2001-2005 : vers des démarches de réhabilitation durable des conditions de vie dans les territoires contaminés

La montée en puissance d'une démarche politique au niveau européen et international

Un poste local de contrôle radiologique
Un poste local de contrôle radiologique

Le rapport conjoint publié par le Programme de Développement des Nations Unies (PNUD) et l'Unicef en janvier 2002 sur les conséquences humaines de l'accident de Tchernobyl va marquer une véritable rupture dans le discours des Nations Unies sur Tchernobyl. Au-delà de l'impact sanitaire, il prend également en compte les dimensions économiques et sociales de la catastrophe. Il plaide pour une nouvelle approche de la gestion des conséquences de l'accident et pour une stratégie globale et durable de réhabilitation intégrant ces différents aspects.
 
Le rapport de la Banque Mondiale « Biélorussie : bilan des conséquences de Tchernobyl et des actions pour les atténuer » publié en juillet 2002 s'inscrit dans la même perspective.

En mai 2003, les ambassadeurs des pays membres de l'Union Européenne effectuent une deuxième visite commune dans les territoires contaminés biélorusses, deux ans après leur première visite.2003-2008 : Le programme CORE (COopération pour la REhabilitation)En octobre et décembre 2003, les partenaires locaux, nationaux et internationaux du programme CORE (2003-2008) signent une déclaration de principes commune qui marque le début du programme. Ce programme concrétise le tournant pris au niveau international dans la façon d'assumer les conséquences de l'accident. Il vise à améliorer les conditions de vie des populations de 4 districts biélorusses contaminés en soutenant des initiatives locales menées avec des partenaires nationaux et internationaux. Les domaines d'activité du programme sont la radioprotection, la santé, l'éducation et le développement économique.
 
En septembre 2005, à l'occasion du Forum Tchernobyl, un rapport conjoint du PNUD, de l'AIEA et de l'OMS est présenté. Ce rapport dresse un bilan des conséquences sanitaires, environnementales et socio-économiques de la catastrophe et émet des recommandations à l'adresse des gouvernements de Biélorussie, de Russie et d'Ukraine. Le bilan sanitaire de la catastrophe établi par les Nations Unies est revu à la hausse : ce rapport affirme que 4000 cas de cancer de la thyroïde (essentiellement chez les enfants) sont imputables aux conséquences de l'accident et que jusqu'à 4000 personnes pourraient décéder à terme des suites d'une exposition consécutive à l'accident.
 
En décembre 2005, le 4ème programme d'Etat post-accidentel biélorusse est approuvé pour la période 2006-2010. Ce programme révèle une évolution vers une prise en charge globale des conditions de vie dans les territoires contaminés, au-delà des seules questions radiologiques ou sanitaires.

Le programme CORE : des structures de coordination au service de l'action commune

Signature de la déclaration de principes du programme CORE
Signature de la déclaration de principes du programme CORE

En 2003, le programme CORE (COopération pour la REhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés de Biélorussie) a mis en place des structures de coordination et d'intégration originales. Elles répondent à 4 objectifs en termes de gouvernance du programme :

  • permettre aux différents partenaires de construire une compréhension partagée du problème de la réhabilitation des conditions de vie ;
  • permettre une action commune des différents partenaires engagés dans le programme CORE ;
  • faciliter l'intégration entre les différents domaines d'action du programme (santé, radioprotection, éducation et mémoire, économie et développement des zones rurales) ;
  • faciliter l'intégration entre les différents niveaux d'action en jeu (local, régional, national et international).

 Pour ce faire, les structures du programme CORE comprennent 4 organes principaux assumant des fonctions différenciées dans la chaîne de décision et d'action :

1. Le Comité de préparation et d'évaluation : construire une vision partagée des problèmes

Réunion du Comité de préparation et d'évaluation
Réunion du Comité de préparation et d'évaluation

Le Comité de préparation et d'évaluation rassemble l'ensemble des acteurs engagés dans le programme CORE (signataires de la déclaration de principes, porteurs de projets, …). C'est une structure ouverte à toute personne ou organisme qui désire participer à ses réunions, organisées 1 ou 2 fois par an.

Les objectifs du Comité de préparation et d'évaluation

Cette instance vise à construire :

  • une évaluation des projets et de l'action globale menés dans le cadre du programme CORE ;
  • une compréhension commune de la question de la réhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés de Biélorussie.

De plus, le Comité de préparation et d'évaluation prépare et informe les délibérations du Comité d'approbation, organe de décision du programme, en émettant des recommandations à son intention.

Une participation active des acteurs locaux

Le Comité de préparation et d'évaluation cherche à mettre en place un processus d'apprentissage mutuel et des échanges entre les différents acteurs engagés dans le programme CORE (experts biélorusses et internationaux, porteurs de projets et professionnels locaux, autorités locales et régionales, administrations nationales, acteurs internationaux, …). Tous ces acteurs disposent d'une égalité de statut dans cette instance et sont dans une position de co-experts de la situation post-accidentelle et des questions de réhabilitation des conditions de vie.

Le travail mené par le Comité de préparation et d'évaluation intègre l'intelligence scientifique des experts et l'intelligence stratégique des acteurs intervenant sur le terrain, qui connaissent le contexte local.
 
 La situation de contamination radiologique pose des problèmes complexes. L'objectif poursuivi en intégrant ces différents types d'intelligence est la construction d'une conception de la prise en charge de la réhabilitation des conditions de vie qui soit suffisamment riche pour répondre à cette complexité.

Ces modalités d'évaluation diffèrent significativement des conceptions traditionnelles de l'évaluation des programmes de coopération internationale, où l'évaluation des projets est menée par des experts extérieurs sans participation active des acteurs locaux.

La prise en compte des retours d'expérience

Le rôle du Comité de préparation et d'évaluation a évolué au cours du programme CORE. Pendant les premières années (2003-2006), il joue principalement un rôle d'évaluation de la qualité des nouveaux projets proposés et de leur adéquation avec les objectifs et les principes du programme.

A partir de 2006, les réunions du Comité de préparation et d'évaluation comprennent également 2 sessions de retour d'expérience :

  • la première permet d'examiner l'action menée dans un des 4 districts concernés par le programme (un district différent est examiné à chaque réunion du comité) ;
  • la seconde est un retour d'expérience dédié à l'action menée dans un des 4 domaines d'action du programme, tous districts confondus (un domaine d'action différent est examiné à chaque réunion).

2. Le Comité d'approbation : partager la responsabilité des orientations du programme

Une réunion du Comité d'approbation
Une réunion du Comité d'approbation

Le Comité d'Approbation est l'organe de responsabilité et de décision du programme CORE. Il rassemble 3 types de partenaires, porteurs de légitimités complémentaires :

  • les autorités biélorusses (locales, régionales et nationales) signataires de la Déclaration de Principes du programme CORE, porteuses d'une responsabilité politique claire dans le cadre local et national ;
  • les principaux organismes internationaux partenaires et co-financeurs du programme et de ses différents projets, porteurs d'une responsabilité financière ainsi que d'une responsabilité politique au niveau international : Commission Européenne, Programme des Nations Unies pour le Développement, Agence Suisse de Coopération et de Développement, Ministère des Affaires Etrangères français, Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, Ambassades des pays membres de l'Union Européenne représentés à Minsk, etc.
  • des opérateurs fortement engagés dans des actions de terrain, dont la responsabilité est fondée sur l'engagement et l'action : l'ensemble des opérateurs français regroupés représentés à travers un Comité de Partenariat, Belrad, l'association irlandaise Students 10K for Tchernobyl, la fondation allemande "les Enfants de Tchernobyl", etc.

