Contrôle n°201

CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 64 L e texte suivant s’appuie sur l’ou- vrage La gestion de crise à l’épreuve de l’exercice EU Sequana 2016, qui paraîtra aux éditions de la Documentation française en janvier 2017. Comme pour réaffirmer a posteriori l’im- portance de stimuler la préparation des acteurs de la gestion de crise par des exer- cices, la Seine a connu, trois mois à peine après la fin de l’exercice EU Sequana 2016, un épisode de crue majeure. Certains de ses affluents – le Loing, en particulier – ont même atteint des niveaux records, engendrant des conséquences locales dramatiques. Si, pour autant, le niveau de la Seine n’a pas été à la hauteur d’une crue centennale telle qu’elle a pu être jouée lors de l’exercice, la Seine est néan- moins montée au printemps 2016 à un niveau non atteint depuis 1982. Ainsi, en quelques mois, la succession très rapide des deux événements majeurs, exercice et crue réelle, a permis de mieux mettre en évidence les apports et les faiblesses de l’exercice par rapport à la crue réelle. En d’autres termes, si Sequana était l’exercice, la crue en était-elle le corrigé ? Le déroulé de la crue a confirmé de nombreux aspects du scénario qui a été déroulé lors de l’exercice (évacuations diverses, hébergement d’urgence, mise en place de barrages antipollution etc.). On observe cependant des divergences dans deux grands domaines : celui du contexte météorologique dans lequel survient la crue et celui des temporalités de la crue. Tout d’abord, le portrait-robot de la crue centennale de la Seine est celui d’une crue d’hiver, favorisée par la glaciation des sols, ou printanière, par la fonte du manteau neigeux. La période à risque s’étend donc habituellement de novembre à avril. La crue de l’été 2016 contraste avec le scé- nario hydraulique sur lequel était fondé l’exercice EU Sequana. Sans remettre en cause la vraisemblance du scénario, cette différence entre exercice et crise réelle rap- pelle par exemple la part d’imprévu qui subsiste dans toute crise réelle. Par ailleurs, outre la période de surve- nue atypique de cette crue, sa cinétique s’est également avérée plus rapide que ce qui avait été joué quelques mois plus tôt, la montée de l’eau atteignant environ un mètre par jour contre 50 cm dans le scé- nario de l’exercice. Pourtant, au-delà de ces quelques dissem- blances, il est indéniable que l’exercice Sequana a permis un entraînement pra- tique incontournable. On peut même aller plus loin et avancer le fait que l’exercice, bien qu’il ne préfigurera jamais une réa- lité donnée à un moment T, permet aussi de poser des questions d’ordre politique. Par exemple, faut-il faire fonctionner les infrastructures de transport ferroviaire jusqu’au dernier moment pour faciliter l’évacuation de la métropole et maintenir l’activité économique au risque d’aggra- ver le coût des dommages et le temps de remise en service ? Faut-il au contraire décider d’interrompre plus tôt la circu- lation pour permettre une reprise plus rapide du service en phase de décrue, et dans ce cas, accepter de perturber un peu plus la vie socio-économique ? Dans le premier cas, qui de l’État ou des opé- rateurs de transports en assume la res- ponsabilité et le risque financier associé ? L’ exercice permet donc, par la mise en situation des acteurs impliqués, d’indiquer des pistes de réflexion à approfondir, sans que cela ne nécessite pour autant une similitude parfaite entre scénario de l’exercice et réalité de la crue. L’ indétermination du réel ne doit donc pas être un obstacle à la préparation à la gestion de crise : ce n’est pas parce que l’on ne peut pas tout prévoir que l’on ne peut pas se former et surtout que l’on peut se dispenser de réduire, par ailleurs, une certaine part d’inconnu à travers la pra- tique régulière d’exercices. Ce constat pose néanmoins d’autres ques- tions. Tout d’abord, il invite à imaginer des exercices complémentaires, donnant la possibilité de s’entraîner à répondre à ces questions d’ordre politique, et dont le format comme la fréquence seraient pro- portionnés aux ressources que les acteurs peuvent se permettre d’y consacrer. Mais au-delà de la répétition d’exercices, la priorité consiste maintenant à s’assurer que les conclusions de chaque exercice soient transformées en avancées concrètes sur le plan opérationnel. SI SEQUANA ÉTAIT L’EXERCICE, LA CRUE EN ÉTAIT-ELLE LE CORRIGÉ ? Par Jonathan Fayeton, pilote de l’équipe de recherche Euridice 1 , doctorant, LATTS 2 , École des ponts Paris Tech et Servane Gueben-Venière post-doctorante, LATTS, Labex Futurs Urbains, université Paris-Est © DR © ENCRIER © DR 1. Euridice rassemble plusieurs laboratoires de recherche sur la gestion des risques, des crises et des événements majeurs. 2. Laboratoire techniques, territoires et sociétés - unité de recherche de l’université Paris-Est Marne-la-Vallée. RETOUR D’EXPÉRIENCE Les exercices de crise

RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=