Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

46 Le tritium dans l’environnement Pour l’ensemble des animaux, qui sont des organismes hétérotrophes, la biosynthèse des molécules organiques nécessaires à la constitution des cellules et des tissus ainsi qu’au métabolisme est réalisée à partir de molécules organiques venant de l’alimentation. Toutefois, dans le cas de l’élément hydrogène, donc en particulier du tritium, des échanges permanents ont lieu entre l’eau du milieu ambiant ou de l’eau cellulaire et des atomes d’hydrogène labiles des molécules organiques constituant la matière vivante. Ainsi, on considère depuis longtemps que le tritium peut se trouver sous deux formes dans les organismes vivants (e.g. IAEA, 1981 ; Murphy Jr, 1993 ; Belot et al., 1996) : • le tritium dit libresous forme d’eau tritiée, HTO (en anglais TFWT, tissue free water tritium) qui est défini comme étant le tritium de la fraction extraite de l’échantillon par dessiccation (en général, lyophilisation) ; • le tritium dit organiquement lié (TOL, ou organically bound tritium (OBT) ou tissue-bound-tritium (TBT)), constitué du tritium de la matière sèche et considéré comme lié ou intrinsèquement incorporé aux molécules organiques. Les différences de forces de liaison avec la matière organique conduisent à définir deux sousfractions : le tritium organiquement lié échangeable avec l’eau cellulaire, l’eau ambiante ou la vapeur d’eau non tritiée ; le tritium organiquement lié non échangeable. Le tritium organiquement lié non échangeable correspond à du tritium lié par une liaison covalente forte du type : Le tritium lié échangeable correspond à du tritium associé à un acide organique du type : Dans ce dernier cas, des phénomènes de dissociation ou de réactions acido-basiques favorisent l’échange du tritium avec la solution aqueuse ambiante, qu’elle soit intracellulaire, extracellulaire ou extérieure à l’organisme (vapeur d’eau pour les parties aériennes des organismes terrestres, eau liquide dans le sol ou dans les milieux aquatiques). Néanmoins, divers travaux dont ceux d’une équipe allemande (Baumgärtner and Kim, 2000 ; Baumgärtner et al., 2001 ; Baumgärtner and Donhaerl, 2004) montrent qu’une part importante du tritium OBT non échangeable n’est pas nécessairement liée chimiquement à des atomes de carbone mais peut simplement se trouver fortement bloqué dans les « replis »des polymères de grande taille, comme l’ADN. Deplus, l’hydrogèneorganiqueéchangeablefaitpartiededifférentesmoléculesqui ontdescinétiquesd’échangevariablesavecl’hydrogèneenvironnemental et qui sont donc susceptibles de réagir plus ou moins et plus ou moins vite, selon le protocole utilisé préalablement à la mesure (Pointurier et al., 2004). Des recherches sont en cours depuis plusieurs années pour modéliser et quantifier la réactivité chimique de groupes fonctionnels aromatiques présents dans de nombreux composés par rapport à l’incorporation d’un atome de tritium contre un atome d’hydrogène (T-for-H exchange), en particulier à l’Université de Niigata au Japon (e.g., Imaizumi et al., 1999) mais ces travaux restent encore au stade de recherche fondamentale. Par ailleurs, il convient de souligner que l’appellation tritium organique non échangeable s’entend pour des échelles de temps limitées par la cinétique de renouvellement des constituants organiques des organismes, laquelle est inférieure à la durée de vie des organismes 1. En particulier, le catabolisme cellulaire (processus biologiques de destruction des molécules organiques) et la respiration conduisent à la production d’eau, le cas échéant tritiée, rejetée dans l’environnement. Ainsi, en toute rigueur, le tritium, même incorporé dans les molécules organiques est donc toujours potentiellement échangeable. Ces processus d’échange à cinétique relativement lente peuvent encore être ralentis, voire bloqués après la mort des organismes, permettant une certaine rémanence du tritium dans des molécules organiques dans les sols ou dans les sédiments. Les formes sous lesquelles se trouve le tritium dans la matière vivante, végétale et animale, font encore l’objet de recherches. Il est constaté que leurs définitions sont souvent associées aux protocoles permettant leur caractérisation et ne sont pas toujours le reflet exact de leur spéciation sensu stricto. Par exemple, la distinction entre tritium organiquement lié échangeableet tritiumorganiquement lié non échangeable est souvent faite en utilisant un protocole d’échange du tritium labile avec de l’eau liquide ou de la vapeur non tritiée : le tritium de l’eau récupérée après l’échange est alors considéré comme échangeable et le tritium restant dans le résidu est considéré comme non échangeable (Pointurier et al., 2003 ; Pointurier et al., 2004 ; Baglan et al., 2005). Selon les laboratoires ou les auteurs de publications, le « tritium OBT » peut signifier soit la totalité du tritium organiquement lié, soit uniquement sa fraction non échangeable, ce qui rend parfois difficile les comparaisons des résultats des différents auteurs. Les résultats expérimentaux ou de mesures in situ sont à examiner en fonction des protocoles de traitement des échantillons car il reste encore d’usage fréquent de considérer que le « tritium OBT » est celui de la matière sèche, donc le tritium organiquement lié total (souvent pour des raisons pratiques de moindre difficulté de mesure). 2 2 3 Notions de bioaccumulation, de bioamplification et de rémanence L’étude du tritium dans l’environnement repose sur la quantification de la proportion d’atomes de tritium par rapport à l’ensemble des atomes d’hydrogène présents dans l’échantillon analysé, exprimée : • soit en « unité tritium » (UT), représentant une proportion d’un atome de tritium pour 1018 atomes d’hydrogène, soit l’équivalent d’une activité volumique dans l’eau de 0,118 Bq/L ; • soit en concentration volumique dans l’eau, représentant la proportion de molécules d’eau tritiée (HTO) parmi l’ensemble des molécules d’eau (H 2 O). Cette dernière grandeur est également utilisée pour le tritium organiquement lié, compte tenu des techniques analytiques mises en œuvre pour mesurer le tritium, conduisant à mettre l’hydrogène (donc le tritium) de l’échantillon sous forme aqueuse (cf. §4). En pratique, il est possible de comparer les concentrations du tritium sous des formes moléculaires différentes (HTO vapeur, HTO liquide, OBT échangeable, OBT non échangeable) en les exprimant en termes d’activité de tritium par litre d’eau (Bq/L). Compte tenu de la forte mobilité du tritium évoquée précédemment, que ce soit sous forme aqueuse ou dans les processus biologiques, on s’attend à observer une mise à l’équilibre rapide des concentrations de tritium dans différents compartiments en interface. En fait, comme on le verra dans les chapitres suivants, ce n’est pas toujours le cas. En l’occurrence, lorsque des concentrations de tritium plus élevées sont observées dans des organismes vivants par rapport à leur milieu ambiant, il convient d’évaluer la possibilité d’une bioaccumulation, voire d’une bioamplification. D’une manière générale, la bioaccumulation, également appelée bioconcentration, désigne un phénomène d’accumulation progressive d’un contaminant ou d’une substance toxique dans un organisme, provenant de diverses sources, y compris l’atmosphère, l’eau et les aliments. La bioaccumulation définit ainsi la capacité de rétention par des matériaux vivants de composés divers qui s’accumulent jusqu’à une certaine quantité. En complément, la bioamplification désigne 1 Par exemple, pour l’homme la durée de vie maximale de la plupart des cellules est de 15 ans environ (Spalding et al., 2005).

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