Contrôle n°201

CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 10 par le Gouvernement et de l’autre par les habitants ou les municipalités. Enfin, l’implication des habitants et le développement de leur capacité d’action (empowerment) soulèvent des questions éthiques quant au rôle des autorités et des experts. Il est nécessaire à la fois de ne pas abandonner les gens à eux- mêmes et de veiller au respect de leur liberté de choix sans les manipuler de quelque manière. Des pistes pour poursuivre la réflexion du Codirpa Les paragraphes suivants présentent quelques pistes de réflexion pour les dif- férents éléments de doctrine du Codirpa pour la gestion du long terme. L’accompagnement des personnes qui ont décidé de rester Le point marquant dans la gestion post-accidentelle au Japon concerne l’adoption d’une politique de retour des populations. Et au moment où les ordres d’évacuation sont progressive- ment levés sur de nombreux territoires, une des questions centrales est celle de l’effectivité de ce retour cinq ans après l’accident. Une analyse est actuellement engagée par l’IRSN et le CEPN afin de mieux cerner les modalités permet- tant d’accompagner les habitants et les communautés locales dans leur choix (retourner ou non) et les autorités locales dans la préparation et l’organisation des services locaux. Le suivi de la situation radiologique Les difficultés rencontrées dans la ges- tion post-Fukushima quant à l’évolution du zonage au cours du temps montrent l’importance d’une visibilité, dès le début, de la dynamique temporelle et des objec- tifs radiologiques associés à chaque étape. Comme souligné précédemment, l’accès aux dosimètres individuels a été large- ment développé. En particulier, ces dosi- mètres sont actuellement utilisés dans les zones ayant été évacuées afin de per- mettre une estimation des doses que rece- vront les habitants en cas de retour. Les modalités d’accompagnement par les experts méritent d’être analysées afin d’en tirer des enseignements. Face à la multiplication des mesures réalisées par les individus et les différents organismes, on observe des difficultés pour organiser la compilation des résultats et leur resti- tution aux personnes concernées. L’amélioration de la qualité radiologique des produits agricoles La gestion des productions agricoles mises sur le marché fait l’objet d’un contrôle très strict. La grande majorité des produits présente de ce fait une contamination inférieure au seuil de détection des appareils de mesure utili- sés. Outre les spécificités des terrains et des cultures concernés, ces résultats sont liés notamment à un recours important aux engrais chargés en potassium pour limiter l’absorption du césium. De plus, de nombreux terrains restent interdits à la culture dans les zones proches de la centrale accidentée. Il importera de suivre les évolutions dans les prochaines années en particulier avec le retour des populations dans certains territoires et la reprise progressive de l’agriculture privée et de la cueillette des produits de la forêt. Malgré ces résultats, la confiance des consommateurs demeure très fragile, surtout en dehors de la pré- fecture de Fukushima. Il existe des ini- tiatives locales des producteurs et des consommateurs pour revaloriser l’image de marque de leurs produits : accueil des consommateurs à la ferme, organisation de foires pour la promotion des produc- tions de la préfecture de Fukushima… Un premier partage de ce retour d’expé- rience a été mené dans le cadre du projet de recherche européen PREPARE auquel ont participé l’IRSN et le CEPN. Le suivi radiologique, médical et épidémiologique des personnes Compte tenu de la qualité radiologique des produits, les mesures d’anthropo- radiamétrie qui permettent d’évaluer la contamination interne des personnes sont quasiment toutes en dessous du seuil de détection. Dans ce contexte, il importe de préserver une organisation de la vigi- lance sur le long terme, plus particulière- ment avec le retour des populations dans des zones où l’environnement forestier notamment peut être plus contaminé. Il ressort un besoin de penser l’accompa- gnement médical dans une perspective globale de santé publique et d’amélio- ration des conditions de vie pour l’en- semble des personnes ayant été affectées par l’accident, y compris les personnes évacuées dans d’autres préfectures (une analyse est en cours dans le cadre du pro- jet de recherche européen SHAMISEN mené en coopération avec l’université médicale de Fukushima). En particulier, des interrogations persistent au sein de la population quant aux effets possibles à long terme pour la santé des enfants, ce qui a conduit au développement d’un suivi particulier de la contamination interne pour les nourrissons à l’aide d’un appareil dédié : le BABYSCAN. Le maintien et le redéploiement de l’activité économique des territoires Depuis l’accident, les différents acteurs locaux et nationaux ont engagé un tra- vail en profondeur pour restaurer les infrastructures affectées par le tremble- ment de terre et le tsunami mais aussi par l’évacuation des communautés pendant plusieurs années, redéployer les activités économiques et limiter l’impact radiolo- gique sur les productions agricoles. Cependant, de nombreuses questions ont émergé au-delà du volet radiolo- gique, notamment liées à la modification significative de l’activité économique et sociale pour les localités dont l’activité dépendait fortement des installations nucléaires. Dans ce contexte, les méca- nismes de compensation et de soutien économique sont indispensables mais sont parfois source de blocages et de conflits entre les communautés qui per- çoivent ou non des aides. Actuellement, des projets de développement sont portés par les pouvoirs publics mais il manque encore les mécanismes qui permettraient aux acteurs locaux d’obtenir des finan- cements et l’accès à l’expertise afin de développer leurs propres projets dans le contexte nouveau créé par l’accident. Conclusion Les dialogues confirment que la radio- protection doit être au service de la réhabilitation des conditions de vie des populations affectées en mettant l’accent sur la restauration de leur pouvoir d’agir au quotidien et donc de leur dignité, en se focalisant sur la qualité de vie et en respectant les décisions individuelles. Les enseignements obtenus méritent d’être approfondis dans les prochaines années pour mieux comprendre les enjeux des phases de transition et de long terme d’un accident nucléaire. ANALYSE Fukushima, une reconstruction en route

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