Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

187 Le tritium et les êtres vivants Deux mécanismes distincts de transfert de charge coexistent, l’un consiste en un saut de proche en proche, l’autre se produit en une seule étape (super-échange) entre deux bases séparées par une ou plusieurs bases de niveau plus élevé (ou « pont ») constituant une barrière thermodynamique, franchit par un effet tunnel. 1 2 Bioconcentration La bioconcentration est le « processus qui traduit une accumulation de composés chimiques directement à partir de l’environnement physique (eau, air, sol) ». Le « facteur de concentration » est égal à la radioactivité dans l’organisme (Bq.kg-1) divisée par la radioactivité dans l’eau (Bq.L-1). Son obtention est uniquement expérimentale car seule une source physique est prise en compte (généralement eau mais aussi air, sédiment ….). Dans le cas du tritium, il y a équilibre avec l’eau donc théoriquement FC sera voisin de 1. Mais le FC ne représente pas la réalité car il néglige notamment les transferts trophiques. 1 3 Bioaccumulation La bioaccumulation est le terme général qui désigne l’accumulation par les organismes aquatiques de substances chimiques directement à partir de l’eau et/ou à partir de nourriture contaminée. Dans la nature, l’accumulation par les organismes de polluants se fait directement à partir de l’eau et à partir de nourriture contaminée. Aussi l’obtention de l’estimation de la bioaccumulation par des mesures in situ sont nettement plus réalistes que celles obtenues à partir de contaminations expérimentales au laboratoire. La difficulté provient de la variabilité temporelle des concentrations de tritiumdans les diverses composantes en particulier dans les eaux (douces, saumâtres oumarines) et de leurs évolutions non synchrones. La précision de l’évaluation du facteur de bioaccumulation dépendra de la qualité des quantifications (plus aisées lorsque les concentrations sont élevées, donc en sites pollués) et du nombre de mesures (un grand nombre de mesures affine la moyenne obtenue). Les facteurs de bioaccumulation (FBA ou BAF) sont pour le tritium supérieur à 1. Les maximums observés sont dans le Canal de Bristol (estuaire de la Severn) : 20 000 pour les moules et pour les flets (cas particulier d’un rejet de molécules tritiées) (Williams et al., 2001). A La Hague, les FBA chez les mollusques, crustacés et poissons sont compris entre 2 et 15 (EDF, 2005). Dans le delta du Rhône, nous estimons les FBA des moules compris entre 5 et 100 (Gontier et al., 1992). Stuart Jenkinson (Cefas) dans une récente communication orale à la SFRP (septembre 2009) rapporte des facteurs de concentration d’environ 500 à la fois chez les poissons et chez les mollusques vivant autour de Cardiff, avec un maximum de 6 000 et des facteurs avoisinant les 10 autour de Sellafield et de Hartlepool. Guillemette et Zerbib rapportent des faits similaires pour le site de La Hague dans ce volume. 1 4 Bioaccumulation ou « rémanence » ? Certains auteurs constatent l’importance de cette bioaccumulation mais la qualifie de « rémanence ». Leur raisonnement est le suivant. A certaines périodes, l’environnement a été fortement contaminé notamment par les essais atomiques. Une partie de l’eau tritiée s’est biotransformée en tritium organiquement lié. Maintenant que la contamination de l’environnement est moindre, l’OBT que l’on retrouve dans les organismes est le résiduel de cette contamination antérieure et ceci expliquerait les rapports HTO/OBT supérieurs à 1 (voir ci-dessous). Si ce raisonnement est exact, il a deux conséquences. La première est que la période biologique de l’OBT dans les organismes est infiniment plus longue que celle estimée chez l’homme, sinon comment expliquer cette « rémanence ». La seconde conséquence est que d’un point de vue sanitaire qu’il y ait bioaccumulation ou « rémanence », les conséquences sont identiques. Il y a contamination interne par la forme la plus radiotoxique sur des molécules biologiques éventuellement très sensibles comme l’ADN. 1 5 Bioamplification La bioamplification est « l’augmentation de la concentration dans les organismes avec leur niveau trophique ». De nombreuses publications signalent que la voie nutritionnelle est prépondérante sur la voie directe (eau…). Ainsi, le transfert du tritium organique est supérieur par voie alimentaire par rapport à la voie directe (Koranda et Martin, 1971). Chez la truite arc-en-ciel juvénile, la voie nutritionnelle est aussi prépondérante ; lorsque la contamination se fait par voie trophique, la quantité de tritium organique atteinte à l’équilibre chez la truite arc-en-ciel juvénile correspond à 80 % de la quantité de tritium ingérée (Rodgers, 1986). Plusieurs expériences semblent indiquer dans les années 1970 une bioamplification potentielle du tritium dans les chaînes trophiques. Ainsi, Kirchmann et al. (1971) constatent que lorsque des prairies sont contaminées par du tritium, l’incorporation du tritium dans la matière organique du lait est dix fois plus élevé que lorsque la voie de contamination est l’eau d’abreuvage. Les vitesses d’incorporation sont aussi différentes : rapide dans le cas de la voie directe, plus lente par l’intermédiaire de l’herbe, le maximum est obtenu dans ce cas en 4 jours. Dans une expérience où des veaux et des porcs reçoivent du tritium par diverses voies (injections intra péritonéales et ingestions d’eau tritiée, de lait, de poudre de lait et de pommes de terre), Kirchmann et al. (1977) constatent la grande influence de la voie de contamination sur la bioaccumulation du tritium. Ainsi, par exemple, l’incorporation est 5,6 fois plus forte chez les porcs et 15 fois plus forte chez les veaux lorsque la voie est la poudre de lait comparée à la voie eau, 15,6 fois plus forte chez les porcs lorsque la voie d’alimentation est la pomme de terre. Toutefois, le tritiumne semble pas s’accumuler préférentiellement dans l’ADN. Dans une expérience, des vaches sont nourries avec du foin contenant du tritium sous forme de tritium lié organiquement (OBT) pendant 4 semaines. 450 jours plus tard (soit deux périodes de lactation), l’activité spécifique du tritium à l’équilibre n’était que de 58, 10 et 11 % respectivement dans la caséine, le lactose et l’eau du lait de l’activité trouvée dans les lipides du lait (Van Den Hoek et al., 1985). 97 % du tritium trouvé dans la caséine et les lipides est du tritium lié organiquement. Dans le lait 50 % du tritium est lié aux formes organiques et 50 % à l’eau. La demi-vie du tritium lié à la caséine et aux graisses est d’environ 3 mois. Chez des rats, le tritium fourni avec l’eau de boisson associé à des molécules organiques (leucine, lysine, glucose, glucosamine, thymidine et uridine) se bioaccumule quatre à neuf fois plus que le tritium lié à l’eau. La contribution à la dose d’irradiation du tritium lié à la matière organique est deux fois plus élevée que celle due à l’eau tritiée (Takeda, 1991). Le transfert du tritium dans une chaîne trophique marine : diatomées (Chaetoceros gracilis) - artémies (Artemia salina) - poissons (Oryzias latipes) est nettement plus important lorsque la source du tritium est la nourriture, que l’eau. Une partie non négligeable du tritium est incorporé dans l’ADN des artémies (Komatsu et al., 1981). Dans l’estuaire de la Severn et le canal de Bristol, les différences de concentration en tritium des diverses espèces étudiées semblent liées aux régimes alimentaires (McCubbin et al., 2001). Ainsi, les poissons « mangeurs de sédiment » (flet et sole) se contaminent nettement plus que le sprat, poisson pélagique planctonophage. Aussi, une bioamplification ne peut être exclue avec ces résultats.

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