Modification de l’échéance de mise en place du circuit d’eau de nappe (CEN) de l’INB n° 67 (RHF)

Observations de Raymond Avrillier, maire-adjoint honoraire, Grenoble le 10 septembre 2016

Le réacteur nucléaire à haut flux de l’ILL est un des très rares réacteurs nucléaires situé en pleine agglomération urbaine dense, celle de Grenoble, dans une zone sismique spécifique à effet de cuvette intensifiant la puissance des séismes, sur une presqu’ile à la confluence de deux cours d’eau l’Isère et le Drac qui peuvent provoquer des inondations importantes, et où la nappe phréatique est très proche du sol et a une vitesse d’écoulement importante qu’il convient de ne pas perturber.

Cette installation nucléaire est un équipement de recherche utile par l’utilisation scientifique des faisceaux de neutrons qu’il produit.

Mais sa situation comporte des dangers importants pour les usagers, personnels et scientifiques, les intervenants y compris extérieurs, les habitants tout autour, du fait d’une implantation urbaine à une époque où opacité, absence d’indépendance des autorités de contrôle, et méconnaissance ou aveuglement scientifiques régnaient concernant les risques nucléaires.

Il est donc demandé, en appui de l’autorisation de prolongation du délai de mise en place d’un circuit d’eau de nappe de secours, visant à prendre en compte les réactions en situation d’urgence, de demander à l’exploitant, au représentant de l’Etat, et à l’ASN de répondre aux demandes suivantes :

1) Le représentant de l’Etat dans le département de l’Isère refuse de communiquer les informations relatives à l’environnement concernant le stockage, la mise à disposition, la distribution de comprimés d’iode, le rayon d’information et de distribution, les nombres de personnes, établissements, établissements scolaires concernés, les documents d’information diffusés, les responsables de ce dispositif, son coût et sa prise en charge.

Cette rétention irrégulière d’informations qui doivent être publiques contrevient à l’avis favorable que la CADA a émis suite à ma demande au préfet de l’Isère restée sans réponse :

Avis CADA n°20162197 du 23 juin 2016 Avrillier/préfet de l’Isère, sur iode

La CADA, comme toutes les autorités de l’Etat, n’ayant pas les moyens de remplir sa mission, n’a pas publié cet avis.

Un rappel a été fait cet été par courriel du 9 août 2016 au préfet de l’Isère :

« Aucun acte du préfet ou du ministère de l’Intérieur n’est communiqué concernant l’ILL de Grenoble : cet INB n’est pas exploité par EDF, donc les informations indiquées concernant « la prise en charge financière de la distribution d’iode par EDF » est erronée. A ma connaissance aucune information n’a été faite aux populations, écoles, ERP, entreprises, dans un rayon qui n’est pas indiqué et pour un nombre de personnes sur deux communes qui n’est pas indiqué ; ne sont pas communiqués les nombres de boîtes et comprimés d’iode distribués »

Cette demande reste sans réponse concernant l’ILL.

Si cette pratique est appliquée en cas de réaction du représentant de l’Etat en cas d’accident nucléaire, le danger est sérieusement aggravé.

Il est donc demandé de communiquer ces informations.

2) Nous étions intervenus lors de l’enquête publique et lors des décisions concernant l’urbanisation de cette zone de la presqu’ile de Grenoble qui a donné lieu, lors du mandat municipal précédent, à une transformation des terrains du CEA en terrains urbanisables et à une très grande densification en établissements recevant du public et en opérations immobilières d’habitat sur toute cette zone. Nous avions contesté, entre autres irrégularités, sans être entendus, cette urbanisation au profit d’opérateurs immobiliers et de « partenariats public privé » avec de grands groupes, autour d’une installation nucléaire, ainsi que les risques concernant le flux de la nappe phréatique.

Le dernier PPI de l’ILL date de 2006 et n’est pas du tout actualisé en tenant compte de cet accroissement des risques liés à cette urbanisation.

Il est donc demandé de communiquer un PPI actualisé et d’imposer qu’un PPI réaliste et actualisé soit mis en consultation du public et arrêté.

3) La sismicité de la cuvette grenobloise a fait l’objet de publications scientifiques par des scientifiques grenoblois reconnus internationalement (mais pas par les autorités à Grenoble…).

Le SMS pris en compte dans le rapport de sûreté et le PPI nous apparait très largement sous-estimé.

Les responsables de l’ILL, qui sont des personnes compétentes et sérieuses, ont pris partiellement en compte les demandes de l’ASN concernant le renforcement de la résistance au séisme de parties de l’installation.

Mais nul n’est à l’abri d’erreur et il convient de rappeler, ce qui est occulté par l’ASN, que ce réacteur nucléaire a fonctionné de nombreuses années au dessus de sa puissance autorisée, donc illégalement, sans réaction des autorités de contrôle (sachant qu’elles n’étaient pas indépendantes alors), à la suite d’une erreur de calcul confondant la densité de l’eau lourde et celle de l’eau.

Il est demandé de communiquer et publier les études pluralistes soumises à débat contradictoire concernant les spécifications précises du SMS retenu pour l’ILL.

4) Le réacteur nucléaire de l’ILL est, parmi ses spécificités, une source de tritium liquide et gazeux. Des rejets intempestifs de tritium gazeux sont intervenus qui ont concerné les populations situées au sud du réacteur (quartier très dense de Europole et Berriat Gare) sans que l’information ait été faite.

Ces événements significatifs (certes antérieurs à la création de l’ASN) ne sont pas renseignés sur le site de l’ASN ni dans les documents d’études des risques de l’ILL.

La station de traitement du tritium liquide (qui constitue une installation de type militaire) aurait été modifiée mais aucune information n’est donnée concernant son transfert.

L’étude de danger concernant les rejets de tritium gazeux doit prendre en compte la densification humaine intervenue depuis quelques années autour du site.

D’autant qu’une des procédures ultimes imposées par l’ASN consiste en un « dégonflage du bâtiment réacteur ».

Les quartiers denses de Grenoble sont sous le vent en provenance de l’ILL.

Il est demandé de communiquer les dernières études de l’exploitant et de l’ASN concernant les risques liés aux rejets de tritium, y compris en situation d’urgence.

5) Le réacteur nucléaire de l’ILL ne comporte qu’un assemblage nucléaire, dont la réaction est modérée à l'eau lourde, mais cet assemblage est en uranium très hautement enrichi.

La démonstration doit être rapportée qu’en toutes circonstances, y compris accidentelles, une masse critique de l’assemblage ne peut pas se constituer.

6) Le réacteur nucléaire de l’ILL est souvent survolé par des avions, et particulièrement par des hélicoptères (civils et militaires) qui arrivent sur Grenoble ou en partent.

Il serait indispensable d’en interdire le survol.

7) Le prélèvement dans la nappe, objet de l’instruction, est une mesure nécessaire pour des situations d’extrême urgence.

Il convient néanmoins de connaître les conséquences d’un tel prélèvement exceptionnel sur la modification des flux de la nappe et la stabilité des bâtiments, ainsi que les conditions de traitement et de rejet de cette eau utilisée en situation accidentelle.