Cet organe prend des décisions sur la conformité des projets proposés aux critères de qualité définis dans la déclaration de principe. Il décide également de l'évolution des structures, de la méthodologie et des orientations du programme.
 Le Comité d'approbation se réunit en moyenne 2 fois par an.

Contrairement au Comité de préparation et d'évaluation, la liste des membres de cette instance est limitative et est annexée à la déclaration de principes du programme. La composition du Comité d'approbation a toutefois évolué au cours du programme CORE et de nouveaux membres ont été intégrés sur décision du Comité d'approbation.

Les décisions du Comité d'Approbation sont prises sur le principe du consensus et sont rendues publiques. Par son mode de décision et par le croisement de différentes formes de légitimités, le Comité d'Approbation permet de sécuriser l'action commune de l'ensemble des acteurs engagés dans le programme CORE.

3. L'équipe de coordination : faciliter l'action des différents partenaires

Séance de travail de l'Equipe de coordination et des partenaires de CORE
Séance de travail de l'Equipe de coordination et des partenaires de CORE

Une Equipe de coordination permanente (jusqu'à 10 personnes) est mise au service de l'ensemble des partenaires locaux, nationaux et internationaux du programme CORE afin de faciliter l'action commune. Elle comprend une composante nationale mais également 4 facilitateurs locaux dans chacun des districts concernés par le programme.

Cette équipe assume une fonction de facilitation administrative et logistique. Ainsi, elle assure le secrétariat du Comité de préparation et d'évaluation et du Comité d'approbation, elle apporte un soutien à la préparation des missions des partenaires étrangers, elle facilite les démarches pour l'enregistrement administratif des projets auprès des autorités biélorusses, …

Elle assume également une fonction essentielle de facilitation de l'élaboration des projets. En particulier, elle facilite les contacts entre partenaires potentiels, apporte un soutien aux acteurs locaux pour la préparation des documents de description des projets et de réponse aux appels à proposition des bailleurs de fonds internationaux, …
 Enfin, l'Equipe de coordination remplit une fonction non moins essentielle de facilitation de l'intégration des actions et construction de synergies entre les projets menés sur un même territoire.

Grâce à sa connaissance des divers acteurs engagés dans le programme (en particulier au niveau local) et du contexte biélorusse national et local, elle joue un rôle de facilitation et de médiation des contacts entre les partenaires du programme CORE et avec des acteurs extérieurs (administrations, acteurs économiques, …).

Elle permet notamment de faciliter les échanges entre :

  • les acteurs engagés dans les projets ;
  • les administrations locales,régionales et nationales ;
  • et les acteurs économiques qui, sans être toujours partenaires en tant que tels des projets, ont un rôle important à jouer pour leur bon développement et leur succès.

4. Les Comités de liaison thématiques : faciliter le dialogue entre différents niveaux de décision

Réunion du Comité de liaison "Qualité Radiologique"
Réunion du Comité de liaison "Qualité Radiologique"

Les Comités de liaison thématiques réunissent les principaux acteurs locaux, régionaux, nationaux et internationaux concernés par un des 4 domaines d'action prioritaires du programme CORE : santé, radioprotection, éducation et mémoire, économie et développement des zones rurales.

Ils accueillent des acteurs qui ne sont pas directement impliqués dans des projets menés dans le cadre de ce programme, mais avec lesquels une coordination est nécessaire pour le succès des actions engagées.

Les Comités de liaison permettent notamment à ces acteurs :

  • d'échanger des informations sur les activités en cours ;
  • de construire un retour d'expérience ;
  • d'avoir une vision globale et stratégique des actions développées ;
  • d'articuler les actions menées dans le cadre du programme avec l'action des principaux acteurs concernés hors du programme (notamment les différentes administrations nationales).

Les Comités de liaison n'étaient pas prévus à l'origine du programme et ne sont donc pas inscrits dans la Déclaration de principes du programme CORE. Ils sont nés du besoin, rapidement identifié au cours de la première année du programme, d'une coordination entre les différents acteurs territoriaux, nationaux et internationaux concernés (en particulier les administrations nationales biélorusses de la santé, de l'éducation, les différents départements du Comité Tchernobyl, …).

La problématique agricole et le projet CORE Agri

Tri de la récolte de pommes de terre dans un village du district de Stolyn
Tri de la récolte de pommes de terre dans un village du district de Stolyn

Les territoires biélorusses contaminés à la suite de l'accident de Tchernobyl (plus d'un million d'hectares contaminés par le Césium 137 et environ 500 000 d'hectares contaminés par le Strontium 90) sont pour la plupart des territoires ruraux.L'importance de la dimension agricole dans le contexte post-accidentel biélorusse a entraîné le développement du projet “CORE Agri” en 2001, dès la fin du projet Ethos. Le projet CORE Agri s'adresse aux habitants des territoires contaminés qui mènent une activité agricole privée à des fins d'autoconsommation ou d'amélioration de leur revenu. Il vise l'amélioration de leur production tant du point de vue économique que du point de vue de la qualité des produits (notamment leur concentration en radionucléides). Initié dans le district de Stolyn, le projet a été ensuite étendu aux districts de Braguin, Tchetchersk et Slavgorod. Le projet concerne plus de 500 agriculteurs de ces districts. Le projet CORE Agri associe :

  • des partenaires locaux : agriculteurs et entrepreneur privés, autorités des districts, etc. ;
  • nationaux : Instituts scientifiques biélorusses, Comité Tchernobyl, BelarusBank, etc. ;
  • internationaux : Fondation pour l'Epanouissement et le Renouveau de la Terre (FERT), Institut des Stratégies Patrimoniales de l'Institut National d'Agronomie Paris-Grignon, Centre National Interprofessionnel de l'Economie Laitière, Institut de l'Elevage, Fédération Nationale des Producteurs de Lait, Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires de l'ONU, Ministère français des Affaires Etrangères, etc.

Le contexte du projet CORE Agri

Labour à Olmany
Labour à Olmany

Dans le domaine agricole, le contexte biélorusse est marqué par la coexistence de 2 systèmes de production très différents.

D'une part, le système des fermes collectives (kolkhozes et sovkhozes), hérité de la période soviétique, occupe la majorité du territoire cultivé. Ce système agricole public est la cible de la quasi-totalité des initiatives publiques en matière de prise en charge des conséquences agricoles de l'accident de Tchernobyl et d'aide au développement agricole. Il bénéficie également du soutien technique des différents instituts scientifiques publics concernés par le domaine agricole.

D'autre part, de nombreux habitants des territoires ruraux mènent une petite activité agricole privée sur des lopins de terre mis à disposition par les fermes collectives. Dans un contexte post-accidentel où l'alimentation représente la principale voie d'exposition radiologique des personnes, ces populations sont principalement concernées.
 En effet, leurs productions représentent en moyenne 50% des quantités consommées :

  • 90 % pour les légumes et les pommes de terre,
  • 10% pour les céréales,
  • 25% du total de la production animale (27% du lait, 38% des œufs et 20% de la viande et la volaille).

Dans ce contexte, l'accès de ces producteurs privés à des moyens d'amélioration de leur production, tant du point de vue économique que du point de vue radiologique, apparaît comme un objectif important.

