L’ASN identifie plusieurs axes de progrès concernant le niveau de sûreté des transports de substances radioactives en France et élabore un plan d’action

Publié le 09/07/2013 à 14:55

Note d'information

Éléments de retour d’expérience dans le domaine du transport des substances radioactives en France

L’ASN est chargée depuis 1997 du contrôle de la sûreté des transports de matières radioactives et fissiles à usage civil. L’action de l’ASN dans ce domaine comprend :

  • le contrôle du point de vue de la sûreté de toutes les étapes de la vie d’un colis, de sa conception à sa maintenance, en passant par sa fabrication ;
  • le contrôle du respect de la réglementation relative à la sûreté lors de l’expédition et du transport des colis.

Les colis de substances radioactives transportés en France

Environ 900 000 colis de substances radioactives sont transportés chaque année en France, soit environ 6% du total des colis de marchandises dangereuses transportés.

Ordre de grandeur
du nombre de colis
de transports

Fer

Mer

Mer et Fer

Route

Route et Avion

Route et Fer

Route et Mer

Total
(ordre de grandeur)

Colis agréés par l'ASN

Nombre
de colis

20

50

90000

150

130

1000

90000

Nombre de transports

20

415

58000

70

110

20

60000

Colis non soumis
à agrément
 de l'ASN

Nombre
de colis

390

20

21300

760000

45000

1400

14200

850000

Nombre de transports

30

20

100

542000

1400

460

280

560000

Ordre de grandeur du nombre de colis

3920

20

21350

850000

45150

1530

15200

900000

Ordre de grandeur du nombre de transports

50

20

515

600000

14070

570

300

600000

Estimation du nombre de colis de substances radioactives transportés annuellement

Pour assurer la sûreté des transports, le niveau des exigences applicables aux colis de substances radioactives est adapté au danger potentiel de la matière transportée. On distingue cinq grandes familles de colis : colis exceptés, colis de type industriel, colis de type A, colis de type B, colis de type C. Ces familles (ou « types de colis ») sont déterminées en fonction des caractéristiques de la matière transportée comme l’activité radiologique totale, l’activité spécifique, qui correspond au caractère plus ou moins concentré de la matière, à sa forme physico-chimique ou à l’éventuelle présence de substance radioactive fissile, pouvant être à l’origine d’une réaction nucléaire en chaîne.

 
 

Illustration de la classification des différents types de colis selon l’activité totale et l’activité spécifique
Illustration de la classification des différents types de colis selon l’activité totale et l’activité spécifique

Ainsi, pour chaque famille de colis, la réglementation définit des exigences de sûreté, qui comprennent des épreuves pour évaluer leur robustesse. Ces épreuves sont d'autant plus sévères que les risques potentiels sont élevés. Par exemple, les colis de type B permettant de transporter en quantité les substances parmi les plus radioactives comme les combustibles usés ou les déchets nucléaires vitrifiés de haute activité et à vie longue, doivent être conçus afin de résister à des épreuves sévères telles qu’une chute de 9 m sur une surface indéformable, une chute de chute de 1 m sur un poinçon, un incendie totalement enveloppant de 800°C minimum pendant 30 minutes et une immersion dans l’eau.

Pour transporter les colis présentant le plus de risque, l’expéditeur doit posséder un certificat d’agrément délivré par une autorité compétente (en France, l’ASN) attestant que le modèle de colis respecte les prescriptions de la réglementation internationale applicable. Pour cela, le concepteur de tout nouveau modèle de colis de transport doit démontrer la conformité du colis avec la réglementation dans un « dossier de sûreté » transmis à l’ASN en même temps qu’une demande d’agrément. L’ASN fait alors appel à l’IRSN pour expertiser ce « dossier de sûreté ». C’est sur la base de cette instruction technique que l’ASN prend la décision de délivrer un certificat d’agrément, assorti éventuellement de demandes de compléments à apporter au dossier de sûreté avant la prochaine échéance de renouvellement de l’agrément.

Pour les colis présentant le moins de risques, appelés « colis non soumis à agrément de l’ASN » (colis exceptés, colis industriels et colis de type A non fissiles), la réglementation n’impose pas d’agrément de l’ASN. La conception et la réalisation des épreuves relèvent de la responsabilité du fabricant ou du propriétaire d’emballages. Ceux-ci doivent être en mesure, sur demande de l’ASN, de justifier que le modèle de colis est conforme aux prescriptions applicables. En particulier, une attestation du fabricant ou propriétaire d’emballage indiquant que les spécifications du modèle ont été pleinement respectées pour chaque colis doit être tenue à disposition des inspecteurs de l’ASN. Ces colis et leurs dossiers de démonstration de sûreté sont régulièrement contrôlés lors d’inspections réalisées par l’ASN.

L’ASN dresse un état de la sûreté du transport de substances radioactives

L’ASN a dressé en 2012 un état de la sûreté du transport de substances radioactives à usage civil en France, en s’appuyant sur les rapports d’inspections de l’ASN et sur les événements déclarés par les expéditeurs et les transporteurs entre 2007 et 2011. Sur la base de ces éléments, des axes d’amélioration ont été identifiés pour les différentes étapes[1] du transport de substances radioactives.

Au regard du nombre important de colis transportés, l’ASN considère que le niveau de sûreté des transports de substances radioactives en France est assez satisfaisant. Elle identifie toutefois des axes de progrès concernant les acteurs du transport appartenant à trois domaines : les installations nucléaires de base, le nucléaire de proximité et les sociétés de transport.

Au départ des installations nucléaires de base, la conformité des colis doit être vérifiée avec plus de rigueur

La vérification de la conformité du colis aux exigences de la réglementation et aux dispositions prévues dans le dossier de sûreté du modèle de colis mérite d’être améliorée[2]. En particulier, la conformité des procédures et des modes opératoires à ces exigences doit être mieux assurée et ce à toutes les étapes de la vie du colis, de sa conception et sa préparation jusqu’à la réception du colis. Les moyens organisationnels, humains et matériels nécessaires à la mise en œuvre de ces exigences doivent être suffisants.

La mise en place de procédures et d’outils adaptés, permettant de limiter le risque d’erreur humaine, ainsi que la mise en place de documents plus ergonomiques (document de transport, certificat d’agrément, procédures, etc.) sont des pratiques à développer.

La surveillance des sous-traitants dans le domaine du transport doit être renforcée afin de permettre à l’exploitant de s'assurer que les opérations qu'il réalise, ou que les biens ou services qu'il fournit (emballages par exemple), respectent strictement les exigences définies.

Les différentes inspections chez les fabricants, propriétaires et expéditeurs de « colis non soumis à agrément de l’ASN » montrent que les éléments de démonstration de la conformité des colis à la réglementation sont souvent indisponibles ou incomplets. La justification de la conformité de ces colis à la réglementation est donc à améliorer.

Dans le domaine du nucléaire de proximité, l’ASN relève une mauvaise connaissance de la réglementation applicable aux transports

Les inspecteurs constatent que beaucoup d’expéditeurs, lors des contrôles, n’ont pu présenter aux inspecteurs la preuve de la conformité des expéditions à la réglementation, notamment dans le domaine médical et dans celui de la production de déchets radioactifs de faible activité (effluents de laboratoires de recherche, certaines déchets produits par des industries utilisant des traceurs radioactifs, etc.).

La radioprotection des transporteurs doit être améliorée

La « culture de radioprotection » des transporteurs est insuffisante, notamment chez les transporteurs de colis à usage médical et chez certains transporteurs aériens et maritimes, peu habitués à manipuler des colis contenant des substances radioactives. La rareté des contrôles de contamination des véhicules, l’insuffisance (ou l’absence) de « programmes de protection radiologique » (documents exigés par la réglementation, qui précisent les dispositions prises afin de réduire l’exposition des personnes), l’absence de port du dosimètre en milieu aéroportuaire, l’arrimage insuffisant des colis sont des écarts fréquemment constatés par les inspecteurs lors des contrôles.

D’une manière générale, l’ASN note que, dans tous les domaines, le partage de l’information et du retour d’expérience entre l’ensemble des acteurs du transport, bien qu’en progrès, est encore insuffisant et doit faire l’objet d’un effort renouvelé. Il ne doit pas être limité aux événements significatifs déclarés à l’ASN mais également intégrer les « signaux faibles »[3].

Enfin, la préparation aux situations d’urgence grâce à des exercices « locaux » est une pratique à encourager, compte-tenu des difficultés liées à l’organisation d’exercices de crise à l’échelle nationale.

***

Ces éléments de retour d’expérience ont fait l’objet d’une analyse par l’ASN dont le rapport est disponible en consultation publique sur asn.fr. Ce rapport liste des axes d’amélioration visant à renforcer la sûreté et la radioprotection du transport de substances radioactives, sur la base desquels l’ASN a élaboré un plan d’action ; celui-ci sera développé courant 2013 et 2014.

Compte-tenu du caractère international du transport, les axes d’amélioration identifiés ainsi que le plan d’action mis en œuvre par l’ASN feront l’objet d’une publication ainsi que d’un partage international avec les exploitants et autorités étrangères. En particulier, ce travail sera présenté en août 2013 lors d’un congrès international sur le transport de substances radioactives (PATRAM) qui aura lieu aux Etats-Unis.

En savoir plus

 

[1] Il s’agit entre autres de la préparation des colis, la vérification des emballages (y compris leur fabrication et leur maintenance), la réalisation des tests d’étanchéité, l’élaboration des documents de transport, l’acheminement des colis, l’instruction des demandes d’agrément ou encore la préparation aux situations d’urgence propres au transport des substances radioactives.

[2] En particulier pour les colis de type B, les colis contenant des matières fissiles ou encore contenant de l’UF6.

[3] Un signal faible est une anomalie ou un ensemble d’anomalies de même nature et/ou récurrents, de faible importance mais dont l'analyse préliminaire globale peut amener à déduire des enseignements et des actions susceptibles de prévenir des événements aux conséquences plus graves.

Date de la dernière mise à jour : 03/09/2021