Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

261 Eléments de réflexion sur le risque sanitaire posé par le tritium Cependant, des nuances sont à apporter concernant les études sur le tritium. Tout d’abord, les études dites d’expositions chroniques détaillées dans le rapport s’apparentent plutôt à des études d’expositions aiguës pour lesquelles la contamination se fait dans la majorité des cas par une injection unique d’HTO, ou dans le meilleur des cas par des injections répétées. Ces études sont plus à caractère ‘long terme’ que chronique. En effet, on considère en toxicologie qu’une exposition est dite chronique lorsqu’elle est supérieure à 90 jours. La question de l’EBR reste donc posée pour une exposition chronique pendant plusieurs mois à l’eau tritiée. En outre, aucune donnée n’est disponible pour les formes organiques du tritium, ce qui laisse la question ouverte de l’EBR pour ces différentes formes. Par ailleurs, le pouvoir d’arrêt des électrons augmente à mesure que leur énergie diminue. Corrélativement, les électrons de faible énergie ont des densités d’ionisation supérieures aux électrons de plus forte énergie et aux électrons mis en mouvement par l’interaction des photons X ou γ avec la matière. Ceci va dans le sens d’une efficacité biologique relative du tritium supérieure à celle des photons utilisés comme rayonnement référence dans les expériences d’EBR. Les calculs théoriques de microdosimétrie effectués par Chen [35] prédisent une efficacité biologique plus élevée d’un facteur 1,7 pour le tritium sous forme OBT fixé sur les cibles biologiques, comparé à HTO uniformément réparti dans la cellule. On notera cependant que seule une fraction de l’OBT incorporée (50%) reste sous cette forme une fois dans l’organisme, l’autre partie étant transformée en HTO. Il faut également souligner que la question du choix du rayonnement de référence pour l’évaluation des EBR est une question générale en radiobiologie pour comparer différents types de rayonnements et n’est pas propre au tritium. Au final, il existe donc une grande difficulté pour interpréter les expériences visant à déterminer l’efficacité biologique relative (EBR). Le débat sur la valeur de l’EBR du tritium n’est pas nouveau. En effet, si pour les rayonnements bêta et gamma, le Comité Scientifique pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) recommande une valeur générique de 1 pour l’EBR dans son rapport sur les effets des rayonnements sur les espèces non-humaines10, il considère que le choix de la valeur la plus appropriée pour les bêta de faible énergie (< 10 keV) reste une question ouverte et qu’elle devrait faire l’objet de recherches futures. Sans tenir compte du paramètre ‘débit de dose’, on notera que la moyenne des valeurs d’EBR obtenue pour le tritium par rapport au 60Co est supérieure à 2, et supérieure à 1 par rapport aux rayons X de 250 kVp. Malgré les difficultés d’interprétation, on observe que l’examen des EBR est qualitativement en bon accord avec la microdosimétrie de ces rayonnements et reste une approche robuste étant donné qu’elle intègre expérimentalement l’ensemble des paramètres pertinents (critères biologiques, niveaux de dose, débits de dose, rayonnement de référence). 6 Faut-il revoir le facteur de pondération pour le rayonnement dans le cas du tritium ? 6 1 Etat de la question Le facteur de pondération pour le rayonnement, w R , sert à pondérer la dose absorbée dans les tissus, en fonction de la nature du rayonnement, pour calculer la dose équivalente aux différents tissus ainsi que la dose efficace. La dose efficace est définie pour un individu de référence ; elle ne tient compte ni de l’âge, ni du sexe, ni de l’état de santé, ni de tout autre facteur influençant la radiosensibilité individuelle des personnes exposées. Elle est utilisée comme outil de gestion du risque d’effets stochastiques, pour contrôler la limitation et l’optimisation des doses reçues par les travailleurs ou les membres du public exposés aux rayonnements ionisants. Elle ne doit pas être utilisée pour l’évaluation du risque individuel. C’est pourquoi, les facteurs de pondération pour les rayonnements sont une représentation volontairement simplifiée des différentes efficacités de différents rayonnements à causer des effets stochastiques à faibles doses et faibles débits de dose. D’une façon générale, le facteur de pondération est déterminé principalement à partir de l’efficacité biologique relative (EBR), idéalement sur la base de données d’investigations in vivo relatives aux effets stochastiques, et plus particulièrement des valeurs maximales de l’EBR obtenues à faibles doses et faibles débits de dose. Les valeurs d’EBR issues d’expérimentations in vitro sans relation directe avec la cancérogénèse ne doivent en principe pas être prises en compte. La valeur du facteur de pondération w R actuellement attribuée par la CIPR à tous les photons, y compris les rayonnements X de faibles énergies, ainsi qu’à tous les rayonnements bêta, y compris celui du tritium, est égale à 1 [30]. En réponse au rapport du groupe AGIR qui recommande de modifier cette valeur du w R pour le tritium, la CIPR a expliqué sa position en juin 2008 [26]. Ses principaux arguments pour ne pas modifier la valeur du facteur de pondération du tritium sont les suivants : • l’attribution de la valeur 1 au facteur de pondération w R pour les rayonnements à faible TEL11 dont le tritium est l’une des simplifications qui sont faites dans le système général de radioprotection. Le raffinement des calculs de dose équivalente et de dose efficace n’est pas justifié et pourrait suggérer un niveau de précision plus important que ne le permettent réellement les connaissances actuelles ; • pour des évaluations de risque, les données disponibles sur l’EBR pour le tritium par rapport aux rayonnements gamma suggèrent qu’une valeur de 2 serait plus appropriée pour l’induction de cancers aux faibles doses d’exposition. Cependant, cette conclusion s’appuie sur les résultats d’études cellulaires in vitro, peu informatifs pour ce qui concerne la carcinogénèse in vivo. Des considérations sur la relationqui existe entre l’EBRet leDDREF (cf. §5.1) suggèrent une faible valeur d’EBR du tritium pour l’induction de cancer chez l’homme aux faibles doses et faibles débits de dose. 6 2 Discussion On rappellera les propos de la CIPR [26] : la nature des effets biologiques observés après exposition au tritium chez l’animal et in vitro ne semble pas différente de celle des effets produits par une exposition de l’organisme entier à des rayonnements X et gamma. La question posée est donc celle de la quantification des effets susceptibles d’être produits par le tritium et non pas celle plus large de la nature de ces effets. Cette question doit être examinée en tenant compte de l’objectif visé : • S’agissant d’évaluer le risque individuel dans une situation d’exposition particulière, il est nécessaire d’utiliser au mieux l’ensemble des données disponibles, tant en ce qui concerne l’individu concerné (âge, sexe, paramètres physiologiques et anatomiques) que les caractéristiques de l’exposition (type de rayonnement, dose, débit de dose, durée d’exposition). Ceci est d’autant plus important que le niveau d’exposition considéré est élevé. On peut estimer que les données disponibles, obtenues tant par l’approchemicrodosimétrique que par les études expérimentales sur les effets biologiques en lien avec le cancer, sont cohérentes et tendent à retenir, dans ce contexte, une valeur de l’EBR plutôt de 2 que de 1 pour le tritium lorsque le rayonnement de référence est le rayonnement gamma. 10 Rapport à paraître en 2009 11 Transfert d’énergie linéique

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