Les cahiers Histoire de l'ASN #01

Accidents nucléaires et évolutions de la sûreté et de la radioprotection • 29 « Les stress tests sont la preuve qu’on peut faite avancer les choses quand tout le monde s’y met. C’était une idée nouvelle et chacun y a adhéré. C’est d’autant plus miraculeux que dans les instances internationales, c’est toujours difficile d’arriver à des consensus.» Olivier Gupta Directeur général de l’ASN depuis 2016 «L’une des choses qui a été remarquable après Fukushima, c’est l’épisode des stress tests. Après l’accident, une réunion de WENRA s’est tenue à Helsinki. Le commissaire Günther Oettinger a dit : «Il faut qu’on mène des stress tests ». Il n’avait sûrement aucune idée de ce que c’était, mais il pensait que c’était un bon moyen d’ennuyer les autres… C’était clair. Lors d’une réunion de WENRA à Helsinki, j’ai proposé à mes collègues d’anticiper en constituant un groupe de travail sur le champ, pour initier ce que pouvait être le contenu des stress tests. Il a été dirigé par Olivier Gupta (voir ci-contre) qui a commencé à travailler le soir même... à Helsinki! Assez rapidement, on a obtenu un projet de stress tests. Il a ensuite été retravaillé, mais il a tout de même servi de base à l’ensemble du processus. Je garde un souvenir émouvant de cette période. On a reproduit un processus un peu analogue à celui qui avait été produit au démarrage de WENRA, sur les obligations à imposer aux pays de l’Est rentrant dans l’Union européenne… Quand on prend une initiative, on va jusqu’au bout!» André-Claude Lacoste Président de l’ASN de 2006 à 2012 Stress tests L’objectif des stress tests est d’évaluer dans quelle mesure les centrales nucléaires disposent de marges de sûreté qui garantissent la sûreté de leur exploitation, même en situation d’urgence extrême. Naissance du concept des stress tests Le concept a émergé lors d’une réunion de WENRA, le club des autorités de sûreté d’Europe, qui se tenait en mars 2011 à Helsinki, une quinzaine de jours après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima. L’expression stress tests était empruntée au vocabulaire financier, en référence aux stress tests bancaires après la crise de 2008. Olivier Gupta était présent en tant que président du groupe de travail réacteur de WENRA, le Reactor Harmonization Working Group (RHWG). Il se souvient : « Le mot venait d’être prononcé par Günther Oettinger, commissaire européen à l’Énergie. Personne ne nous avait rien demandé, mais on s’est dit : c’est à nous de lui donner un contenu intelligent pour essayer d’en faire quelque chose. L’idée était de se dire : finalement, qu’est-ce qu’il s’est passé à Fukushima? Ils ont perdu toutes les sources de refroidissement externes, ce que l’on appelle la source froide. Ils ont perdu toutes les alimentations électriques externes comme internes. