Projet de centre de stockage en couche geologique profonde Cigéo

Après plusieurs décennies de recherche et développement, l’Andra a déposé, en janvier 2023, un dossier de demande d’autorisation de création pour une installation de stockage des déchets en couche géologique profonde. Cette installation, nommée Cigéo, est destinée au stockage des déchets de haute activité et moyenne activité à vie longue.

Vue générale des installations de "Cigéo" - Shéma de principe - © ANDRA

Avant cette étape majeure, l’Andra avait déposé en avril 2016 un dossier d’options de sûreté (DOS) pour cette installation, qui avait marqué l’entrée dans un processus encadré réglementairement. À l’issue de l’instruction de ce dossier, l’ASN a estimé que le projet avait atteint, dans son ensemble, une maturité technique satisfaisante et que celui-ci constituait une avancée significative par rapport aux précédents dossiers ayant fait l’objet d’avis de l’ASN. L’ASN a également formulé des recommandations sur les options de sûreté propres à prévenir ou limiter les risques de l’installation envisagée, et a demandé à l’Andra des études et justifications complémentaires sur des sujets tels que les phénomènes de corrosion, les bétons à bas pH, la représentativité du modèle hydrogéologique ou la stratégie de surveillance. L’instruction du DOS de Cigéo a par ailleurs mis en exergue plusieurs sujets à enjeux tels que les choix d’architecture du stockage, la définition des aléas et la gestion post‑accidentelle. Le dossier de demande d’autorisation de création de l’installation déposé en janvier 2023 a été bâti en tenant compte des demandes et recommandations formulées par l’ASN.

Conformément aux dispositions de la loi du 28 juin 2006 aujourd’hui codifiée, Cigéo est conçu et dimensionné par l’Andra pour stocker les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL) issus des installations nucléaires françaises. Le corpus législatif a été complété en 2016, avec la loi codifiée (à l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement) précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.

Le stockage en couche géologique profonde en France : historique

Dans la décennie qui a suivi la mise en exploitation des premières centrales nucléaires d’EDF en France, plusieurs possibilités étaient envisagées pour la gestion des déchets radioactifs produits par l’industrie électronucléaire et par la recherche. Trois axes de recherche sont dessinés par la loi du 30 décembre 1991, dite loi « Bataille », du nom de son rapporteur : la séparation/transmutation, l’entreposage de longue durée en surface et le stockage en couche géologique profonde. Pour ce dernier axe, des études préliminaires ont eu lieu à partir de 1987 dans quatre sites de nature géologique différente : le granite (dans les Deux-Sèvres), le schiste (dans le Maine-et-Loire), le sel (dans l’Ain) et l’argile (dans l’Aisne). La loi Bataille instaure également un délai maximum de 15 ans pour mener ces recherches, afin d’élaborer un projet de loi définissant la stratégie de gestion des déchets retenue par la France.

Trois ans après le vote de la loi du 30 décembre 1991, l’Andra explore deux formations géologiques sur quatre sites : l'argile (dans le Gard, la Haute-Marne et la Meuse) et le granite (dans la Vienne). Les deux sites en projet dans la Meuse et la Haute-Marne sont réunis en un seul, situé à Bure (Meuse).

Stockage / entreposage : quelle différence ?

Les concepts d’entreposage et de stockage sont définis à l’article L.542-1-1 du code de l’environnement :

  • « L'entreposage de matières ou de déchets radioactifs est l'opération consistant à placer ces substances à titre temporaire dans une installation spécialement aménagée en surface ou en faible profondeur à cet effet, avec intention de les retirer ultérieurement. »
  • « Le stockage de déchets radioactifs est l'opération consistant à placer ces substances dans une installation spécialement aménagée pour les conserver de façon potentiellement définitive dans le respect des principes énoncés à l'article L. 542-1, sans intention de les retirer ultérieurement. Le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est le stockage de ces déchets radioactifs dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité. »

Ainsi, les déchets disposant d’une filière de gestion opérationnelle peuvent être directement stockés. En revanche, les déchets ne disposant pas de telles filières, comme c’est le cas pour les déchets HA et MA-VL, doivent être entreposés dans l’attente de la mise en service d’installations de stockage adaptées.

