnement La radioprotection a pour but d’empêcher ou de réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par des effets délétères portés à l’environnement. Au‑delà de la protection de l’environnement orientée vers la protection de l’homme et des générations présentes ou futures, la protection des espèces non humaines fait partie en tant que telle de la protection de l’environnement prescrite en France par la Charte constitutionnelle de l’environnement. La protection de la nature au nom de l’intérêt propre des espèces animales et végétales a fait l’objet de plusieurs publications depuis 2008 (CIPR 108, 114 et 124). 1.3.3 La signature moléculaire dans les cancers radio‑induits Il n’est actuellement pas possible de faire la différence entre un cancer radio‑induit et un cancer qui ne le serait pas. En effet, les lésions provoquées par les rayonnements ionisants au niveau 3. Le débit de dose radioactive détermine la dose absorbée (énergie absorbée par la matière) par unité de masse et de temps. Il se mesure en Gray par seconde (Gy/s) dans le système international. Il est utilisé en physique et en radioprotection. moléculaire ne semblent pas différentes de celles qui résultent du métabolisme cellulaire normal, avec l’implication dans les deux cas de radicaux libres, en particulier oxygénés. De plus, ni l’examen anatomopathologique ni la recherche de mutations spécifiques n’ont permis de différencier jusqu’à présent une tumeur radio‑induite d’une tumeur sporadique. On sait qu’aux premières étapes de la carcinogenèse (processus de formation du cancer) une cellule apparaît présentant une combinaison particulière de lésions de l’ADN lui permettant d’échapper au contrôle habituel de la division cellulaire et qu’il faut une dizaine à une centaine de lésions de l’ADN (mutations, cassures, etc.) en des points névralgiques pour franchir ces étapes. Tous les agents capables de léser l’ADN cellulaire (tabac, alcool, produits chimiques variés, rayonnements ionisants, température élevée, autres facteurs d’environnement notamment nutritionnels, radicaux libres du métabolisme cellulaire normal, etc.) contribuent au vieillissement cellulaire et à la carcinogenèse. Dans une approche multirisque de la carcinogenèse, peut‑on alors continuer à parler de cancers radio‑induits ? Oui, compte tenu des nombreuses données épidémiologiques qui indiquent que la fréquence des cancers augmente lorsque la dose augmente, une fois tenu compte des autres principaux facteurs de risque. Cependant, l’événement radio‑induit peut aussi être le seul en cause dans certains cas (cancers radio‑induits chez les enfants). La mise en évidence d’une signature radiologique des cancers, c’est‑à‑dire la découverte de marqueurs permettant de signer l’éventuelle composante radio‑induite d’une tumeur, serait d’un apport considérable dans l’évaluation des risques liés aux expositions aux rayonnements ionisants, mais reste à ce jour non démontrée. Le caractère multifactoriel de la carcinogenèse plaide pour une approche de précaution vis‑à‑vis de tous les facteurs de risque, puisque chacun d’entre eux est susceptible de contribuer à une altération de l’ADN. Ceci est particulièrement important chez les personnes présentant une radiosensibilité individuelle élevée et pour les organes les plus sensibles comme le sein et la moelle osseuse, et ce d’autant plus que les personnes sont jeunes. Les principes de justification et d’optimisation trouvent là toute leur place (voir chapitre 2). 2. Les différentes sources de rayonnements ionisants 2.1  Les rayonnements d’origine naturelle En France, l’exposition à la radioactivité naturelle, sous ses différents modes (cosmique ou tellurique), représente en moyenne environ 65% de l’exposition totale annuelle. 2.1.1 Les rayonnements d’origine terrestre (hors radon) Les radionucléides naturels d’origine terrestre sont présents à des teneurs diverses dans tous les milieux constitutifs de notre environnement et de l’organisme humain. Ils conduisent à une exposition externe de la population du fait des rayonnements gamma émis par les produits de filiation de l’uranium-238 et du thorium-232, et par le potassium-40 présents dans les sols, mais aussi à une exposition interne par inhalation de particules remises en suspension, par ingestion de denrées alimentaires ou d’eau de consommation. Les teneurs en radionucléides naturels dans les sols sont extrêmement variables. Les valeurs des débits de dose d’exposition externe, à l’air libre, s’échelonnent en France, selon les régions, entre quelques nanosieverts par heure (nSv/h) et 100 nSv/h. Les valeurs de débit de dose à l’intérieur des habitations sont généralement plus élevées du fait de la contribution des matériaux de construction (environ 20% en plus, en moyenne). À partir d’hypothèses sur les temps de présence des individus à l’intérieur et à l’extérieur des habitations (respectivement 90% et 10%), la dose efficace annuelle moyenne due à l’exposition externe aux rayonnements gamma d’origine tellurique est estimée en France à environ 0,5 mSv par personne et par an. Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN 2015) la moyenne de l’exposition interne due à l’incorporation de radionucléides d’origine naturelle est estimée à 0,55 millisieverts par an (mSv/an). Les deux principales 106 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 01 – LES ACTIVITÉS NUCLÉAIRES : RAYONNEMENTS IONISANTS ET RISQUES POUR LA SANTÉ ET L’ENVIRONNEMENT

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