Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

236 Point de vue de l’IRSN sur les questions clés et sur les pistes de recherche et de développement le tritium organiquement lié dans ces organismes et le tritium libre du milieu aquatique sont dès lors nettement supérieurs à 1, mais ne correspondent pas à une bioaccumulation. L’usage de facteurs de concentration doit donc être fait avec prudence. Il s’agit d’indicateurs qui, lorsqu’ils s’écartent significativement de 1, doivent inciter à approfondir les études afin de mieux comprendre les mécanismes de transfert et de spéciation du tritium. En aucune façon ils ne doivent être assimilés à un facteur de bioaccumulation. Rares sont les études et les données permettant de caractériser correctement la rémanence du tritium ; dans le contexte d’une controverse au sujet d’une possible bioaccumulation de tritium, l’IRSN estime qu’il est utile d’entreprendre des études permettant de mieux apprécier la rémanence du tritium : • dans les végétaux, grâce au développement de mesures du tritium libre et du tritium organiquement lié, avec des limites de détection adaptées à la gamme des valeurs d’activité du tritium dans l’environnement ; • dans les organismes aquatiques, en s’intéressant particulièrement à la spéciation du tritium dans les milieux de vie et au tritium fixé aux substances constituant l’alimentation de ces organismes. Ces connaissances plus précises sur la rémanence du tritium et sur les mécanismes et paramètres associés permettront alors d’améliorer la modélisation du comportement du tritium dans les écosystèmes, en particulier : • pour modéliser la fraction du tritium qui se retrouve incorporée ou piégée dans la matière organique lors de la photosynthèse : actuellement, les paramètres nécessaires à la prédiction précise des transferts restent rares et surtout éparses, en particulier pour des rejets ponctuels. La très grande variabilité du comportement du tritium en fonction de la durée des expositions des organismes au tritium et des paramètres environnementaux (humidité de l’air, état hydrique du végétal, jour/nuit, durée du rejet...) fait que chaque résultat d’essai donne des valeurs de paramètres spécifiques des conditions dans lesquelles a eu lieu l’expérimentation et donc difficilement généralisables. Ainsi, l’IRSN a entrepris de suivre, sur un cycle de trois ans, un écosystème prairial simplifié exposé aux rejets atmosphériques d’effluents tritiés de l’usine AREVA NC à La Hague. Ce suivi permettra de constituer une série de mesures sur la dynamique du tritium atmosphérique et du tritium libre et organiquement lié dans les principaux compartiments de l’écosystème constitué par le sol, la solution du sol et l’herbe ; les résultats seront ensuite utilisés pour améliorer la modélisation de la dynamique du tritium dans ce type d’écosystème terrestre ; • pour compléter la modélisation du tritium en milieu aquatique, qui à ce jour ne tient compte principalement que des mécanismes de transport, de diffusion et de dispersion, et ce uniquement pour l’eau tritiée (HTO) de la colonne d’eau. Les interactions aux interfaces (air et sédiment) ainsi que la conversion de l’eau tritiée en tritium organiquement lié sont généralement ignorées, sans que leur importance soit véritablement connue. Concernant les transferts de tritium aux organismes aquatiques, la plupart des modèles disponibles reposent sur une approche d’équilibre isotopique, pour laquelle il a été prouvé qu’elle était généralement satisfaisante pour le tritium libre des tissus. La modélisation des concentrations de tritium organiquement lié dans les organismes aquatiques, moins répandue, est abordée de manière plus variable, avec parfois des approches dynamiques tenant compte des processus physiologiques. Ce sont d’ailleurs ces modèles qui donnent les résultats les plus proches des valeurs mesurées, lors des comparaisons modèles-mesures. Ils demandent cependant encore à être améliorés et validés. Dans ce contexte, l’IRSN prévoit d’entreprendre, à moyen terme, une série d’expérimentations en milieu contrôlé de façon à acquérir les données de base pour établir une modélisation plus avancée, tenant compte de la dynamique de rétention et d’élimination du tritium sous forme HTO et OBT. Pour cela, l’IRSN propose de s’intéresser au devenir du tritium au sein de modèles biologiques clefs dans la structure et le fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Ces développements devraient renforcer la capacité des modèles à prévoir la rémanence du tritium dans certains compartiments de l’environnement et, par conséquent, amélioreront la robustesse des expertises menées sur l’impact du tritium dans l’environnement. 4 La connaissance des risques dus au tritium incorporé par les organismes vivants est-elle suffisante ? Il s’agit d’une question qui touche à la fois l’évaluation du risque pour la santé de l’homme exposé au tritium (cf. rapport IRSN/DRPH -2009-18) et celle du risque pour les écosystèmes en présence de tritium. Il convient de rappeler que le tritium est un radionucléide émetteur bêta pur, avec une énergie de rayonnement faible (5,7 keV enmoyenne), d’où un faible pouvoir pénétrant (parcours libre moyen dans l’eau inférieur à 1 µm). Dans ces conditions, le tritium n’entraîne généralement pas de risque d’irradiation externe lorsqu’il est dispersé dans l’environnement, sauf éventuellement pour les organismes unicellulaires de petite taille, et la question de ses effets biologiques ne se pose que lorsqu’il est incorporé par des organismes vivants, végétaux ou animaux. Le tritiumétant un isotope radioactif de l’élément hydrogène, constituant majeur de la matière vivante, la question de ses effets sur les organismes vivants se pose de manière particulière lorsqu’il est lié à des molécules organiques, notamment lorsque celles-ci sont constitutives de l’ADNqui est une cible privilégiée des effets délétères des rayonnements ionisants. Trois aspects sont plus particulièrement discutés ci-après, dans le contexte de l’évaluation des risques du tritium pour les écosystèmes : • l’influence de la spéciation du tritium sur l’évaluation des doses reçues par les organismes vivants ; • les connaissances sur les effets nocifs du tritium et les relations exposition-effets ; • l’efficacité biologique relative du rayonnement émis par le tritium. 4 1 Prise en compte de la spéciation du tritium pour l’évaluation des doses reçues par les organismes vivants La rémanence du tritium incorporé dans les organismes dépend fortement de la forme chimique de celui-ci – libre (HTO) ou organiquement lié (OBT) - au moment de son incorporation. Ainsi, chez les mammifères, la période biologique du tritium est en moyenne de 10 jours pour l’eau tritiée et peut varier de quelques jours à plusieurs années pour le tritium organiquement lié, en fonction du caractère labile des atomes d’hydrogène auxquels il se substitue dans les molécules organiques et de la durée de vie de celles-ci. Ainsi, selon les auteurs du rapport du groupe AGIR5, de nombreuses données tant animales qu’humaines suggèrent que l’élimination du tritium de l’organisme pourrait se faire en fonction de trois paramètres : le premier est relatif au tritium de l’eau corporelle ; le deuxième correspondant à la fraction de tritium liée à des composés organiques des tissus ; le troisième correspond à la fraction de tritium incorporée dans des composants structurels à faible taux de renouvellement. Ces paramètres déterminent une rémanence plus ou moins longue du tritium incorporé. L’approche actuellement retenue pour évaluer l’exposition des organismes vivants au tritium présent dans leur environnement consiste à décrire les écosystèmes de manière simplifiée pour représenter la distribution du radionucléide au sein des habitats et les voies correspondantes 5 AGIR. Review of risks from tritium. Report of the Independent Advisory Group on Ionising Radiation. Health Protection Agency (2007)

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