Surexposition d’une cohorte de patients en radiologie conventionnelle
Le 20 décembre 2024, le centre hospitalier de Saint-Brieuc a déclaré à l’ASN un événement significatif concernant la radioprotection, affectant un enfant de 8 ans lors d’une radiographie de l’urètre réalisée le 02 décembre 2024.
Le problème rencontré a été identifié par un radiologue qui a constaté, sur le compte rendu d’acte de radiologie, une dose de rayonnement inhabituellement importante pour ce type d’examen.
Après investigations, les causes de la surexposition observée apparaissent multiples :
- erreur de paramétrage de la table de radiologie APELEM PLATINIUM utilisée depuis 2012 pour réaliser cet examen ;
- démarche insuffisante d’optimisation[1] au sein de l’établissement avec notamment l’absence de report et de contrôle des doses reçues par les patients ;
- défaut de formation et d’habilitation des professionnels pour la réalisation de certains actes radiologiques, dans un contexte de forte rotation des équipes.
Cette table de radiologie est utilisée par le centre hospitalier pour réaliser plusieurs examens radiologiques dynamiques tels que la radiographie de la vessie ou de l’urètre, la radiographie du tube digestif, l’examen du côlon et l’arthroscopie des articulations, pour des enfants comme pour des adultes.
Dès le début de l’année 2025, à la suite de l’identification du problème, le centre hospitalier a recensé les patients et les doses qu’ils ont reçues lors des examens réalisés sur cette table. L’identification des patients par croisement de fichiers et la collecte des doses délivrées ont pris du temps, notamment en raison de l’absence d’automatisation du recueil des doses. De plus, avant l’installation d’un système d’archivage de dose en 2016, la dose reçue par les patients ayant eu des examens entre 2012 et 2016 n’a pas été archivée et n’est donc pas connue.
Le centre hospitalier a également procédé avec son prestataire de physique médicale à une reconstitution de la dose reçue par les patients concernés depuis 2016 afin d’évaluer les éventuels effets à court terme de cette exposition sur les organes les plus sensibles aux rayonnements ionisants. Les résultats de ces reconstitutions dosimétriques produites par le centre hospitalier ont été expertisés par l’ASNR et confirment l’absence d’effets à court terme pour tous les patients. Par ailleurs, le risque d’effets à long terme sur la santé de ces patients par rapport à la population générale peut être qualifié de faible à très faible, selon les critères établis par les dernières publications de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR).
Il en ressort que sur la période 2012-2024, 667 patients dont 451 enfants de moins de 18 ans ont ainsi été exposés à des doses plus élevées que celles constatées habituellement pour ces examens, à l’exclusion des radiographies des articulations qui n’ont pas conduit à des surexpositions.
Le centre hospitalier de Saint-Brieuc a pris des dispositions immédiates après la découverte de l’évènement pour éviter que de telles surexpositions se reproduisent.
Ainsi, en lien avec le prestataire de physique médicale et l’ingénieur d’application de la société en charge de la maintenance, les paramétrages de la table de radiologie ont été modifiés en décembre 2024 et le personnel paramédical a été formé à l’utilisation de cette dernière. Des niveaux de doses ont été déterminés pour servir de référence aux équipes et ainsi permettre de détecter rapidement une éventuelle anomalie lors d‘un examen. Le report automatique des doses dans les comptes rendus d’actes est désormais effectif et permet de vérifier la dose délivrée à chaque patient dans le cadre de la démarche d’optimisation.
D’autres actions doivent être finalisées avant la fin du mois de septembre 2025 comme la formalisation des protocoles adaptés pour chaque examen et pour la prise en charge des personnes à risque incluant notamment les enfants. Le centre hospitalier travaille également à la mise en place d’une démarche d’habilitation pour les personnels médicaux et paramédicaux en imagerie. Enfin, le changement de table de radiologie et l’acquisition d’un système d’archivage et de communication de la dose (Dose Archiving and Communication System - DACS) afin de faciliter l’exploitation automatique des doses sont envisagés.
Le centre hospitalier de Saint-Brieuc, en lien avec les autorités sanitaires, a informé les patients concernés par une surexposition dans le cadre de cet événement.
L’ASNR rappelle la nécessité de procéder, dès l’installation puis tout au long de leur utilisation, à l’optimisation des appareils et à la formation et à l’habilitation des professionnels appelés à les utiliser, en particulier dans un contexte de forte rotation des équipes.
La mise en œuvre du processus d’optimisation par les réalisateurs de l’acte et les manipulateurs d’électroradiologie médicale, en faisant appel à l’expertise des physiciens médicaux constitue une obligation au titre du code de la santé publique (R.1333-68).
L’analyse des contrôles qualité, le recueil régulier des doses délivrées aux patients, la mise en œuvre d’évaluations dosimétriques régulières, l’analyse des résultats de ces évaluations et la comparaison de ces derniers aux niveaux de référence diagnostiques nationaux (NRD), lorsqu’ils existent, sont autant de barrières permettant d’alerter rapidement les équipes sur des dysfonctionnements ou des mauvaises utilisations.
Les réalisateurs de l’acte doivent évaluer régulièrement les doses délivrées aux patients et analyser les actes pratiqués en application du principe d’optimisation, défini à l’article R.1333-61 du code de la santé publique. L’ASNR rappelle que le report par le réalisateur de l’acte d’imagerie de la dose dans le compte rendu d’acte constitue une obligation réglementaire, définie par l’arrêté du 22 septembre 2006.
Cet événement met également en lumière l’intérêt de connecter les appareils de radiologie à un système d’archivage et de communication de la dose (DACS) pour faciliter l’exploitation des doses.
Tous les cinq ans, l’ASNR publie un rapport documentant l’exposition de la population française aux rayonnements ionisants liée aux actes de diagnostic. Son dernier rapport a été publié sur son site internet le 19 mai 2025.
L’ASNR travaille avec les professionnels à la rédaction d’une fiche de retour d’expérience afin de mieux prévenir la survenue de ce type d’événement dans d’autres services. Elle procédera par ailleurs à des actions de contrôle dans les services de radiologie pour vérifier la prise en compte des bonnes pratiques en matière d’optimisation.
L’ASNR rappelle que la principale garantie d’un haut niveau de radioprotection réside dans une culture de radioprotection solide, portée par des professionnels formés, disposant de moyens et d’outils adaptés. Cette culture nécessite d’être régulièrement entretenue afin d’adapter les bonnes pratiques aux nouveaux risques, de maintenir une dynamique performante d’optimisation et de prévenir la répétition des incidents antérieurs.
[1] Le principe d’optimisation est un des trois grands principes liés à la mise en œuvre des rayonnements ionisants dans les activités humaines édictés par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR). Il est ainsi rédigé dans le Code de la Santé Publique : « L'exposition des personnes aux rayonnements ionisants résultant d'une de ces activités ou interventions doit être maintenue au niveau le plus faible qu'il est raisonnablement possible d'atteindre, compte tenu de l'état des techniques, des facteurs économiques et sociaux et, le cas échéant, de l'objectif médical recherché »
Date de la dernière mise à jour : 04/09/2025
Classement de l’incident (INES)
Événement hors échelle