Rapport de l'ASN 2017

48 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2017 Chapitre 01  - Les activités nucléaires : rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement Sur la base des synthèses scientifiques du Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR, United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation) , la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) a publié les coefficients de risque de décès par cancer dû aux rayonnements ionisants, soit 4,1 %d’excès de risque par sievert (Sv) pour les travailleurs et 5,5 % par sievert pour la population générale (voir publication CIPR 103, cha- pitre 3, point 1.1.1). L’évaluation du risque de cancer du poumon dû au radon 2 repose sur un grand nombre d’études épidémiologiques, réali- sées directement dans l’habitat, en France et à l’échelle interna- tionale. Elles ont permis de décrire une relation linéaire, même pour des expositions faibles (200 Bq/m 3 ) sur une durée de vingt à trente ans. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) en a fait une synthèse et recommande, pour le public, un niveau d’ex- position annuelle maximale situé entre 100 et 300 Bq/m 3 . La publication 115 de la CIPR a comparé les risques de cancer du poumon observés dans le cadre des études sur les mineurs d’ura- nium avec ceux observés en population générale et a conclu à une très bonne concordance des risques observés dans ces deux conditions d’exposition au radon. Les recommandations de la CIPR confortent celles émises par l’OMS, qui considère que le radon constitue, après le tabac, le facteur le plus important de risque de cancer du poumon. En France métropolitaine, environ 19 millions de personnes, réparties dans près de 9400 communes, sont potentiellement exposées à des concentrations élevées en radon. Selon l’Institut de veille sanitaire (2007), entre 1200 et 2900 décès par can- cer du poumon seraient attribuables chaque année en France à l’exposition domestique au radon, soit entre 4 et 10 % des décès par cancer du poumon (30555 décès, Institut national du cancer – INCa – 2015). À l’initiative de l’ASN, un plan national d’action pour la gestion des risques liés au radon a été mis en place depuis 2004, il est périodiquement réactua- lisé (voir point 3.2.2). 1.3 Les incertitudes scientifiques et la vigilance Les actions menées dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour prévenir les accidents et limiter les nuisances ont permis de réduire les risques sans toutefois les supprimer, qu’il s’agisse par exemple des doses reçues par les travailleurs ou de celles associées aux rejets des INB. De nom- breuses incertitudes subsistent; elles conduisent l’ASN à res- ter attentive aux résultats des travaux scientifiques en cours, en radiobiologie et en radiopathologie par exemple, avec des retombées possibles en radioprotection, notamment en ce qui concerne la gestion des risques liés aux faibles doses. On peut citer, par exemple, plusieurs zones d’incertitudes concernant la radiosensibilité, les effets des faibles doses, l’existence de signatures (mutations spécifiques de l’ADN) qui pourraient être observées dans des cancers radio-induits et certaines maladies non cancéreuses observées dans les suites de radiothérapie. 2 . Le radon est un gaz radioactif naturel, descendant de l’uranium et du thorium, émetteur de particules alpha et classé cancérigène pulmonaire certain par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC). 1.3.1 La radiosensibilité Les effets des rayonnements ionisants sur la santé des personnes varient d’un individu à l’autre. On sait par exemple, depuis que cela a été énoncé pour la première fois par Bergonié et Tribondeau en 1906, que la même dose n’a pas le même effet selon qu’elle est reçue par un enfant en période de croissance ou par un adulte. La variabilité de la radiosensibilité individuelle aux fortes doses de rayonnements ionisants a été bien documentée par les radio- thérapeutes et les radiobiologistes. Des niveaux de radiosensi- bilité élevés ont été constatés dans le cas de sujets souffrant de maladies génétiques de la réparation de l’ADN et de la signali- sation cellulaire, ils peuvent chez ces personnes conduire à des « brûlures radiologiques ». Aux faibles doses, il existe une radiosensibilité cellulaire et individuelle qui pourrait concerner environ 5 à 10 % de la population. Les méthodes récentes d’immunofluorescence de cibles moléculaires de la signalisation et de la réparation des lésions de l’ADN permettent de documenter les effets des rayonnements ionisants aux faibles doses, en abaissant d’un facteur 100 les seuils de détection. Les effets biochimiques et moléculaires d’une simple radiographie deviennent visibles et mesurables. Les recherches effectuées avec ces nouvelles méthodes d’investigation apportent des résultats qui doivent encore être validés en clinique avant d’être intégrés dans les pratiques médicales. La surveillance de la radiosensibilité individuelle dans le cadre d’une prise en charge médicale, par des tests validés, n’est pas encore pleinement opérationnelle malgré les progrès de la recherche en cours. Après la publication en 2014 des conclusions du séminaire orga- nisé par l’ASN le 16 décembre 2013, l’ASN reste attentive aux avancées des connaissances et des réflexions menées au niveau international (CIPR notamment) pour anticiper les décisions réglementaires qui pourront ou devront être prises. À ce stade, il convient de ne pas exposer inutilement, c’est- à-dire sans justification, des personnes aux rayonnements ionisants. Les enfants doivent faire l’objet d’une attention particulière lors d’expositions aux rayonnements ionisants à des fins médicales. 1.3.2 Les effets des faibles doses La relation linéaire sans seuil. L’ hypothèse de cette rela- tion, retenue pour modéliser l’effet des faibles doses sur la santé (voir point 1.2), aussi commode soit-elle sur un plan réglementaire, aussi prudente soit-elle sur un plan sanitaire, n’a pas toute l’assise voulue sur un plan scientifique. Certains estiment que les effets des faibles doses pourraient être supé- rieurs, d’autres pensent que ces doses pourraient n’avoir aucun effet en deçà d’un certain seuil ; certains affirment même que des faibles doses ont un effet bénéfique. La recherche en bio- logie moléculaire et cellulaire progresse, les études épidémio- logiques menées sur des cohortes importantes aussi. Mais, face à la complexité des phénomènes de réparation et de mutation de l’ADN, face aux limites méthodologiques de l’épidémiolo- gie, des incertitudes demeurent et la précaution s’impose pour les décideurs publics.

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