Les principes méthodologiques du projet CORE Agri

Bleu de prusse administré à une vache
Bleu de prusse administré à une vache

Le projet CORE Agri a pour objet de soutenir le développement économique des districts de Stolin, Slavgorod, Tchetchersk et Bragin en aidant les agriculteurs et entrepreneurs ruraux à réaliser leurs initiatives productives et à en améliorer les performances.

La méthodologie déployée pour atteindre cet objectif tient compte de 3 constats :

  • La réhabilitation des conditions de vie sur un territoire contaminé nécessite un engagement actif des différents acteurs du territoire ;
  • Il est nécessaire de prendre en compte simultanément les dimensions radiologique (niveau de contamination des produits agricoles) et économique (viabilité) de l'activité agricole ;
  • Le développement économique résulte des actions de l'ensemble des acteurs du territoire.

Une action simultanée à plusieurs niveaux

Le projet CORE Agri agit à 3 niveaux :

  • au niveau des petits agriculteurs privés et des entrepreneurs ;
  • au niveau des services nécessaires aux agriculteurs privés et aux entrepreneurs ;
  • au niveau des districts.

Au premier niveau, il s'agit d'aider les agriculteurs à accroître la qualité et la rentabilité de leurs productions. L'objectif des actions menées est également de favoriser les initiatives d'entreprises (par exemple des entreprises de conditionnement, de transformation de produits alimentaires) afin de développer les débouchés pour les productions agricoles.

Au niveau des services aux agriculteurs et aux entrepreneurs, l'objectif est de favoriser l'accès des acteurs aux facteurs de production (engrais, semences, financements, matériel, technique) ou aux services (commercialisation, transformation, etc.) qui leur sont nécessaires.

Le projet vise également à aider les agriculteurs à s'organiser pour obtenir l'amélioration de ces services ou leur création quand ils n'existent pas.

Enfin, au niveau des districts, CORE Agri cherche à créer les conditions d'une rencontre entre tous les acteurs privés et publics du territoire pour permettre le dialogue, la concertation et la prise en charge commune de l'orientation du développement du territoire.

Les actions développées par le projet CORE Agri

Délégation d'agriculteurs du projet CORE Agri à une foire agricole
Délégation d'agriculteurs du projet CORE Agri à une foire agricole

Le projet CORE Agri développe plusieurs actions complémentaires. Elles s'inscrivent dans un dispositif évolutif, fondé sur l'initiative et l'engagement des acteurs. L'objectif visé est de créer les conditions d'une prise en charge par les agriculteurs du pilotage et du développement du dispositif de soutien aux activités agricoles privées.

Ces actions sont menées par les opérateurs internationaux du projet (l'association FERT) et l'équipe biélorusse de facilitation technique et stratégique mise en place au niveau national et local.

Trois types d'actions auprès des agriculteurs privés et des entrepreneurs

Le projet CORE Agri développe 3 types d'actions à destination des agriculteurs et des entrepreneurs.

Le premier type d'actions est un ensemble d'actions technico-économiques destinées à améliorer la qualité radiologique des produits et la rentabilité économique des productions :
 démonstrations de nouvelles techniques agricoles (utilisation de nouvelles variétés, de fertilisants, …), expérimentation par les agriculteurs et diffusion des techniques sur les principales productions (pommes de terre, choux, betteraves, carottes, oignons, tomates, concombres, lait).

Le deuxième type d'actions concerne la formation et l'information des acteurs agricoles sur les sujets en rapport avec leur activité : publications, séminaires, échanges d'expérience, visite de salons.

Enfin, une action de conseil est menée auprès des entrepreneurs pour formuler, analyser et promouvoir leurs projets.

Les actions autour des services aux agriculteurs privés et aux entrepreneurs

Dans le domaine des services aux agriculteurs privés et aux entrepreneurs, le projet CORE Agri soutient 2 types d'actions :

  • la création d'un dispositif de micro-crédit pour permettre l'accès des petits agriculteurs à des sources de financement. Cette action est menée en collaboration avec la Belarus Bank ;
  • l'auto-organisation des agriculteurs privés pour l'accès aux services : achats en commun, négociations avec les fournisseurs, commercialisation, …

Les actions au niveau du district

Au niveau des districts, le projet CORE Agri facilite la mise en relation des acteurs publics et privés pour améliorer l'efficacité des filières. Des groupes informels d'agriculteurs ont été constitués dans chacun des villages participant au projet, ainsi que des groupes thématiques rassemblés autour d'une activité ou d'un projet.

Le projet soutient en particulier la création de centres de développement rural gérés par les agriculteurs privés.

Ces centres ont vocation, d'une part, à fournir des services aux agriculteurs et, d'autre part, à constituer un lieu de rencontre des agriculteurs entre eux et avec les autres acteurs du district. Les autorités des districts participent au développement de ces centres.

Les enseignements du projet CORE agri

Un agriculteur du district de Stolyn
Un agriculteur du district de Stolyn

Le projet CORE Agri est toujours en cours en 2008. Il a déjà permis d'atteindre des résultats probants tant au plan technique que sanitaire ou économique.

Suite à l'intervention de CORE Agri, la charge en Césium 137 des productions agricoles a diminué de 20 à 30% en moyenne du fait de l'utilisation de nouvelles techniques agricoles. Cette amélioration de la qualité radiologique des produits s'accompagne d'une augmentation des rendements qui atteint parfois 100%.

Le projet a ainsi eu un impact réel sur le revenu des producteurs qui s'orientent vers le marché, entraînant un effet notable sur l'économie des villages.

Le projet CORE Agri a démontré que 3 éléments sont essentiels dans la dimension agricole de la réponse à une situation de contamination durable sur un territoire.

Le premier de ces 3 éléments est l'information. En effet, afin que les individus directement concernés, en particulier les agriculteurs, puissent décider et agir en connaissance de cause, ils doivent pouvoir accéder à une information pratique :

  • sur la situation locale (mesure de la contamination des sols, mesure des produits agricoles, …),
  • sur les possibilités techniques d'agir sur la contamination des produits agricoles.

Il est également nécessaire que les acteurs de l'agriculture puissent disposer de lieux de réflexion, de concertation et de décision leur permettant de :

  • partager les initiatives et les innovations et capitaliser leurs enseignements,
  • favoriser le développement de réflexions et d'actions communes développées par les acteurs de l'agriculture entre eux, avec les pouvoirs publics et avec les acteurs de la recherche,
  • associer les acteurs d'un territoire aux décisions des pouvoirs publics.

Enfin, il est indispensable que les acteurs de l'agriculture puissent obtenir des moyens techniques et financiers permettant de soutenir ces pôles de réflexion et de dialogue, ainsi que d'accompagner des initiatives pilotes développées avec des agriculteurs et ayant valeur d'exemple.

La phase de préparation du programme CORE : un changement de paradigme pour la gestion post-accidentelle

Signature de la déclaration de principes du programme CORE
Signature de la déclaration de principes du programme CORE

Après la fin du projet Ethos (novembre 2001), le Comité Tchernobyl de Biélorussie a pris l'initiative d'une phase de préparation de 2 ans (2002-2003) afin d'imaginer un nouveau cadre de coopération et d'action pour la réhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés de Biélorussie.

Cette phase se conclura par le lancement officiel du programme CORE (COopération pour la REhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés de Biélorussie) par les autorités biélorusses, le 15 octobre 2003.

Cette phase de préparation aura permis de mobiliser un large éventail de partenaires locaux, nationaux et internationaux, de réaliser un accord politique entre ces acteurs sur les objectifs et les principes du futur programme de coopération Elle a également permis de jeter les bases des principes nouveaux de coordination et d'action qui caractérisent le programme CORE.