Au terme des 15 années de recherche sur la gestion des déchets de haute et moyenne activité à vie longue dont les conclusions ont été rendues en 2005 et examinées par l’ASN en 2006, la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs a fixé une feuille de route pour la gestion des déchets radioactifs. Elle précise notamment que « les déchets radioactifs ultimes ne pouvant pour des raisons de sûreté nucléaire ou de radioprotection être stockés en surface ou en faible profondeur font l'objet d'un stockage en couche géologique profonde ».

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Cigéo, projet de centre de stockage en couche géologique profonde

Schéma du projet de centre de stockage Cigéo ©ANDRA

 Cigéo est le projet de centre de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde développé par l’Andra [1]. Conformément aux termes de la loi du 28 juin 2006 aujourd’hui codifiée, Cigéo est conçu et dimensionné pour stocker les déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL). L’Andra a déposé en janvier 2023 un dossier de demande d’autorisation de création (DAC) pour cette installation. Cette demande s’appuie notamment sur les données et expériences réalisées au sein du laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne (LSMHM).

Le stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde consiste à mettre en place, sans intention de les reprendre, des colis de déchets radioactifs dans une installation souterraine implantée dans une couche géologique dont les caractéristiques permettent de confiner les substances radioactives contenues dans ces déchets. Une telle installation de stockage - contrairement aux installations d'entreposage - doit être conçue de telle sorte que la sûreté à long terme soit assurée de manière passive, c'est-à-dire sans dépendre d'actions humaines (comme par exemple des activités de surveillance ou de maintenance) qui nécessitent un contrôle institutionnel dont la pérennité ne peut être garantie au-delà d'une période de temps limitée. Enfin, la profondeur des ouvrages de stockage doit être telle qu'ils ne puissent être affectés de façon significative par les phénomènes naturels externes attendus (érosion, changements climatiques, séismes, ...) ou par des activités humaines (agriculture, urbanisation, ...).

Le projet Cigéo, dont l’exploitation est prévue pour durer pendant au moins cent ans, devra être flexible au cours du temps afin de laisser aux générations futures la possibilité d’adapter le centre et ses équipements aux évolutions techniques qui concerneront demain la gestion des déchets radioactifs : cela fait partie de l‘exigence de réversibilité [2] introduite par la loi du 28 juin 2006. En ce sens, l'article L.542-1-1 du code de l’environnement dispose que « le stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est le stockage de ces substances dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité ». L’ASN s’est prononcée à ce sujet en 2016.

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Publié le 06/10/2009

RFS

RFS-III.2.f du 01/06/1991

Définition des objectifs à retenir dans les phases d'études et de travaux pour le stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde afin d'assurer la sûreté après la période d'exploitation du stockage (1er juin 1991)

 

[1] Article L 542-12 du code de l’environnement : « L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, établissement public industriel et commercial, est chargée des opérations de gestion à long terme des déchets radioactifs, et notamment : […] De réaliser ou faire réaliser, conformément au plan national prévu à l'article L. 542-1-2, des recherches et études sur l'entreposage et le stockage en couche géologique profonde et d'assurer leur coordination ; […] De concevoir, d'implanter, de réaliser et d'assurer la gestion de centres d'entreposage ou des centres de stockage de déchets radioactifs compte tenu des perspectives à long terme de production et de gestion de ces déchets ainsi que d'effectuer à ces fins toutes les études nécessaires »

[2] L’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) a publié en 2012 un guide intitulé « Réversibilité des décisions et récupérabilité des déchets radioactifs ». Les définitions suivantes sont proposées par l’AEN pour les termes « réversibilité » et « récupérabilité » :

  • « La réversibilité désigne la capacité à revenir sur des décisions prises lors de la mise en œuvre progressive d’un système de stockage, indépendamment de l’exercice effectif de cette capacité. Le retour en arrière est l’action concrète d’inverser ou modifier une décision, soit en changeant de direction, soit éventuellement en restaurant une situation antérieure. La réversibilité implique de prendre des dispositions afin de permettre le retour en arrière, le cas échéant ».
  • « La récupérabilité désigne la capacité à récupérer des déchets seuls ou sous forme de colis après leur mise en place dans un stockage, indépendamment de l’exercice effectif de cette capacité. La récupération est l’action concrète de reprise des déchets. La récupérabilité implique de prendre des dispositions afin de permettre la récupération des déchets, le cas échéant ».  

Quels déchets radioactifs pour le stockage géologique profond ?

Le code de l’environnement (Article L. 542-1-1) désigne sous les termes de « déchets radioactifs » les substances radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée. Chaque type de déchets nécessite un traitement et une solution de gestion à long terme adaptés afin de maîtriser les risques qu’ils présentent, notamment le risque de dissémination de substances radioactives dans l'environnement.

