Contrôle n°201

DÉCEMBRE 2016 | N° 201 | CONTRÔLE 63 Contrôle : comment le musée d’Orsay est-il préparé à la gestion du risque inondation ? Philippe Gomas : au musée d’Orsay, nous nous intéressons à l’impact d’une crue de la Seine depuis plus de dix ans. Dès cette époque, nous avons mis en place notre Plan de protection contre les inon- dations (PPCI). Remis à jour tous les ans, il définit nos dispositifs de préven- tion et de sauvegarde. Outre la mise en place d’indicateurs de veille (suivi des bulletins météorologiques, contrôle des installations…), il précise les actions à enclencher en fonction de la montée du niveau de l’eau. Ainsi, à une hauteur de 5,50 m à l’échelle d’Austerlitz, la cellule de crise est activée, le musée est fermé au public, la pose de batardeaux pour retarder l’arrivée de l’eau est effectuée… De plus, depuis deux ans, le PPCI prévoit l’organisation d’exercices. Ainsi, en 2015, nous avons mené un exercice de démé- nagement des œuvres. Des formations pluriannuelles sont organisées pour les agents du musée pour s’assurer du respect des bonnes pratiques dans la manipula- tion des œuvres. Qu’a représenté l’exercice EU Sequana 2016 pour le musée d’Orsay ? Vu la proximité du musée avec la Seine, il était impensable de ne pas y partici- per. Nous avons été intégrés en amont dans de nombreuses réunions prépara- toires. Sur la base du scénario trans- mis, nous avons joué le jeu pendant une journée en période de montée des eaux. Nous avons mis en place notre cellule de crise et décidé de tester notre mode de communication avec la cellule opé- rationnelle interministérielle où siègent les hauts fonctionnaires de défense et de sécurité. Confinée dans une salle, la cel- lule de crise, composée de l’équipe diri- geante du musée, suivait sur des écrans géants toutes les sources d’informa- tion : Vigiecrues, chaînes télé, site de la préfecture de police…Une ligne télépho- nique dédiée nous permettait d’échanger avec le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de la Culture. Celui-ci assurait la communication et la coordination avec d’autres établisse- ments. Il s’informait des décisions que nous prenions et les suivait. En parallèle, nous avons testé des équipements tech- niques : l’installation des batardeaux au niveau des accès du musée par le déta- chement de pompiers à demeure dans le musée, et la mise en marche de nos groupes électrogènes. Les autres jours de l’exercice, deux personnes du musée assu- raient le suivi des données. Au total, une trentaine de personnes a été mobilisée. Quels enseignements avez-vous tirés de cet exercice ? Le bilan a été très positif. Les actions engagées ont validé l’efficacité de nos ins- tallations techniques. Comme l’exercice dépassait le cadre de Paris intra-muros, il nous a apporté un regard plus large sur la gestion d’une crue majeure. Il nous a aussi permis d’identifier des progrès potentiels. Une de nos problématiques est de disposer des ressources internes nécessaires pour mettre en œuvre le plan en cas de crise. Nous sommes donc en train de consolider notre mode de com- munication avec nos agents par l’envoi de SMS groupés avec des consignes courtes et directes : « venez », « ne venez pas », « informez-vous », etc. Quel a été l’impact de la crue de juin 2016 ? Dans la gestion de la crue, il faut tenir compte du stress, un facteur absent lors de l’exercice. En juin, celui-ci était généré par les informations reçues qui indi- quaient une montée des eaux très rapide. Jeudi 2 juin, le niveau de la Seine avait dépassé la barre des 5 m. Des infiltrations liées à la montée des eaux de la nappe phréatique ont été repérées dans nos sous-sols. La cellule de crise a fonctionné 24 h/24 pendant cinq jours. La nocturne du 3 juin a été annulée et les portes du musée fermées jusqu’au mardi 7 juin. À titre préventif, le déplacement d’un nombre considérable d’œuvres stockées dans les réserves a été décidé. L’ orga- nisation de cette opération s’est révélée optimale. Nous nous sommes appuyés sur notre plan et sur l’aide d’un grand nombre d’agents volontaires. L’ infor- mation au public était un point clé du dispositif. Nous avons pu vérifier le bon déploiement des messages via les médias, mais aussi notre site Internet, les réseaux sociaux, les messages affichés. Quelles pistes d’amélioration souhaitez-vous activer dans la gestion d’une crue majeure ? En juin, nous avons agi en totale auto- nomie, sans lien avec la cellule inter- ministérielle présente lors de l’exercice EU Sequana 2016. Une communication existait entre l’administration générale du musée et le ministère de la Culture. De même, il nous semble important de mieux communiquer avec la SNCF. L’ inonda- tion de la station RER musée d’Orsay aurait des conséquences sur notre bâti. Nous souhaitons rencontrer nos homolo- gues chez eux pour dialoguer à ce sujet. Un autre volet d’optimisation concerne la formation des cadres. Dans le cadre du plan Vigipirate, une formation à la gestion de crise leur a été dispensée en 2016 avec l’Institut des hautes études de défense nationale. Un programme dédié à la crise inondation nous semblerait inté- ressant. Même dans un établissement imprégné de la culture du risque, il est important de s’assurer de l’efficacité des process. Philippe Gomas, chef du département maintenance et sécurité à l’administration générale du musée d’Orsay © ROUGE VIF

RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=