Le constat sur la situation biélorusse en 2001

Le projet Ethos prend fin en novembre 2001 avec le séminaire international de Stolyn, qui a permis d'exposer et de partager les conclusions du projet.

Les résultats du projet débouchent sur un quadruple constat :

  1. les problèmes sanitaires, écologiques, économiques et sociaux engendrés par l'accident de Tchernobyl ont un caractère durable.
     A la suite de la crise économique qui a frappé le pays à partir de 1991, les populations rurales ont repris une activité agricole de subsistance, hors du contrôle du système public de gestion post-accidentelle.
     L'exposition des populations des territoires contaminés à travers l'alimentation augmente et on voit apparaître des groupes critiques assez fortement contaminés. Dans ce contexte, le projet Ethos montre que des résultats significatifs en termes de radioprotection pouvaient être obtenus en développant des méthodes nouvelles où les populations des territoires contaminés jouent un rôle actif.
  2. On constate un essoufflement du dispositif public de gestion post-accidentelle, qui représente une charge importante dans le budget de l'Etat biélorusse. Dans le même temps, la communauté internationale se désengage fortement, après une phase de coopération scientifique importante entre les années 1990 et 1996.
  3. La situation post-accidentelle de Tchernobyl et la problématique de la réhabilitation des conditions de vie représentent un enjeu aux niveaux local, national et international. Cet enjeu doit être pris en charge dans un cadre permettant une interaction et une complémentarité entre ces différents niveaux d'action.
  4. Enfin, les différentes dimensions de la réhabilitation des conditions de vie (radiologique, économique, sociale, culturelle, éthique, …) dans les territoires contaminés ne peuvent faire l'objet d'une approche segmentée. Le développement d'approches intégrées est nécessaire pour une prise en charge globale du problème.

Ces conclusions coïncident avec celles de différentes évaluations internationales réalisées en 2001 et 2002 :

  • Le rapport de la mission conjointe d'évaluation menée en mai 2001 par les ambassadeurs des pays membres de l'Union Européenne en Biélorussie ;
  • Le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et de l'UNICEF du 6 février 2002 sur les conséquences de l'accident nucléaire de Tchernobyl sur les populations ;
  • Le rapport de la Banque Mondiale de juillet 2002 "Biélorussie : bilan des conséquences de l'accident de Tchernobyl et actions pour les atténuer".

Ces évaluations convergentes ouvrent la perspective d'un possible soutien international à une action qui viserait la production d'effets durables et serait centrée sur les conditions de vie des populations, dans l'ensemble de leurs dimensions.

L'ouverture de la phase de préparation

Fin 2001, le Comité Tchernobyl de Biélorussie lance un appel à la communauté internationale pour engager une réflexion avec des acteurs locaux, nationaux et internationaux sur de nouvelles approches. L'objectif visé est une réhabilitation durable des conditions de vie dans les territoires contaminés en agissant sur l'ensemble des dimensions en jeu (sanitaires, économiques, radiologiques, éducatives, culturelles, …).

Différentes organisations répondent positivement à cet appel et se donnent pour mission de cerner ensemble les contours d'une telle initiative :

  • le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ;
  • les représentations diplomatiques des pays membres de l'Union Européenne à Minsk ;
  • l'Agence Suisse pour le Développement et la Coopération et les ex-participants du projet Ethos ;
  • la Commission Européenne ;
  • la Banque Mondiale ;
  • l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE).

Des réunions trimestrielles d'un Comité de préparation associant ces partenaires sont organisées à Minsk afin d'examiner les conditions d'un partenariat entre acteurs locaux, nationaux et internationaux autour d'une initiative commune. Ces réunions visent également à concevoir des mécanismes de coordination permettant, d'une part, une action concertée entre le niveau local, national et international et, d'autre part, une prise en charge globale du problème, qui intègre les différentes dimensions en jeu.

Les ressources apportées par les partenaires de la phase de préparation

Différents partenaires apportent les ressources nécessaires à cette phase de préparation. Tout d'abord, un soutien financier est apporté par le PNUD, la Banque Mondiale, le Comité Tchernobyl et l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). Ce financement est complété par une part d'autofinancement des différents partenaires.
 Le Comité Tchernobyl apporte également un soutien en termes d'organisation et d'animation à travers son département des relations internationales.

D'autre part, cette phase de préparation bénéficie d'un important engagement diplomatique (représentations diplomatiques des pays membres de l'Union Européenne et organisations internationales) dans le processus de négociation qui conduira à fixer les objectifs, les principes et les structures de coordination du programme CORE.

Un groupe d'experts biélorusse est également mobilisé pour mener un travail de repérage dans des districts contaminés biélorusses et identifier des porteurs d'initiatives et des projets potentiels.

Enfin, une partie des partenaires français impliqués dans le projet Ethos apporte un soutien stratégique et méthodologique, en particulier dans la conception des structures de coordination du programme.

Les principales étapes de la phase de préparation

Au cours du premier semestre 2002, les autorités biélorusses demandent que le futur programme de coopération soit déployé sur 4 districts contaminés dans les 3 principales régions contaminées de Biélorussie (régions de Gomel, Mogilev et Brest). Les districts de Stolyn, Braguin, Slavgorod et Tchetchersk sont alors choisis.

A partir de ce moment, les Comités Exécutifs (pouvoirs publics locaux) des 4 districts sont systématiquement associés aux réunions du Comité de préparation.

Pendant ce temps, les partenaires français du projet Ethos impliqués dans la préparation du nouveau programme élargissent le partenariat en contactant différents opérateurs français susceptibles d'intervenir dans des projets de terrain. Un groupe d'acteurs français publics et privés (professionnels, associations, chercheurs, …) se constitue ainsi progressivement au cours du printemps et de l'été 2002.

Une mission de reconnaissance commune du groupe des partenaires français est organisée en juillet 2002 dans les 4 districts choisis pour faire partie du futur programme de coopération. Ce groupe de partenaires français participe ensuite régulièrement aux réunions du Comité de Préparation en Biélorussie.

Le nom et l'acronyme du programme CORE (COopération pour la REhabilitation des conditions de vie dans les territoires biélorusses contaminés suite à l'accident de Tchernobyl) sont ensuite fixés.

 Une charte inédite : la Déclaration de Principes

A ce stade, il apparaît nécessaire aux différents partenaires impliqués dans la préparation du programme, en particulier les diplomates européens, de matérialiser l'engagement politique des partenaires du programme à travers la signature d'une Charte. Elle officialisera les objectifs, les principes fondateurs et les structures de coordination du programme. Cette « Déclaration de Principes du programme CORE », sera construite et négociée par les différents partenaires durant le second semestre 2002 et le premier semestre 2003.

Elle constitue un objet original sur le plan du droit international : elle n'est ni un traité, ni un contrat, mais marque publiquement un engagement collectif de ses signataires.

Elle sera signée en 3 étapes :

  • juillet 2003 : signature d'un protocole international ;
  • octobre 2003 : signature de la Déclaration de Principes par un premier groupe d'acteurs locaux, nationaux et internationaux, marquant ainsi le début du programme CORE ;
  • décembre 2003 : signature de la Déclaration de Principes par un second groupe de partenaires, dont la Commission Européenne et les ambassadeurs des pays membres de l'Union Européenne représentés à Minsk, ces derniers ayant conditionné leur signature à celle de la Commission Européenne.

Les objectifs du programme CORE

L'objectif général du programme CORE est l'exploration et le développement d'une approche soutenable de la réhabilitation des conditions de vie.