Les déchets radioactifs sont classés en fonction des niveaux de rayonnement qu’ils émettent, représentés par leur activité (nombre de désintégrations radioactives par seconde), et de leur demi-vie, caractérisant le temps nécessaire pour que la radioactivité décroisse de moitié. Cette catégorisation permet de prévoir des stratégies de gestion adaptées à chaque type de déchets.

La classification des déchets radioactifs

Les déchets radioactifs proviennent en majorité de l’industrie électronucléaire (retraitement du combustible usé et des produits irradiés, comme les gaines de combustible). Une autre part importante des déchets est issue des domaines de la recherche (laboratoires du CEA, ITER, etc.) et de la défense (propulsion nucléaire, production et élimination d’armes nucléaires). Une fraction des déchets est produite par le domaine médical et certaines industries non électronucléaires. Enfin, le reste des déchets est produit par les opérations de démantèlement des installations nucléaires.

Répartition des volumes et niveaux de radioactivité à fin 2021

 

Répartition par secteur économique du volume de déchets (en équivalent conditionné) déjà stockés ou destinés à être pris en charge par l’Andra à fin 2021

Environ 90% du volume des déchets radioactifs produits en France disposent dès à présent de filières de gestion à long terme. Toutefois, les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL), qui représentent environ 3% du volume des déchets radioactifs existants mais concentrent plus de 99% de la radioactivité, ne disposent pas encore de filière de gestion définitive adaptée. L’ASN considère que de telles filières doivent être mises en place et que, du point de vue de la sûreté, le stockage en couche géologique profonde est la solution technique appropriée. C’est la raison d’être du projet Cigéo.

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L’inventaire des déchets destinés à Cigéo

Les types de déchets susceptibles d’être stockés dans le centre de stockage en couche géologique profonde sont précisés dans les inventaires dits « de référence » et « de réserve », définis par l'article D. 542-90 du Code de l’environnement. Ces inventaires servent de base pour les études de conception du stockage.

L’inventaire de référence regroupe les déchets HA et MA-ML déjà produits, ainsi que les déchets de fonctionnement et de démantèlement des installations en exploitation ou autorisées à fin 2016. Il prévoit une durée moyenne de fonctionnement du parc électronucléaire français de 50 ans, ainsi que l’exploitation de l’EPR de Flamanville. En revanche, il ne prend pas en compte les matières et déchets engendrés par le fonctionnement et le démantèlement de nouveaux réacteurs. L’inventaire de référence est estimé à environ 10 000 m3 de déchets HA, et 73 000 m3 de déchets MA-VL. Le centre de stockage Cigéo à l’étude est conçu pour accueillir les déchets de cet inventaire.

L’inventaire de réserve prend en compte les incertitudes liées notamment à la mise en place de nouvelles filières de gestion de déchets ou à des évolutions de politique énergétique. Il donne lieu à des études d’adaptabilité visant à démontrer que les substances constituant cet inventaire pourront, sous réserve d’autorisations adéquates, être accueillies si besoin dans l’installation. Pour définir cet inventaire, plusieurs scénarios ont été étudiés : arrêt anticipé de la production électronucléaire, changement de types de combustibles ou de réacteurs, etc. Ainsi, l’inventaire de réserve comprend des combustibles usés non-retraités, des combustibles usés issus de réacteurs de la recherche, des déchets FA-VL, ou encore des produits de fission vitrifiés en cas de prolongement de la durée d’exploitation des réacteurs.

Actualités autour de Cigéo

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Publié le 20/12/2022 à 16:48

L'ASN auditionne l'Andra sur l’avancement du projet Cigéo

Le collège de l’ASN a auditionné le 6 décembre 2022 Pierre-Marie Abadie, directeur général de l’Andra, sur le projet de centre de stockage de déchets radioactifs de moyenne et haute activité à vie longue en couche géologique profonde Cigéo, ainsi que sur le projet d’installation de stockage pour les déchets de faible activité à vie longue (FA-VL).
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Aujourd’hui : l’instruction de la Demande d’autorisation de création

Processus d'instruction global de Cigéo
Processus d'instruction global de Cigéo

Le processus formel d’autorisation de création a débuté le 16 janvier 2023 avec le dépôt par l’Andra auprès du ministre chargé de la transition énergétique de la demande d’autorisation de création de Cigéo. Cette demande s’accompagne d’un dossier comprenant notamment l’étude d’impact, le rapport préliminaire de sûreté, l’étude de maîtrise des risques et une analyse de sûreté de l’installation après passage en phase de surveillance.

