Rapport de l'ASN 2020

En France métropolitaine, environ 12 millions de personnes, réparties dans près de 7 000 communes, sont potentiellement exposées à des concentrations élevées en radon. Selon l’Agence nationale de santé publique (2018), le nombre de nouveaux cas de cancer du poumon attribuables au radon en France métropolitaine est estimé à environ 4000 par an, loin derrière celui dû au tabac (le nombre de nouveaux cas de cancer du poumon en France métropolitaine est estimé à 46363 en 2018). À l’initiative de l’ASN, un plan national d’action pour la gestion du risque lié au radon a été mis en place depuis 2004, il est périodiquement réactualisé. Le 4e plan (2020‑2024) a été publié début 2021 (voir point 3.2.2). 1.3  Les incertitudes scientifiques et la vigilance Les actions menées dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour prévenir les accidents et limiter les nuisances ont permis de réduire les risques sans toutefois les supprimer, qu’il s’agisse, par exemple, des doses reçues par les travailleurs ou de celles associées aux rejets des installations nucléaires de base (INB). De nombreuses incertitudes subsistent ; elles conduisent l’ASN à rester attentive aux résultats des travaux scientifiques en cours, en radiobiologie et en radiopathologie, par exemple, avec des retombées possibles en radioprotection, notamment en ce qui concerne la gestion des risques liés aux faibles doses. On peut citer, en particulier, plusieurs zones d’incertitudes concernant la radiosensibilité, les effets des faibles doses en fonction de l’âge, l’existence de signatures (mutations spécifiques de l’ADN) qui pourraient être observées dans des cancers radio‑induits et certaines maladies non cancéreuses observées dans les suites de radiothérapie. 1.3.1 La réponse individuelle aux rayonnements ionisants Les effets des rayonnements ionisants sur la santé varient d’un individu à l’autre. On sait, par exemple, depuis que cela a été énoncé pour la première fois par Bergonié et Tribondeau en 1906, qu’une même dose n’a pas le même effet selon qu’elle est reçue par un enfant en période de croissance ou par un adulte. Par ailleurs, la variabilité de la radiosensibilité individuelle aux fortes doses de rayonnements ionisants a été bien documentée par les radiothérapeutes et les radiobiologistes. Des niveaux de radiosensibilité élevés ont été constatés dans le cas de sujets souffrant de maladies génétiques de la réparation de l’ADN et de la signalisation cellulaire, ils peuvent chez ces personnes conduire à des «brûlures radiologiques ». De telles réponses anormales sont également observées chez des personnes souffrant de maladies neurodégénératives. Aux faibles doses, il existe une radiosensibilité cellulaire et individuelle qui pourrait concerner environ 5 à 10 % de la population. Grâce à l’abaissement des seuils de détection, les méthodes récentes d’immunofluorescence de cibles moléculaires de la signalisation et de la réparation des lésions de l’ADN permettent de mieux documenter les effets des rayonnements ionisants aux faibles doses. Les effets biochimiques et moléculaires d’une simple radiographie deviennent visibles et mesurables. Les recherches effectuées avec ces nouvelles méthodes d’investigation apportent des résultats qui doivent encore être validés en clinique avant d’être intégrés dans les pratiques médicales. Ces recherches indiquent qu’une réponse anormale aux rayonnements ionisants peut s’exprimer cliniquement sous trois formes : la radiosensibilité aux fortes doses de radiothérapie, la radiosusceptibilité au cancer radio‑induit, et la radiodégénérescence (par exemple la cataracte ou les effets cardiovasculaires radio‑induits). Les progrès de la recherche et la validation des résultats en clinique devraient permettre de définir rapidement les conditions optimales de mise en évidence de la réponse individuelle aux rayonnements ionisants chez les patients et de sa prise en compte dans le cadre d’une prise en charge médicale personnalisée. À la suite des travaux du Groupe de recherche européen sur les faibles doses (MELODI, Multidisciplinary European Low Dose Initiative) et des documents de revue publiés en 2019 sur les aspects cliniques et épidémiologiques de la réponse individuelle aux rayonnements ionisants et des tests de dépistage disponibles et de leur robustesse, le groupe de travail (TG111) de la CIPR dédié à ce sujet poursuit ses travaux de synthèse des connaissances au sujet de la réponse individuelle aux rayonnements ionisants en vue d’élaborer des recommandations internationales de radioprotection. La réponse individuelle aux rayonnements ionisants s’impose ainsi progressivement comme un sujet important de recherche et d’application en radiobiologie et en radioprotection, tout en suscitant des questions éthiques et sociétales. 1.3.2 Les effets des faibles doses La relation linéaire sans seuil L’hypothèse de cette relation, retenue pour modéliser l’effet des faibles doses sur la santé (voir point 1.2), aussi commode soit‑elle sur un plan réglementaire, aussi prudente soit‑elle sur un plan sanitaire, n’a pas toute l’assise voulue sur un plan scientifique. Certains estiment que les effets des faibles doses pourraient être supérieurs, d’autres pensent que ces doses pourraient n’avoir aucun effet en deçà d’un certain seuil ; certains affirment même que des faibles doses ont un effet bénéfique. La recherche en biologie moléculaire et cellulaire progresse, les études épidémiologiques menées sur des cohortes importantes aussi. Mais, face à la complexité des phénomènes de réparation et de mutation de l’ADN, face aux limites méthodologiques de l’épidémiologie, des incertitudes demeurent et la précaution s’impose pour les décideurs publics. La dose, le débit de dose et la durée de l’exposition Les études épidémiologiques réalisées sur les personnes exposées aux bombardements de Hiroshima et de Nagasaki ont permis de mieux connaître les effets des rayonnements sur la santé, pour des expositions dues à une irradiation externe (exposition Salle de radiographie du dispensaire Léon Bourgeois (Paris) en 1916 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 105 01 – LES ACTIVITÉS NUCLÉAIRES : RAYONNEMENTS IONISANTS ET RISQUES POUR LA SANTÉ ET L’ENVIRONNEMENT 01

RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=