Une des conditions de cette soutenabilité est la reconnaissance et la prise en charge de la complexité de cette problématique.

Pour ce faire, la phase de préparation du programme CORE a permis d'identifier les objectifs suivants :

  • Contribuer à permettre un choix libre et informé, pour rester ou pour quitter le territoire ;
  • Faire le lien entre les différentes dimensions (sanitaire, radiologique, économique, éducative et culturelle) de la réhabilitation des conditions de vie ;
  • Développer des modes de gestion adaptatifs et multi-niveaux permettant de répondre à une situation post-accidentelle complexe et évolutive. Ces nouveaux modes de gestion reposent sur l'initiative des acteurs locaux et doivent permettre un engagement actif de tous les acteurs concernés au niveau local, national et international ;
  • Développer une prise en charge territoriale de la qualité de vie flexible et réactive, en partenariat avec les autres niveaux d'action ;
  • Faire émerger un dessein commun prenant en compte effectivement toutes les dimensions de la qualité de la vie ;
  • Permettre aux différents acteurs engagés de former, à partir de leurs priorités, des projets de réhabilitation en coopération avec des partenaires nationaux et internationaux ;
  • Mettre en place des instances, des concepts, des méthodes et des procédures permettant aux différents acteurs engagés de travailler ensemble à la réhabilitation des conditions de vie dans une situation de contamination complexe et multidimensionnelle.

 Les principes fondateurs du programme CORE

La phase de préparation du programme a permis aux partenaires de CORE d'identifier les principes fondateurs d'une démarche stratégique commune.

Tout d'abord, l'ensemble des partenaires du programme reconnaît explicitement que la réhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés représente un enjeu à la fois local, national et mondial, et nécessite une prise en charge en bien commun. Il est toutefois nécessaire de respecter les responsabilités et les légitimités qui sont propres à chacune des catégories d'acteurs concernées.

Ainsi, les nouveaux modes de prise en charge qui sont développés dans le cadre de CORE doivent être complémentaires et non concurrents du dispositif administratif existant de gestion de la situation post-accidentelle.

Une place centrale et nouvelle est donnée à l'engagement des acteurs locaux dans la prise en charge du problème de la réhabilitation des conditions de vie. Les projets développés dans le cadre de CORE doivent ainsi soutenir des initiatives locales.

Le territoire est considéré comme un lieu privilégié de rencontre et de négociation, où la qualité de vie constitue un enjeu commun tangible.

 Le co-pilotage

La démarche CORE cherche à aller au-delà d'une gestion du risque, mise en œuvre par l'Etat et visant principalement la conformité à un système de normes. Le programme CORE recherche des formes de co-pilotage de la qualité de vie par les acteurs locaux en partenariat avec les acteurs nationaux et internationaux. Ce co-pilotage intègre l'ensemble des dimensions impliquées (y compris sanitaire et radiologique). Dans cette approche, la mesure radiologique et l'information sont au service des acteurs, en particulier locaux, engagés dans des projets.

En outre, la démarche stratégique recherchée à travers CORE est une démarche intégrée de développement durable (en particulier économique) à travers des projets positifs et innovants, qui va plus loin que la seule recherche de solutions à des problèmes.
 Ce changement d'approche constitue l'une des conditions de la pérennité des démarches de réhabilitation des conditions de vie sur le long terme.

Tous les partenaires engagés dans le programme CORE, y compris les acteurs locaux, assument en même temps un rôle au niveau territorial et dans la démarche globale.
 Les partenaires locaux, nationaux et internationaux des différents projets sont en position de co-auteurs et de co-acteurs des actions menées dans le contexte du territoire.

Au niveau global, les structures du programme sont destinées à permettre à tous les acteurs de participer activement à l'élaboration progressive d'une vision commune du problème et d'une stratégie globale de réhabilitation des conditions de vie, notamment en tirant parti du retour d'expérience des projets concrets menés sur le terrain.

Enfin, les structures de coordination et de décision mises en place ont également pour objectif de permettre un pilotage adaptatif du programme. Les partenaires du programme ont ainsi les moyens de mettre à jour la méthodologie et les structures du programme, mais aussi les actions menés par les différents partenaires, au fur et à mesure que progresse l'identification de nouveaux enjeux, potentialités et obstacles

La population, acteur clé des stratégies de suivi radiologique : l'exemple de Braguin

Un poste local de contrôle radiologique dans le district de Braguin
Un poste local de contrôle radiologique dans le district de Braguin

Dans le cadre du volet "qualité radiologique" du programme CORE, un projet de suivi radiologique coopératif a été engagé dans le district de Braguin (Sud-est de la Biélorussie) de 2004 à 2007. Ce projet, inspiré par les résultats du projet Ethos, avait pour objectif de :

  • mettre en place un système de mesure radiologique avec la participation de professionnels de la santé et de l'éducation, d'associations et d'habitants formés à la dosimétrie ;
  • rechercher des leviers d'action avec les individus et les familles pour réduire la contamination des personnes, en particulier des enfants.

Fruit d'un partenariat entre institutions internationales, nationales et locales, ce projet a permis le redéploiement d'un dispositif de mesure des aliments dans plusieurs villages du district. Des campagnes de mesures anthropogammamétriques (c'est-à-dire de mesures de la contamination interne des personnes) ont également été menées dans les écoles et les jardins d'enfants.

Devant les résultats obtenus en matière de réduction de la contamination interne des enfants, il a été décidé d'étendre le dispositif à d'autres villages sur la période 2006-2008.

Les objectifs et les partenaires du projet de suivi radiologique

Les objectifs du projet

Un poste local de contrôle radiologique
Un poste local de contrôle radiologique

Le projet vise la mise en place d'un dispositif de contrôle de la qualité radiologique mobilisant la population et les professionnels locaux de la santé et de l'éducation.
 Pour ce faire, le dispositif mis en place comprend 2 axes complémentaires :

  • doter le district d'équipements de mesure du césium-137 permettant d'effectuer des mesures de l'environnement, des produits alimentaires et des personnes ;
  • développer en parallèle une culture pratique de radioprotection auprès de la population, en particulier chez les enfants à travers le système éducatif et faire en sorte que la mesure radiologique devienne l'outil clé de la vigilance sanitaire.

 Ce dispositif est développé en complément du suivi radiologique existant pris en charge par diverses administrations biélorusses. Il a pour vocation d'offrir aux habitants un outil pour contrôler leur environnement, leur alimentation, leur exposition interne, ainsi que de proposer des marges de manœuvre pour améliorer leur propre situation.

Enfin, le projet inclut également un travail d'évaluation des conditions de pérennité du système avec les différents acteurs locaux et les autorités biélorusses.

Les partenaires du projet

Ce projet a été financé par l'agence Suisse pour le Développement et la Coopération (SDC).
 Il a été mis en place en partenariat avec une ONG locale, "Pousse de Vie", l'Institut biélorusse de recherche en radiologie (filiale de Brest), l'Institut Belrad du Professeur Nesterenko, le Centre d'Etudes pour l'Evaluation de la Protection dans le Domaine Nucléaire (CEPN), et une association française, l'Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l'Ouest (ACRO).
 Le projet a démarré en avril 2004. Il était doté d'un budget de 165 000 €.

La phase de préparation du projet de suivi radiologique

Le projet a nécessité une longue préparation. Pendant cette phase, les partenaires internationaux du projet se sont rendus régulièrement sur place afin d'écouter les acteurs locaux, de comprendre les besoins et les attentes locales.