Saisie par le ministère de la transition énergétique pour réaliser l’instruction technique de cette demande d’autorisation de création, et après avoir considéré le dossier comme recevable, l’ASN a débuté son instruction en 2023. Dans ce cadre, elle s’appuie sur l’expertise de l’IRSN et de ses groupes permanents d’experts (GPE), plus particulièrement celui consacré aux déchets radioactifs. Cette instruction technique, dont la durée est estimée à environ trois ans, s’articule autour de l’évaluation de trois thèmes :

  • les données de base retenues pour l’évaluation de sûreté de Cigéo, notamment concernant le choix du site retenu ;
  • la sûreté des installations de surface et souterraines en phase d’exploitation ;
  • la sûreté à long terme après la fermeture.

Pour obtenir l’autorisation de création de cette installation, l’Andra doit démontrer, dans le dossier déposé, que les dispositions techniques ou d'organisation prises ou envisagées aux stades de sa conception, de sa construction et de son exploitation ainsi que les principes généraux proposés pour l’entretien et la surveillance après sa fermeture sont de nature à prévenir ou à limiter de manière suffisante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, les risques ou inconvénients qu’elle présente pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement. Par ailleurs, l’Andra doit démontrer que l’installation satisfait aux impératifs de réversibilité, fixés par la loi du 25 juillet 2016 précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.

À l’issue de l’instruction technique, l’ASN rendra un avis sur la demande déposée par l’Andra, tel que prévu par l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement. La commission nationale d’évaluation (CNE2) remettra, concomitamment, un avis sur les fondements scientifiques du dossier, au regard des acquis de l’état de l’art. La durée de la totalité du processus d’autorisation est estimée à environ 5 ans. Elle comprend en effet, outre la phase d’instruction technique, une phase de consultations (collectivités territoriales, Autorité environnementale) ainsi qu’une enquête publique, préalablement à l’engagement de l’élaboration du décret devant, le cas échéant, parachever la procédure.

Afin de répondre aux attentes de participation de la société au projet Cigéo, et en cohérence avec les actions prévues à ce titre par le 5ème PNGMDR, l’ASN a mis en œuvre un dispositif inédit de concertation autour du processus d’instruction technique. Ainsi, différentes parties prenantes (une vingtaine d’organisations, dont des commissions locales d’information, l’ANCCLI et des associations de protection de l’environnement) ont été consultées dans le cadre de l’élaboration de la saisine de l’IRSN sur la demande d’autorisation de création de Cigéo, avec pour objectif de recenser leurs attentes et préoccupations, en relation avec la sûreté nucléaire et la radioprotection, afin de les prendre en compte dans le cadrage de l’expertise du dossier. À l’issue de cet exercice, le projet de saisine de l’IRSN a été modifié, afin d’intégrer, par exemple, les aspects relatifs à la prise en compte du changement climatique. Afin de garantir la continuité de la participation de la société tout au long du processus d’instruction technique, des actions de concertation seront également mises en œuvre à l’occasion de l’élaboration des saisines des groupes permanents d’experts sur les trois thèmes cités précédemment, et une information régulière du public sera assurée, notamment à l’issue de chaque réunion de ces groupes d’experts, dont la première est prévue en avril 2024. Cette information, structurée en cohérence avec les saisines, permettra d’apporter des éléments de réponse aux attentes et questions qui y auront été intégrées.

L'autorisation de création de l'installation, qui pourra être prise par décret en Conseil d'État après avis de l'ASN, ne sera accordée que si ces conditions sont vérifiées. Ce décret d’autorisation de création pourra subordonner à un accord des ministres chargés de la sûreté nucléaire ou de l’ASN la réalisation de certaines opérations particulières. En complément de ce décret, l’ASN pourra édicter des prescriptions relatives à la conception, à la construction ou à l'exploitation de l'installation.

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Les prochaines étapes après l’instruction de la Demande d’autorisation de création

À la suite de la parution du décret d’autorisation de création de Cigéo, l’exploitation de l’installation doit débuter par une phase industrielle pilote permettant de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation. Cette phase, qui débute dès l’obtention du décret d’autorisation de création, a pour objectif de tester progressivement en conditions réelles les fonctionnalités techniques et organisationnelles de Cigéo.

