Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

260 Eléments de réflexion sur le risque sanitaire posé par le tritium présentent des valeurs comparables à celles de l’HTO dans la plupart des cas, et sont supérieures pour les précurseurs de l’ADN tritiés. Les structures de traces7 indiquent que les ionisations causées par le tritium dans les tissus sont de forte densité et pourraient causer des dommages difficilement réparables. Un des choix faits par le groupe AGIR [2] est d’utiliser les rayonnements gamma de haute énergie plutôt que les rayonnements X comme rayonnement de référence pour les évaluations d’EBR du tritium. Ce choix est guidé principalement par des considérations biophysiques confortées par les résultats d’expérimentations sur les effets respectifs de ces deux types de rayonnement. En effet, ces calculs théoriques associés à des valeurs expérimentales ont montré que les électrons de faible énergie, tels que ceux produits par le tritium, induisent des effets biologiques plus importants que les rayonnements gamma de haute énergie. De façon générale, il a été montré que les valeurs d’EBR calculées pour le tritium étaient supérieures quand le rayonnement de référence utilisé était le rayonnement gamma du 60Co plutôt que le rayonnement X. Le choix des auteurs de ce rapport a donc été de prendre comme rayonnement de référence le rayonnement γdu 60Co. L’approche microdosimétrique montre que l’énergie linéale moyenne8 correspondant à du tritium sous forme OBT lié aux sites cellulaires critiques est en effet environ 1,7 fois supérieure comparée à une forme HTO uniformément répartie dans la cellule, et ce dans une large gamme de dimensions de cibles d’intérêt biologique [35]. L’analyse critique effectuée par les auteurs du rapport AGIR a été faite principalement à partir de données provenant d’études sur modèles animal (rat ou souris), ce qui est le plus pertinent pour estimer un EBR applicable in vivo. Cette analyse est séparée en deux parties, une analyse détaillée à partir de cinq études, et une analyse globale à partir de tableaux de synthèse reprenant de nombreuses publications. Le paramètre biologique le plus souvent pris en compte par les auteurs pour estimer les effets biologiques concerne la carcinogénèse, incluant le cancer du sein, les leucémies et autres cancers solides. D’autres paramètres biologiques relatifs aux effets génétiques ont également été pris en considération, comme l’induction d’aberrations chromosomiques stables et les effets sur la spermatogonie. Enfin, les auteurs se sont attachés à décrire quelques études in vitro, moins pertinentes pour décrire ce qui se passe réellement in vivo, mais dont la très bonne reproductibilité permet toutefois de donner des informations intéressantes. C’est donc une analyse très documentée qui a été faite par les auteurs de ce rapport, car fondée sur plus d’une vingtaine d’articles. De plus, certains EBR ont été calculés pour différents paramètres biologiques lors de la même étude, ce qui permet de faire une analyse comparative de ces EBR en fonction de l’effet biologique mesuré. Quatreétudesdecarcinogénèsetrèscomplètes ontétéplusparticulièrement détaillées : Gragtmans NJ et al., 1984 [36], Johnson JR et al., 1995 [37], Revina VSet al., 1984 [38], Seyama Tet al., 1991 [39]. Les valeurs d’EBR rapportées dans ces études varient dans la gamme de 1,2 à 2,5 avec une valeur correspondant au 97,5 percentile inférieure à 3. Sur la base de ces études, les auteurs du rapport retiennent un EBR de 1,19 (intervalle de confiance CI à 95%, CI95%= 0,88-1,49) par rapport au rayonnement X et de 2,49 (CI95% : 2 – 2,98) par rapport au rayonnement gamma. Cependant les auteurs émettent des réserves sur deux de ces publications, une du fait d’une saturation de l’effet observé dès la plus faible dose [39], l’autre du fait de son rayonnement de référence différent (rayonnement gamma de césium-137) et des fortes doses administrées (25 Gy) [38]. D’autres études expérimentales ont été analysées par le groupe AGIR en considérant d’autres effets biologiques du tritium, notamment l’induction d’aberrations chromosomiques et la formation de micro-noyaux, la contamination ayant été réalisée in vivo (Kozlowski et al., 2001 [40]) ou in vitro (Prosser et al., 1983 [41]). Ces études expérimentales