Le district de Braguin présentait un contexte favorable au projet. En effet, un autre projet, "mère et enfant", visant à améliorer l'assistance médicale offerte aux femmes et aux enfants de ces 3 districts y était déjà engagé. La population locale était donc déjà sensibilisée. De plus, dans le cadre du projet "mère et enfant", une association locale, "Pousse de vie", avait été créée. Enfin, le projet de suivi radiologique a pu tirer parti du retour d'expérience du projet Ethos.

Trois missions sur place ont été organisées. Des réunions avec les acteurs locaux (Pousse de Vie, l'hôpital de Braguin, des dosimétristes, des professionnels, la population et les autorités locales) ont permis de pointer la demande locale d'un renforcement du dispositif de mesures existant, mais en déclin. Ces missions ont également permis de sélectionner 6 villages désirant s'impliquer dans le projet.
 Dans le même temps, l'ACRO a été sollicitée et a accepté de s'impliquer dans le projet pour accompagner l'association Pousse de Vie par ses compétences associatives.

Le projet a été lancé en février 2004, au cours d'un séminaire réunissant l'ensemble des acteurs locaux, ainsi que des représentants du district de Stolyn ayant participé au projet ETHOS.

La mise en place du dispositif de mesure des aliments

Mesure de la radioactivité de produits alimentaires
Mesure de la radioactivité de produits alimentaires

Au début du projet, des points de mesure gérés par les instances administratives existent, mais ils sont peu nombreux. Il a donc été décidé de restaurer et de moderniser 4 centres de contrôle radiologique qui n'étaient plus en état de marche.

Les partenaires du projet décident également de créer 2 nouveaux centres, dont la gestion est confiée à l'ONG indépendante Pousse de Vie – une situation inédite en Biélorussie.

Grâce à ce dispositif, il devient possible de mesurer les aliments dans 6 villages du district. Des dosimétristes sont formés, et s'engagent à réaliser chacun au moins 30 mesures mensuelles de césium 137 dans les aliments. En novembre 2004, les postes de mesure deviennent opérationnels.

A partir de septembre 2005, des groupes de travail sont mis en place dans les écoles, animés par les enseignants et des dosimétristes, afin de développer auprès des enfants une culture pratique de radioprotection.

Les campagnes de mesures anthropogammamétriques

Mesure de la radioactivité corporelle d'une enfant
Mesure de la radioactivité corporelle d'une enfant

Si une famille se mobilise pour réduire la contamination de son alimentation, il importe de pouvoir en vérifier les effets sur la contamination interne de chacun des membres de la famille, au moyen de mesures anthropogammamétriques. Or, à cette époque, il n'existe plus de postes de mesure de ce type dans le district.

L'Institut Belrad met alors en place un système de campagnes de mesures (2 par an) dans les écoles et les jardins d'enfants, à l'aide de camions itinérants équipés d'un siège de mesure de la contamination en césium-137. Chaque campagne couvre la quasi-totalité du district et représente environ 2 500 mesures.

Après chaque campagne de mesures, les dosimétristes, les professionnels de la santé et les membres de Pousse de Vie identifient les enfants les plus contaminés.
 Un dialogue s'engage alors avec les familles pour rechercher ensemble les sources de la contamination, et trouver des solutions pour réduire l'ingestion de produits contaminés par les enfants.

Si le problème est de nature collective (lié à la contamination d'un pâturage communal par exemple), des marges de manœuvre sont recherchées avec les autorités locales.

Les résultats du projet de suivi radiologique et les développements futurs

Les résultats obtenus

Un poste de contrôle radiologique des produits alimentaires
Un poste de contrôle radiologique des produits alimentaires

Grâce à ce projet, les habitants des villages impliqués connaissent dorénavant le taux de contamination des aliments. Ils sont mieux informés et maîtrisent mieux les mécanismes qui agissent sur les niveaux de contamination des enfants. Maintenir cet état de vigilance constitue l'un des principaux enjeux pour l'ensemble des partenaires qui ont été impliqués dans le projet.

Au fur et à mesure que le projet s'est déployé, de nouveaux acteurs se sont intégrés au processus de coopération : le Centre d'hygiène, d'épidémiologie et de santé publique, l'hôpital de Braguin, la polyclinique de Komarin, le journal local, le Centre de certification régional, l'Office local des forêts.

Autre développement intéressant :, des interfaces ont progressivement été établies avec les acteurs régionaux et nationaux. Grâce à cette expérience, les autorités au plus haut niveau ont pris conscience de la nécessité de relancer les Centres de contrôle radiologique, un système qui était en train de tomber en désuétude.

Les résultats des campagnes de mesures sont également très probants. On a observé une diminution significative des valeurs maximales des niveaux de contamination individuelle, de 2650 Bq/kg à l'automne 2004 à 200 Bq/kg à l'automne 2006. Par ailleurs, le nombre d'enfants dont le niveau de contamination est supérieur à 50 Bq/kg est passé de 250 à 110. Dans tous les villages, les «groupes critiques» – les enfants très contaminés – ont disparu. Enfin, la contamination moyenne, calculée sur 2500 enfants, est passée de 30 à 25 Bq/kg.

Les objectifs pour l'avenir

Le projet a généré sa propre dynamique. Ainsi, il a été décidé d'étendre le dispositif à de nouveaux villages, afin d'assurer une meilleure couverture du district. Il est apparu également indispensable de collaborer avec les autres acteurs du programme CORE impliqués dans le district de Braguin dans les volets « agriculture » et « éducation ». Il existe d'ailleurs déjà des « cercles » animés par les dosimétristes et les enseignants, en collaboration avec l'ACRO, qui travaillent à faire le lien entre mesure et éducation sur le contrôle radiologique.

Pérenniser les résultats du projet, c'est aussi garantir la pérennité du système de mesures, en favorisant une prise en charge progressive du financement des équipements par les structures locales et nationales.

Il importe enfin d'impliquer dans l'avenir de nouveaux partenaires internationaux de manière à pouvoir étendre le dispositif aux autres districts concernés.

Les enseignements du projet de suivi radiologique

Mesure de la radioactivité corporelle d'un bébé
Mesure de la radioactivité corporelle d'un bébé

Pour être efficace et durable, un système de suivi radiologique, tel que celui développé dans le district de Braguin, doit reposer sur des bases scientifiques et techniques solides : du matériel accrédité, une certification des mesures et une assurance qualité. Cela requiert également de faire appel à des personnes qualifiées, bien formées, motivées, qui ont le sens du rapport aux autres.

Un tel système doit permettre :

  • à chaque individu de comprendre sa situation radiologique et de faire ses choix ;
  • aux autorités locales et nationales de disposer d'outils de décision pour mettre en œuvre des contre-mesures adaptées ;
  • aux producteurs privés et aux entreprises de certifier leurs produits ;
  • aux professionnels de la santé de développer leurs actions de surveillance sanitaire.

Enfin, ce système de suivi radiologique -c'est là un point essentiel- doit favoriser la confiance sociale à travers la pluralité des sources de mesure en particulier grâce à l'existence de mesures indépendantes.

Une première évaluation du programme CORE: le séminaire de Gomel en octobre 2005

Le séminaire méthodologique de Gomel
Le séminaire méthodologique de Gomel

Deux ans après le début du programme CORE, un premier retour d'expérience du programme CORE a été organisé sous la forme d'un séminaire organisé à Gomel du 26 au 28 octobre 2005. Ce séminaire a rassemblé environ 80 participants. Le retour d'expérience y a été organisé de façon participative, avec des représentants des différentes catégories d'acteurs engagés (autorités locales et régionales, acteurs locaux engagés dans les projets, instituts scientifiques biélorusses, autorités nationales, partenaires internationaux engagés dans le financement ou la mise en œuvre des projets).

