Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

100 Le tritium dans l’environnement 9 Conclusion Le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène qui, à la fois, a une origine naturelle (inventaire permanent de 3,5 kg à l’échelle planétaire, avec une production naturelle mondiale d’environ 200 g par an) et est largement produit par des activités humaines depuis la seconde moitié du 20ème siècle. En particulier, de grandes quantités de tritium ont été relâchées dans l’atmosphère durant la période des essais aériens d’armes nucléaires, entre 1945 et 1980. Le tritium émis lors des explosions nucléaires est à l’heure actuelle principalement localisé dans les océans, en quantité ayant fortement diminué du fait de la décroissance radioactive. Il était estimé en 2007 à 35 kg. L’industrie nucléaire (réacteurs de puissance, réacteurs expérimentaux, usines de traitement des combustibles usés) continue, de manière localisée, à rejeter du tritium dans l’environnement. Aujourd’hui, avec le carbone-14, le tritium est le radionucléide prépondérant en termes d’activité rejetée par les installations nucléaires françaises, tant dans les rejets liquides que dans les rejets gazeux (hors gaz rares). En 2008, les installations nucléaires françaises ont rejeté au total une masse de 1,7 g de tritium dans l’atmosphère avec les effluents gazeux et une masse de 25,7 g dans les océans et une moindre mesure les cours d’eau, avec les effluents liquides. Les rejets de tritium augmenteront dans les années à venir, avec le passage à de nouveaux modes de gestion du combustible dans les centrales nucléaires puis avec le développement du projet ITER. La caractéristique fondamentale du tritium, en termes de comportement dans l’environnement, est son extrême propension à s’échanger plus ou moins rapidement avec l’isotope 1 de l’atome d’hydrogène, en particulier lorsqu’il se trouve sous une forme dite labile, notamment d’eau liquide ou de vapeur d’eau. Au niveau du globe, ce sont essentiellement des processus physiques associés au cycle de l’eau qui influencent la dynamique du tritium, en particulier en termes de temps de résidence dans les grands compartiments : stratosphère, atmosphère, biosphère, océans, eaux souterraines. Du point de vue de la surveillance et de la mesure du tritium en France, le tritium est mesuré dans les hydrosystèmes continentaux et marins, ainsi que dans les espèces vivantes indicatrices. La principale technique de mesure utilisée en routine est la scintillation liquide, pour laquelle les limites de détection sont élevées en comparaison des autres radionucléides mesurés dans l’environnement (un facteur mille pour les radionucléides émetteurs gamma dans l’eau par exemple). Il en résulte qu’une fraction de plus en plus importante des mesures de surveillance donne des valeurs inférieures aux limites de détection. Ainsi, pour le tritium libre dans les échantillons biologiques en milieu terrestre, en moyenne deux tiers seulement des échantillons présentent des valeurs supérieures à la limite de détection. Dans un contexte général où il est observé une diminution des activités en tritium dans l’environnement depuis une quinzaine d’années, il est aujourd’hui délicat de quantifier des marquages en milieu continental imputables aux installations nucléaires. Pour ce qui concerne le milieu marin, le tritium n’est mesurable en routine que dans la Manche orientale, alors que les rejets des centrales nucléaires concernent également les côtes atlantiques et méditerranéennes. Des techniques de mesure permettent d’améliorer les limites de détection d’un facteur dix à mille. Elles ne sont mises en œuvre que par quelques laboratoires dans le monde et n’ont été utilisées que ponctuellement, en France, pour des études spécifiques. Une utilisation plus régulière de ces techniques dans le cadre d’études radioécologiques permettrait de mieux apprécier la dispersion des rejets chroniques et d’améliorer l’inventaire des sources. Une métrologie plus précise serait également précieuse pour améliorer la connaissance du comportement du tritium au sein des écosystèmes. La très grande mobilité du tritium est une source importante de difficultés et d’incertitudes en ce qui concerne la préparation des échantillons pour la mesure de ce radionucléide. L’absence de définition consensuelle « normalisée » des fractions « tritium organique strictement non échangeable », « tritium organique échangeable » et « tritium libre » conduit, d’une part à une incertitude sur la proportion exacte de ces deux fractions et d’autre part à la difficulté de comparer des résultats