Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

189 Le tritium et les êtres vivants 4 Les effets néfastes du tritium chez les êtres vivants Nous n’avons relevé aucune étude d’écotoxicité du tritium chez les végétaux. En revanche, parmi un nombre très restreint d’études chez les animaux, nous relevons chez les organismes aquatiques des valeurs seuil particulièrement faibles. Ainsi, une dose d’eau tritiée estimée à 0,07 µGy.h-1 a un impact négatif sur la survie et le développement des larves de bernacles (Abbott et Mix, 1979). Chez la moule, Mytilus edulis (aux stades œuf et adulte), les dommages à l’ADN sont dose-dépendants à partir de 12 μGy.h-1, et les conséquences cytogénétiques non dose-dépendants sont significatives dès 1,3 μGy.h-1 (Jha et al., 2005 ; 2006). Hagger et al. (2005) rapportent que dès 1,7 mGy.h-1, certaines anormalités du développement des larves apparaissent chez ces animaux après 23 heures d’exposition à HTO. Ces valeurs remettent en cause la valeur de 10 μGy.h-1 généralement admise comme critère de protection pour les écosystèmes. Huet al. (2002) montrent que le tritium incorporé à de la thymidine a un impact inhibiteur important sur la synthèse de l’ADN, tout comme sur la prolifération cellulaire et la morphologie des cellules. Ceci avait déjà été signalé par Streffer et al. (1977). Saintigny et al. (2008) soulignent que de faibles irradiations de tritium peuvent induire une instabilité génomique de cellules mammaliennes. 5 Le phénomène de proximité (« bystander») dans le cas du tritium Ce phénomène de proximité (ou de voisinage), qui consiste en une réponse généralement néfaste des cellules voisines de celle qui a subi l’irradiation existe dans le cas du tritium. Ainsi Geraschchenko et Howell (2004 ; 2005) constatent que les cellules voisines de celles qui ont été marquées par le tritium prolifèrent. Persaud et al. (2007) signalent que les cellules voisines de celles ayant reçu une faible irradiation (transfert linéique d’énergie faible) mutent. 6 Conclusions : les problèmes liés à la présence du tritium dans l’environnement Y a-t-il une discrimination entre les diverses formes chimiques de tritium ? La réponse semble affirmative en particulier pour tout le tritium lié à la matière organique qui aura une distribution, des vitesses d’accumulation et d’élimination différentes. Les résultats de la contamination des organismes marins dans l’estuaire de la Severn sont éloquents (molécules marquées) à ce sujet. Comment expliquer que les formes organiques prédominent dans l’environnement alors que les rejets sont essentiellement de l’eau tritiée ? Plusieurs explications ont été avancées. Jean-Baptiste et al. (2007) estiment que ce phénomène est du à la présence, dans le Rhône, de particules issues de l’industrie des peintures luminescentes. Turner et al. (2009) évoquent la possibilité de formation de composés organiques en milieu marin. Rappelons que ce phénomène a été observé pour le mercure qui était biotransformé en méthylmercure. Les rares travaux sur l’incorporation du tritiumpar les bactéries semblent conforter l’hypothèse d’une biotransformation de l’eau tritiée en tritium organiquement lié. Y a-t-il un phénomène de bioamplification pour le tritium ? C’est à dire une bioaccumulation accrue à chaque niveau trophique. Les premières études dans les années 1970 – 1980 semblaient très claires à ce sujet : le tritium peut se bioamplifier dans certaines chaînes trophiques. Depuis les travaux sur ce sujet sont inexistants. La conjonction de la prépondérance de la voie nutritionnelle dans la bioaccumulation du tritium et des vitesses forts différentes d’élimination (périodes biologiques) des diverses formes chimiques de tritium rend parfaitement plausible le phénomène de bioamplification dans des sites chroniquement pollués par ce radionucléide. Les paramètres responsables de la bioamplification sont connus (Norstrom et Letcher, 1997) et de nombreuses molécules biologiques pouvant lier le tritium répondent à ces critères. Les limites des connaissances en matière de transfert du tritium dans l’environnement : les difficultés de la mesure. Le tritium est un bêta pur. La spéciation (HTO, OBT, …) a une grande importance, mais elle est délicate à obtenir. Au bilan, nous ne pouvons que constater un manque de connaissances assez criant sur le comportement des formes organiques du tritium, avec très peu d’études et la plupart étant anciennes. Des connaissances supplémentaires sont indispensables sur i) la nature de ces composés organiques, ii) sur leur spéciation physico-chimique dans l’environnement et iii) leur réelle capacité de bioamplification dans les chaînes trophiques. 7 Recommandations Il est nécessaire que la détection et la quantification des diverses formes chimiques du tritium soient maîtrisées et que des exercices d’intercalibration entre les laboratoires soient effectués. Il est nécessaire d’initier des mesures in situ des concentrations en tritium des organismes vivant dans l’écosystème représentatif des divers niveaux trophiques dans des sites chroniquement pollués par ce radionucléide. Il est nécessaire de réaliser des études sur les capacités de bioaccumulation et de biotransformation du tritium par les bactéries des sols et des sédiments. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Abbott D.T., Mix M.C. (1979). Radiation effects of tritiated seawater on development of the Goose barnacle, Pollicipes polymerus. 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