Cette première évaluation des modes d'action et des structures de coordination du programme intervenant à mi-parcours du programme, elle n'a pu en tirer un bilan complet. Il a cependant été possible de mettre en évidence les premiers impacts du programme et de poser un premier diagnostic sur les nouveaux modes d'action expérimentés dans le cadre de CORE.

CORE est un processus expérimental en construction

Les participants du séminaire de Gomel se sont accordés sur le fait que le programme CORE est un processus en construction continue. Il a été susceptible d'évolutions au cours de son action (comme par exemple la création des Comités de liaison, qui n'étaient pas prévus dans le dispositif initial) et peut continuer à évoluer.

Les différents acteurs rassemblés pendant le séminaire de Gomel reconnaissent que CORE reste une démarche expérimentale. Le programme ne concerne que 4 districts contaminés sur les 21 que comprend la Biélorussie. De plus, il mobilise des moyens réduits au regard de ceux qui sont mis en œuvre par le Comité Tchernobyl dans son cadre d'action traditionnel. Ainsi, les moyens matériels et financiers déployés dans le cadre de CORE dans chacun des quatre districts du programme ne représentent que 5% des moyens mis en œuvre par le Comité Tchernobyl.

Le programme CORE ne peut donc avoir de valeur qu'en tant qu'expérimentation. La question de la soutenabilité à long terme de la démarche stratégique engagée, et de son devenir après la fin du programme, se pose donc avec une acuité particulière.

CORE démontre que des modes d'action nouveaux sont possibles

Le séminaire méthodologique de Gomel
Le séminaire méthodologique de Gomel

Fin 2005, deux ans après son commencement, CORE a d'ores et déjà démontré qu'il est possible, dans le contexte biélorusse, de mobiliser l'énergie de la communauté internationale tout en confortant les institutions publiques et privées et leurs outils d'action. Le programme et ses modes d'action particuliers permettent CORE ont permis de matérialiser dans l'action le caractère d'intérêt commun pour l'humanité de la situation post-accidentelle de Tchernobyl, et en particulier de la problématique de la réhabilitation des conditions de vie. Il a également permis de lui donner une visibilité nouvelle. Il a ainsi été possible de faire émerger un langage commun à une diversité d'acteurs ainsi que de nouveaux modes d'action en commun, dont la légitimité et à la pertinence est reconnue par l'ensemble des acteurs concernés.

Les nouveaux modes d'action explorés par CORE sont complémentaires et non concurrents des modes d'action traditionnels de l'Etat. Ils ont permis de construire une capacité de prise en charge effective et adaptative de différents aspects de la situation post-accidentelle, en partenariat avec une diversité d'acteurs. CORE fait émerger un nouveau cadre stratégique pour la prise en charge de la réhabilitation des conditions de vie, où l'Etat n'est plus l'acteur unique de la gestion post-accidentelle. Le programme offre ainsi aux autorités biélorusses, et en particulier au Comité Tchernobyl, des opportunités nouvelles de démultiplication de l'efficacité de ses actions.

Enfin, au plan international, CORE a permis de matérialiser dans l'action le caractère d'intérêt commun pour l'humanité de la situation post-accidentelle de Tchernobyl, et en particulier de la problématique de la réhabilitation des conditions de vie, tout en lui donnant une visibilité nouvelle.

Enfin, dans le contexte de la coopération internationale liée à Tchernobyl, les modes d'action du programme CORE marquent une évolution très importante. On passe en effet d'une relation de type « donneur-bénéficiaire » à une relation de coopération équitable entre participations territoriales, nationales et internationales.

Un accord sur les conditions d'une réhabilitation durable des conditions de vie

Le séminaire de Gomel a permis aux participants d'identifier ensemble un ensemble de conditions nécessaires à une réhabilitation durable des conditions de vie dans les territoires contaminés de Biélorussie.

Tout d'abord, les participants ont reconnu que c'est sur les territoires contaminés que se construisent le sens et l'efficacité d'une démarche de réhabilitation des conditions de vie (et en particulier de l'approche CORE). Il est nécessaire de centrer la démarche sur les personnes, en les aidant à montrer leurs propres projets de développement et de mise à distance de la contamination. Au-delà des actions individuelles, une démarche de réhabilitation des conditions de vie doit permettre aux individus de s'organier entre eux dans une entreprise commune. Elle doit accompagner la mise en synergie des projets des individus, des groupes, des acteurs professionnels et des autorités locales dans un projet de territoire soutenable.

Par ailleurs, la nécessité et la valeur d'une co-évaluation des projets à laquelle participent les acteurs locaux a également été confirmée par les participants du séminaire. Cette co-évaluation est complémentaire des procédures traditionnelles des bailleurs de fonds. Il est également apparu que cette évaluation devait avoir lieu non seulement ex ante, mais également pendant tout le cycle de vie des projets, dans la perspective d'un partage du retour d'expérience des différents projets engagés.

Enfin, les participants au séminaire de Gomel ont identifié le fait qu'une démarche de réhabilitation des conditions de vie doit également permettre une montée en puissance des acteurs locaux, en particulier en termes d'expertise locale, de confiance en soi et de capacité à se regrouper et à nouer des partenariats.

Pour ce faire, l'existence d'une fonction de facilitation est essentielle. Elle se décline sous deux formes complémentaires. La première est la facilitation stratégique au niveau du territoire. Elle permet d'aider les acteurs locaux à bâtir des projets, identifier des opportunités et des partenaires au niveau local, national et international. Le deuxième type de facilitation est une facilitation technique, qui facilite l'accès des acteurs locaux aux connaissances et savoir-faire indispensables dans différents domaines (mesure radiologique et radioprotection, santé, agriculture, …)

Les premiers impacts de CORE au niveau territorial

Au niveau territorial, CORE a permis de susciter de l'enthousiasme et une forte mobilisation de nouveaux acteurs. Il a également permis de construire une dignité et un sens nouveaux de la vie dans les territoires contaminés grâce à l'ouverture à un partenariat local, régional, national et international permettant aux habitants de passer d'un statut d'objet de politiques publiques à celui de sujets adultes et de co-acteurs de la réhabilitation des conditions de vie.

De façon générale, on peut constater la mise en place d'une dynamique de restauration complexe des conditions de vie dans les territoires. Au moment du séminaire de Gomel, les premiers impacts de cette dynamique peuvent déjà être constatés En particulier, on observe un recul net et quantifiable des taux maximaux de contamination corporelle chez les enfants dans certains des districts du programme.

De plus, la construction par les habitants des territoires contaminés d'une compréhension précise et fine de la situation radiologique et des enjeux de la réhabilitation des conditions de vie sur le territoire, notamment grâce à un accès direct aux moyens de mesure radiologique, apporte aux individus et aux familles la possibilité de faire un choix de partir ou rester sur le territoire plus précisément motivé.

Toutefois, les acteurs locaux font également part de certaines frustrations : les montants alloués sont relativement faibles, et les procédures d'enregistrement des projets auprès des autorités biélorusses (qui conditionnent la mise en œuvre de ces projets) sont longues et démobilisantes.