de mesures ou d’essais expérimentaux issus de diverses références bibliographiques. Il serait très utile qu’une définition unique de ces fractions, forcément associée à l’établissement de protocoles standards de préparation et mesure du tritium au sein des échantillons, soit émise par la communauté scientifique. Dans l’atmosphère, le tritium se trouve principalement sous forme d’eau tritiée (HTO) liquide ou vapeur et, dans une moindre mesure, sous forme d’hydrogène tritié (HT) et de méthane tritié (CH 3 T). L’hydrogène tritié subit une oxydation microbienne en HTO dès qu’elle pénètre dans le sol. Il y a ensuite rapidement réémission vers l’atmosphère oumigration vers le sous-sol. Le devenir de HTO et HT est correctement appréhendé, probablement de façon conservative, en considérant que tout le tritium émis se trouve sous forme HTO, bien que les cinétiques d’évolution ne soient sans doute pas comparables. On ne connaît guère le devenir de la forme CH 3 T et encore moins celle des éventuelles autres formes organiques émises. Celles-ci, si elles existent dans les rejets atmosphériques, pourraient avoir un comportement plus pénalisant que celui de l’eau tritiée. Il conviendrait de s’assurer qu’elles n’aboutissent pas à augmenter le transfert à la biomasse terrestre. Au sein des écosystèmes, aux processus physico-chimiques viennent s’ajouter des mécanismes biologiques qui déterminent une évolution compliquée, en rapport avec la photosynthèse et le métabolisme cellulaire faisant couramment intervenir l’élément hydrogène, constituant la majeur de la matière vivante. Notamment, les formes sous lesquelles se trouve le tritium organique chez les organismes vivants, végétaux ou animaux, font encore l’objet de recherches. Cette fraction organique ou « OBT » est constituée de tritium organiquement lié échangeable et de tritium organiquement lié non échangeable qui diffèrent par la position et le type de liaisons chimiques entre l’hydrogène et les autres éléments constitutifs des molécules organiques. La répartition entre eau tritiée, tritium échangeable et tritium non échangeable diffère en fonction des apports respectifs en HTO et OBT, de la qualité de l’OBT et du métabolisme propre à chaque espèce. Le transfert du tritium aux végétauxest bien connu en ce qui concerne les processus impliqués. Il s’effectue en totalité sous forme d’eau (vapeur ou liquide) tritiée. Le tritium s’échange avec la vapeur d’eau de l’atmosphère par la biomasse aérienne et s’incorpore à l’eau du végétal par l’absorption racinaire. Les processus mis en jeu sont très rapides (quelques minutes à quelques heures). Une fraction du tritium se retrouve incorporée ou piégée dans la matière organique, mais, quantitativement, les valeurs nécessaires à la prédiction précise de son transfert restent rares et surtout éparses, en particulier pour des rejets ponctuels. La très grande variabilité de son comportement en fonction de la durée des expositions, des paramètres environnementaux (humidité de l’air, état hydrique du végétal, jour/nuit, durée du rejet...) font que chaque résultat d’essai donne des valeurs spécifiques aux conditions dans lesquelles a eu lieu l’expérimentation et sont donc difficilement généralisables. Néanmoins, l’analyse des données recueillies sur le territoire français depuis plusieurs années ne met pas en évidence de bioaccumulation dans le compartiment végétal. Le fait d’observer parfois des facteurs de concentration14 supérieurs à 1 dans certains végétaux peut s’expliquer par un phénomène de rémanence du tritium organique dans des végétaux antérieurement exposés à une contamination ambiante prolongée et/ou importante. Selon le contexte de cette exposition (conditions agroclimatiques locales, durée et intensité de l’exposition), cette rémanence peut ou non se manifester. Dans le cas particulier des parties persistantes des végétaux pérennes, en particulier les bois d’arbres, il peut également être émis l’hypothèse d’une redistribution ultérieure du tritium à partir du pool de tritium organique des parties ligneuses vers l’ensemble du végétal. Ceci peut donc amener à retrouver ultérieurement un niveau de tritium organique dans le végétal récolté supérieur au niveau de tritium sous forme d’eau ou dans l’atmosphère au moment du prélèvement. 14 Rapport de la concentration du tritium organique du végétal (OBT Bq/L d’eau extraite de la matière sèche de l’échantillon) sur celle du tritium environnemental (Bq/L de vapeur d’eau atmosphérique, ou à défaut, Bq/d’eau de pluie, ou à défaut Bq/L de HTO du végétal)

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