conduisent à des valeurs d’EBR s’échelonnant entre 1,48  et 3,78 en considérant le rayonnement gamma comme référence. Globalement, on peut considérer que les valeurs moyennes d’EBR sont très proches, qu’elles proviennent d’expériences in vivo ou d’expériences in vitro, soit respectivement de 2,19 et 2,26 en sélectionnant les études utilisant le rayonnement gamma comme rayonnement de référence. Ceci conduit les auteurs du rapport à conclure que les études in vitro peuvent être considérées comme donnant de bonnes estimations d’EBR. On notera cependant que les valeurs d’EBR issues de certaines études diffèrent très fortement des valeurs moyennes de la littérature. C’est le cas de l’étude de Vulpis [42] qui trouve une valeur d’EBR de 8 dans le cas d’expériences in vitro. En réalisant une analyse critique plus rigoureuse, fondée sur les études considérées comme optimales, les auteurs concluent, pour une exposition chronique, à des valeurs d’EBR de 2,19 (CI95% : 2,04 – 2,33) par rapport au rayonnement β et de 1,17 (CI95% : 0,96 – 1,39) par rapport au rayonnement X. Par ailleurs, deux phénomènes sont invoqués comme pouvant conduire à un EBR plus important que celui actuellement retenu : la transmutation du tritium en hélium et la présence d’eau tritiée dans l’enveloppe entourant l’ADN. Ces deux aspects sont discutés dans le rapport AGIR. La revue publiée en 1971 par Feinendegen et Bond [43] ne conclut pas à un effet mesurable de cette transmutation, et les auteurs considèrent qu’en tout état de cause, les études expérimentales révèleraient cet effet, s’il se produisait. Pour ce qui concerne l’accumulation de tritium dans l’enveloppe hydratée de l’ADN, les auteurs du rapport concluent que cet effet est peu important, mais qu’il pourrait être un des facteurs responsables d’une augmentation de l’EBR mesurée expérimentalement par rapport aux calculs théoriques. En conclusion, le groupe AGIR met en exergue la grande difficulté d’interprétation des études expérimentales pour la détermination de l’EBR. Ce paramètre dépend du rayonnement pris comme référence mais aussi des autres conditions expérimentales : dose et débit de dose, effet biologique testé. L’évaluation des effets de l’exposition aux rayonnements ionisants à des faibles doses dépend de la façon dont est faite l’extrapolation des fortes aux faibles doses et, par conséquent, de la forme de la relation dose-effet acceptée et finalement de la valeur adoptée pour le DDREF9. 5 2 Discussion On rappellera que les données les plus pertinentes pour estimer les risques résultant d’expositions chroniques à faibles doses sont celles issues d’études de cancérogénèse. A ce titre, le rapport écrit par le groupe AGIR est de très bonne qualité et la démarche suivie par ses auteurs pour évaluer l’efficacité biologique du tritiumest, sur la base des données d’EBR disponibles, la meilleure possible. Lespublicationssurlesquelless’appuientlegroupeAGIRsontnombreuses. A la suite de la parution de ce rapport, une revue a d’ailleurs été publiée par Little et Lambert [44]. Cependant on notera qu’un certain nombre de travaux ne sont pas cités par les auteurs (e.g. travaux de Bathia en Inde [45], Zhuravlev en Russie [46], Geselowitz et al. aux USA [47]…). L’analyse de ce rapport montre que l’EBR du tritium, et plus exactement de l’eau tritiée, est proche de 2,2 lorsque le rayonnement de référence est le rayonnement gamma du 60Co et de 1,4 lorsqu’il s’agit de rayonnement X. Ce résultat n’est pas nouveau en soi et confirme les conclusions avancées précédemment par plusieurs auteurs (e.g. Bigildeev et al., 1992 [48] ; Prestwich et Kwok, 1993 [49]), y compris la CIPR, 1989 [50]). 7 La trace désigne la série des interactions produites dans la matière par la particule tout au long de sa trajectoire 8 L’énergie linéale, exprimée en J.m-1, est le quotient de l’énergie communiquée à la matière dans un volume donné lors d’un événement (de dépôt d’énergie) unique, par la longueur moyenne de corde dans ce volume 9 Le DDREF (Dose and dose rate effectiveness factor) est un paramètre qui rend compte de la forme curvi-linéaire de la relation dose-réponse des rayonnements de faible TEL dont la pente est moindre aux faibles doses et faibles débits qu’aux fortes doses et forts débits.

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