Durant cette phase, et préalablement à la première arrivée des colis de déchets radioactifs, l’ASN délivrera à l’Andra une autorisation de mise en service partielle, limitée aux quartiers pilotes, conformément à l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement. Pour obtenir cette autorisation, l’Andra devra déposer un dossier [1] comprenant notamment le rapport de sûreté de l’installation et une mise à jour de l’étude d’impact. Une fois cette autorisation accordée, l’Andra pourra procéder au stockage des premiers colis de déchets radioactifs.

Les résultats de la phase industrielle pilote feront l’objet d’un rapport de l’Andra, et seront soumis à évaluation par l’ASN (cet avis, ainsi que celui de la CNE seront à leur tour évalués par l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques). En fonction des résultats de l’examen de ce rapport, le Gouvernement fera une proposition de loi encadrant l’exploitant de l’installation en adaptant les conditions de la réversibilité.

L’ASN pourra alors, le cas échéant, délivrer l’autorisation de mise en service complète de l’installation. Cette autorisation ne pourra être délivrée que si l’installation garantit la réversibilité du centre selon les conditions prévues par la loi.

Le contrôle de l’ASN continuera pendant la phase industrielle pilote et après mise en service complète. Si besoin, l'ASN pourra également compléter les prescriptions qui s’appliquent à l’installation et veillera, notamment par des inspections régulières, à ce que l’installation soit en conformité avec les exigences applicables et notamment son décret d’autorisation de création et les prescriptions de l’ASN.

Par ailleurs, en cas d’une éventuelle demande de modification substantielle de l’installation, une nouvelle procédure d’autorisation complète devrait être réalisée comme le prévoit l'article L.593-14 du code de l'environnement.

Enfin, tous les dix ans après l’obtention de l’autorisation de mise en service, l’Andra devra procéder au réexamen périodique de son installation en prenant en compte les meilleures pratiques du moment. Ce réexamen périodique, instruit par l’ASN, devra permettre d'apprécier la situation de l'installation au regard des règles qui lui sont applicables et d'actualiser l'appréciation des risques ou inconvénients que l'installation présente, en tenant compte notamment de l'état de l'installation, de l'expérience acquise au cours de l'exploitation, de l'évolution des connaissances et des règles applicables aux installations similaires.

Schéma de l’instruction de la Demande d’autorisation de création

[1] Son contenu est décrit à l’article 20 du décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives.

Contexte juridique, instructions passées et positions de l’ASN

Dans le cadre de la loi du 30 décembre 1991, relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, de la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs du 28 juin 2006 et du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), l’Andra a mené des études et remis des rapports et dossiers sur le stockage en couche géologique profonde qui ont fait l’objet d’avis formels de l’ASN. Dans ces avis, l’ASN a pu se prononcer sur des propositions partielles de conception ou sur des options proposées par l’Andra pour assurer la sûreté d’une telle installation et a pu préciser des éléments et avancées qui seraient nécessaires pour obtenir une éventuelle autorisation.
Un stockage réversible en couche géologique profonde est une installation nucléaire de base particulière, sa procédure d’autorisation de création doit suivre un certain nombre de dispositions spécifiques introduites par l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement en complément de la procédure habituelle décrite dans le décret dit « procédures » [1].

Ainsi, la création de l’installation doit être précédée :

  • d’études de la couche géologique prévue pour l’implantation du stockage au moyen d’un laboratoire souterrain ;
  • d’un débat public ;
  • d’une loi fixant les conditions de réversibilité de l’installation.

La loi du 25 juillet 2016 précisant les modalités de création d'une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue a défini la notion de réversibilité. Des revues de la mise en œuvre de la réversibilité sont prévues au moins tous les cinq ans.