Les conditions de la soutenabilité de l'approche CORE

Le séminaire méthodologique de Gomel
Le séminaire méthodologique de Gomel

Pour les participants du séminaire de Gomel, la question de la soutenabilité de l'approche CORE se pose plus particulièrement dans deux domaines : celui de la facilitation et celui de la connexion avec les processus de décision nationaux et locaux.

Dans le premier domaine, l'ensemble des participants au séminaire de retour d'expérience s'est accordé sur la nécessité de fonder de façon plus durable la fonction de facilitation. Ce diagnostic vaut tant pour la facilitation technique (facilitation de l'accès aux connaissances et savoir-faire) ou de la facilitation stratégique (aide à la mise en relation entre acteurs, au développement de partenariats, …).

La question de la connexion avec les processus de décision trouve quant à elle une réponse territoriale et une réponse nationale. Au niveau du territoire, le besoin de plates-formes de coordination et d'intégration au niveau des districts est identifié. Ces plate-formes auraient pour fonction de constituer un lieu de dialogue régulier entre les différents acteurs engagés dans des projets, et en particulier avec les différentes administrations au niveau du district. Au niveau national, les participants reconnaissent la nécessité d'engager un processus de réflexion impliquant les différents acteurs publics (locaux, régionaux et nationaux) concernés par la problématique de la réhabilitation des conditions de vie. Un tel processus permettrait de tirer les leçons du programme CORE du point de vue de l'action publique. Son objectif serait également d'étudier les possibles adaptations des modes d'action des administrations, notamment du Comité Tchernobyl, susceptibles de faciliter le développement des nouvelles stratégies de réhabilitation des conditions de vie dans l'ensemble des districts contaminés de Biélorussie.

Témoignage de Zoia Trafimchik, Directrice de l'Equipe de Coordination du Programme international CORE

Cette jeune linguiste biélorusse a occupé, à partir de 1992, des postes à responsabilité au coeur du dispositif de prise en charge des conséquences de Tchernobyl.
Zoia Trafimchik livre ici sa propre expérience de la catastrophe et ses réflexions sur son engagement de 15 ans au sein du Comité Tchernobyl, puis du programme CORE.

 Portrait

Je suis née au milieu des années 1960, dans un village à 50 km de Minsk, la capitale de la Biélorussie. J'ai suivi des études de linguistique à l'université de Minsk. Je suis mariée et j'ai deux fils.

En 1992, 4 ans après la fin de mes études, je suis entrée au département des relations internationales du Comité Tchernobyl, l'organisme d'Etat qui gère les conséquences de l'accident de Tchernobyl.
 En 2000, je suis devenue chef de ce département.

Puis, en 2004, j'ai quitté ce Comité pour devenir coordinatrice du nouveau programme CORE.

 « Vous avez dit Tchernobyl ? »

Au moment de l'accident, en 1986, j'étais étudiante à Minsk, je n'ai rien su, il n'y a pas eu d'informations, seulement de vagues rumeurs. Au début des années 1990, on a commencé à entendre parler d'une contamination au Sud du pays et en Ukraine. Mais ce n'est qu'en intégrant le Comité Tchernobyl, en 1992, que j'ai découvert qu'une catastrophe s'était produite, 6 ans plus tôt, à la centrale nucléaire de Tchernobyl.

 Plongée dans la réalité

A l'époque où je suis entrée au Comité, la République du Bélarus venait de voir le jour, et la coopération internationale commençait tout juste à se mettre en place. Et moi, ce qui m'intéressait, plus que la question de Tchernobyl, c'était d'organiser cette coopération internationale. Nous n'allions jamais sur le terrain. La collecte des informations, le traitement statistique, les rencontres entre experts nationaux et internationaux, tout se passait à Minsk ou à Gomel, au niveau des laboratoires et des instituts de recherche.

C'est en 1996, à l'occasion du projet Ethos, que j'ai eu l'occasion pour la première fois, de me rendre dans les villages, en territoires contaminés. Et c'est seulement à ce moment-là, en visitant les territoires, en rencontrant des habitants, que j'ai pris conscience de l'ampleur de la catastrophe et de ses conséquences pour notre pays, mais aussi pour le reste du monde.

 La dimension humaine

Par la suite, je suis retournée assez régulièrement dans ces territoires. Et j'ai commencé à appréhender le problème, non seulement sous son aspect technique, mais aussi dans sa dimension humaine. L'État, à cette époque, continuait d'investir des budgets considérables pour limiter l'impact de la radioactivité, améliorer la situation des 1,3 million d'habitants vivant dans les territoires contaminés au Bélarus. Mais ces populations, qui vivaient avec la contamination au quotidien, avec leurs certitudes et leurs inquiétudes, demeuraient très isolées, souvent enfermées dans leurs statuts de victimes de la catastrophe. Tous les efforts pour améliorer leurs situations se déployaient sans les impliquer directement dans la compréhension du risque radiologique et des moyens pour le réduire.

Face à ce constat, les responsables du Comité Tchernobyl ont alors décidé d'organiser autrement la coopération internationale, en invitant des représentants des organismes internationaux à se rendre dans les territoires contaminés. En 1999, nous y avons organisé une première visite des ambassadeurs des pays européens, puis deux autres dans les années qui ont suivi. Pour les habitants, ces visites ont représenté des événements très importants. Il ne s'agissait pas encore d'assistance, mais déjà de solidarité.

 Engagement dans le programme CORE

Au cours des 2 dernières années que j'ai passées au sein du Comité Tchernobyl, j'ai été nommée coordinatrice pour la préparation d'un nouveau programme international de « coopération pour la réhabilitation ». Ceci nous a amenés à parcourir les territoires, à organiser des réunions avec les habitants dans les villages et à mener des consultations pour réfléchir avec eux sur les moyens d'agir ensemble pour améliorer leur quotidien et imaginer le futur. Et les gens nous disaient : « La réhabilitation des conditions de vie dans les territoires ? C'est notre affaire et nous sommes prêts à y participer. Merci pour l'espoir ! ». C'est cette attente, cette espérance et la conscience de la gravité de la situation sanitaire, économique et sociale des populations des territoires contaminés qui m'ont poussée à en faire plus et à m'engager dans le programme CORE.

 Regard sur 15 années d'action

Je me suis donc trouvée, pendant 15 ans, au coeur du dispositif de prise en charge des conséquences de l'accident de Tchernobyl. Je me garderais bien de porter un jugement, d'autant que je ne suis pas scientifique, sur les mesures qui ont été prises, sur les actions qui ont été engagées.

Nous avons dû faire face à un événement inhabituel, inattendu, d'une ampleur considérable : 23% du territoire sont touchés, 1,3 million d'habitants sur 9,5 millions sont concernés par la contamination. C'est un problème national, que nous devrons gérer à long terme. Confrontées à l'accident, les autorités ont cherché à faire au mieux et l'on peut comprendre qu'il y ait eu des tâtonnements, des ratés, des mesures parfois contradictoires. L'Etat a fait d'énormes efforts, et consacre jusqu'à plus de 10% de son budget pour réduire l'impact de la catastrophe sur l'environnement, l'économie, la santé des populations : distribution de nourriture propre aux enfants, envoi des enfants en sanatoriums, décontamination des sites, contre- mesures agricoles.

Mais ces actions ont leurs limites : si l'on édicte des règles, mais qu'elles ne sont pas suivies par les habitants, elles ne sont d'aucune efficacité. Ce qui importe aujourd'hui, c'est de susciter l'engagement des gens, leur propre implication dans le processus de réhabilitation de leurs conditions de vie, en étant à leur écoute, en essayant avec eux de cerner les problèmes et de dégager des leviers pour l'action.