Exposition externe de travailleurs lors d’une greffe de foie réalisée deux jours après un acte de radio-embolisation hépatique avec administration de microsphères marquées à l’yttrium-90

Publié le 18/10/2022

Hôpital universitaire Pitié Salpêtrière 75013 Paris

Le 26 juillet 2022, l’hôpital universitaire Pitié Salpêtrière, situé à Paris 13ème, a déclaré à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif concernant la radioprotection, suite à l’exposition de travailleurs dans une salle d’un bloc opératoire au cours d’une greffe de foie réalisée chez un patient qui avait bénéficié deux jours auparavant d’une radio-embolisation hépatique avec administration de microsphères marquées à l’yttrium-90.

Les microsphères marquées à l’yttrium-90 sont utilisées dans les services de médecine nucléaire pour le traitement des patients souffrant de cancers hépatiques ou de métastases hépatiques ; leur administration aux patients est cependant réalisée au sein des services de radiologie interventionnelle. L’yttrium-90, émettant des rayonnements peu pénétrants, irradie les cellules cancéreuses in situ.

Les travailleurs susceptibles d’être exposés dans le cadre de leur activité professionnelle aux rayonnements ionisants font l’objet d’un suivi dosimétrique et médical spécifique ; c’est notamment le cas pour le personnel hospitalier travaillant dans des services où sont mises en œuvre des activités nucléaires médicales. La réglementation fixe des valeurs limites annuelles pour la dose reçue.

Dans l’événement considéré ici, plusieurs intervenants ont été exposés aux rayonnements émis par les microsphères encore présentes dans le foie du patient au moment de l’opération de greffe et de ses suites ; c’est notamment le cas des chirurgiens, mais également des personnels en charge du transfert et des analyses anatomo-pathologiques. Ces derniers ne disposaient pas de dosimétrie permettant de mesurer de façon précise les doses reçues. Après une première estimation ne concluant à aucun dépassement des limites réglementaires, des calculs plus précis ont été réalisés en tenant compte des mesures de débit de dose au contact du foie radio-embolysé et des conditions d’exposition des travailleurs. Les doses estimées sont supérieures au quart de la valeur limite annuelle réglementaire pour trois chirurgiens qui étaient proches du patient pendant l’intervention.

Par ailleurs, une vérification de l’absence de contamination radiologique des locaux a été réalisée par le conseiller en radioprotection de l’établissement le lendemain de la greffe.

Considérant l’exposition aux rayonnements ionisants de trois travailleurs à une dose supérieure au quart de la valeur limite annuelle réglementaire lors d’une unique exposition, l’ASN classe cet événement au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

L’établissement a averti le service de santé au travail de l’événement et a organisé une réunion du comité de retour d’expérience avec l’ensemble des services concernés pour procéder à l’analyse de la chronologie de l’événement, de ses causes et conséquences. L’analyse de cet incident fait apparaître que c’est la première fois qu’une greffe est possible si rapidement après le traitement de radio-embolisation et cette situation n’avait pas été identifiée dans les évaluations individuelles de l’exposition aux rayonnements ionisants du personnel. Par ailleurs, le service de chirurgie avait bien pris connaissance des comptes rendus d'acte de radio-embolisation formalisés par les services de médecine nucléaire et de radiologie interventionnelle, sans cependant réaliser les conséquences et implications en termes de radioprotection lors de la prise en charge de ce patient. Le service de médecine nucléaire et les conseillers en radioprotection n’ont pas été prévenus en amont de l’intervention afin de mettre en place les mesures de radioprotection adaptées. De plus, le service d'anatomie et cytologie pathologiques n'a pas été informé du risque d'exposition et de contamination.

L’ASN a examiné les actions correctives retenues par l’établissement, telles que l’actualisation des évaluations individuelles de l’exposition aux rayonnements ionisants des travailleurs, la mise en place de consignes de radioprotection pour le personnel du bloc opératoire dont notamment le port des dosimètres lors de la prise en charge d’un patient radio-embolisé ou encore l’ajout dans le compte-rendu d’acte de radio-embolisation du service de médecine nucléaire du délai de non-transplantation en fonction de l'activité administrée, ainsi que du délai à partir duquel aucune précaution spécifique de radioprotection n’est à mettre en œuvre. L’ASN considère que ces mesures correctives sont de nature à limiter les risques de survenue d’un événement similaire. Leur mise en place effective sera vérifiée lors d’une prochaine inspection de l’établissement.

Note complémentaire du 28/11/2022

Dans le dernier paragraphe, la mention du « délai de non-transplantation en fonction de l’activité administrée » doit s’entendre comme le délai durant lequel, selon la quantité de radionucléides injectés et susceptibles d’être à l’origine d’une activité radiologique résiduelle significative des tissus ciblés, des précautions spécifiques de radioprotection doivent être mises en œuvre en cas d’intervention chirurgicale.

Date de la dernière mise à jour : 28/11/2022

Classement de l’incident (INES)

Niveau 1

Anomalie