À la suite du débat public, qui s’est tenu fin 2013 et dont les conclusions ont été rendues au début de l’année 2014, l’Andra a précisé qu’elle remettrait à l’ASN un dossier d’options de sûreté pour préparer l’instruction de la demande d’autorisation de création de Cigéo. Cette démarche est encadrée par l’article R. 593-14 du code de l’environnement. L’ASN a accueilli favorablement cette décision de réaliser un dossier d’options de sûreté, qu’elle considère comme nécessaire pour la poursuite d’un processus de développement par étapes maîtrisé, et a fait part à l’Andra de ses attentes sur ce dossier en décembre 2014. Celui-ci a été déposé en 2016 et a fait l’objet d’une instruction de l’ASN. Dans ce cadre, elle a demandé une expertise à son appui technique, l’IRSN. Elle a également fait expertiser ce dossier par les groupes permanents d’experts placés auprès d’elle et l’a soumis à une revue par des experts issus d’autorités de sûreté étrangères, coordonnée par l’AIEA. À l’issue de cette phase d’instruction technique, l’ASN a consulté le public sur son projet d’avis du 1er août au 15 septembre 2017. Après analyse des contributions reçues, l’ASN a rendu son avis le 11 janvier 2018.

En savoir plus :
Chronologie des positions de l'ASN sur le stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde depuis 1991
Chronologie des positions de l'ASN sur le stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde depuis 1991
 Consulter :

[1] Décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives.

Le laboratoire souterrain de Bure

Tunnelier utilisé pour le creusement d’une des galeries du LSMHM

Dans son rapport de 2006, sur lequel est fondée la loi du 28 juin 2006, l’ASN a précisé que « des résultats majeurs relatifs à la faisabilité et à la sûreté d’un stockage ont été acquis sur le site de Bure […] L’ASN juge qu’il apparaît désormais raisonnable, si le Parlement décide du principe du stockage géologique des déchets de haute activité et à vie longue, de rechercher un périmètre propice pour leur stockage dans la zone de transposition définie par l’Andra au nord et à l’ouest du laboratoire de Bure. En effet, les résultats obtenus indiquent la forte probabilité de pouvoir démontrer la sûreté d’une installation de stockage sur la zone de transposition précitée ».

Zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie (ZIRA) © Andra

L’ASN s’est d’abord prononcée sur la zone de transposition sus-citée (environ 250 km2) définie par l’Andra en 2005, puis sur la « zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie » (ZIRA) d’environ 30 km2, proposée par l’Andra en 2009, dans laquelle des travaux de reconnaissance plus poussés ont été menés. L’ASN estime dans son avis du 5 janvier 2010 que la localisation proposée par l’Andra pour la ZIRA est satisfaisante.

Depuis l’an 2000, le Laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne (LSMHM), creusé au sein de la ZIRA, permet à l’Andra de recueillir de nombreuses données concernant le milieu géologique où sera implantée l’installation Cigéo (si elle est autorisée). Les études menées dans le laboratoire du site géologique de Bure ont confirmé que la zone présente des caractéristiques favorables à un stockage en profondeur. Une couche d'argile de plus de 130 mètres d'épaisseur, à 500 mètres de profondeur, atteste de qualités réputées suffisantes (stabilité depuis 100 millions d'années au moins, circulation particulièrement lente de l'eau souterraine, capacité de rétention élevée des éléments, etc.).

Au fil du temps, de nombreuses expériences ont ainsi pu être menées, notamment sur les méthodes de creusement des tunnels et des alvéoles qui contiendront les colis de déchets. Ainsi, l’Andra accumule des connaissances pour démontrer la faisabilité à l’échelle industrielle du projet, ainsi que pour garantir la sûreté durant les phases d’exploitation et post-fermeture. Ainsi, plus de 2,4 km de galeries ont été creusés par différentes méthodes (tunnelier, attaque ponctuelle, explosifs), et des essais de scellement des galeries sont en cours de réalisation. Plus d’une vingtaine de démonstrateurs d’alvéoles pour déchets de haute activité ont été creusés, ainsi qu’un démonstrateur d’alvéoles pour l’accueil des déchets de moyenne activité à vie longue.

Test de creusement au microtunnelier d’un démonstrateur d’alvéole de stockage des déchets de haute activité (HA) © Andra

L’Andra mène également de nombreuses expérimentations de vieillissement des matériaux constituant les alvéoles haute activité, mais également sur la pâte de verre constitutive des colis de déchets de haute activité. Les interactions verre/acier/béton sont également analysées, afin de perfectionner les modélisations. La roche continue également à être étudiée, pour affiner les prédictions d’évolution de l’installation. Ainsi, ce sont plus de 28 200 points de mesure qui sont instrumentés au sein du laboratoire. L’ASN s’assure, par sondage lors de visites semestrielles, de la bonne réalisation des différentes expérimentations.

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Publié le 13/01/2010

AVIS DE L'ASN

Avis n° 2010-AV-0084 du 5 janvier 2010 de l’ASN

Avis n° 2010-AV-0084 du 5 janvier 2010 de l’ASN sur le dossier de l’agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA) relatif à la proposition d’une zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie et de scénarios d’implantation en surface pour un stockage réversible en formation géologique profonde.

Coût du projet

L’article L. 542-12 du code de l’environnement précise les modalités de fixation du coût de référence du projet Cigéo,actuellement arrêté à 25 milliards d’euros.

Le financement de ce projet sera, en tout état de cause, effectué par les producteurs de déchets HA et MA-VL, qui financent dès à présent les activités de conception de l’Andra par une taxe dédiée dite « de recherche ».

En savoir plus :

Publié le 15/01/2018

AVIS DE L'ASN

Avis n° 2018-AV-0300 de l’ASN du 11 janvier 2018

Avis n° 2018-AV-0300 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 11 janvier 2018 relatif au dossier d’options de sûreté présenté par l’Andra pour le projet Cigéo de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde

Panorama international

L’approche d’un stockage en couche géologique profonde, considérée par l’ASN dans son avis du 1er février 2006 comme une solution de gestion de référence, a été confortée par la directive européenne 2011/70/Euratom du 19 juillet 2011 relative à la gestion sûre et responsable des déchets radioactifs et du combustible usé. La directive rappelle que « l’entreposage de déchets radioactifs, y compris à long terme, n’est qu’une solution provisoire qui ne saurait constituer une alternative au stockage » et que « il est communément admis que sur le plan technique, le stockage en couche géologique profonde constitue, actuellement, la solution la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion des déchets de haute activité et du combustible usé considéré comme déchet ».

L’ASN participe activement aux études et échanges internationaux, notamment à l’AIEA, dans le domaine des déchets radioactifs et soutient l’harmonisation internationale des règles de sûreté applicables au stockage en couche géologique profonde.

En Belgique, la solution de référence proposée par l’organisme national des déchets radioactifs et des matières fissiles enrichies (ONDRAF) est la mise en dépôt géologique dans l’argile tandis qu’aux Pays-Bas l’argile et le sel sont à l’étude. La Suisse quant à elle expérimente les stockages en terrains argileux et granitiques (sites du Mont-Terri et Grimsel, argile et granite).

Le site d’Olkiluoto (Finlande) © Posiva Oy

En Finlande, Posiva Oy conçoit depuis 2004 un laboratoire de recherche dans un sol granitique à proximité du site d’Olkiluoto, où un réacteur EPR est en construction. La législation prévoit trois étapes pour le projet de stockage en couche géologique profonde en cours de développement : une décision de principe (prise en 2000/2001), une autorisation de construction (délivrée par le gouvernement finlandais le 12 novembre 2015 au terme de 3 ans d’instruction) puis une autorisation de mise en service (prévue pour 2025). Les premiers colis de déchets devraient y être introduits dès 2025.

En Suède, une demande d’autorisation pour la construction de l’installation de stockage profond de son combustible usé dans un sol granitique à Forsmark a été déposée auprès de l’agence de sûreté nucléaire en 2011 et est en cours d'instruction. L’installation pourrait être opérationnelle à l’horizon 2030.

Le massif granitique de Nizhnekansky (Russie) pourrait accueillir un laboratoire souterrain et la construction d’un site de stockage pourrait être décidée vers 2025. En Chine, trois sites de stockage potentiels dans une roche granitique ont été retenus à ce jour, dont l’un est situé dans le désert de Gobi (Beishan, où un laboratoire est actuellement en construction, et devrait voir le jour à l’horizon 2028).

Aux États-Unis, le stockage géologique profond est affirmé comme une composante essentielle du système de gestion des déchets HA/MAVL : actuellement, le Waste isolation pilot plant (WIPP), dans le désert de Chihuahua au Nouveau-Mexique, est le seul stockage géologique profond en activité ; il concerne des déchets radioactifs de « moyenne activité à vie longue » (MAVL) d’origine militaire, stockés entre 650 et 700 m de profondeur, dans une couche de sel d’une épaisseur moyenne de 1000 m. Il a connu, en 2014, deux événements (un incendie et une réaction chimique ayant conduit à un relâchement de radionucléides), qui ont conduit à une fermeture temporaire du site. La reprise de l’exploitation a été autorisée fin 2016, et les activités ont repris courant 2017. L’analyse du retour d’expérience de ces événements est toujours en cours et fait l’objet de travaux partagés au niveau international.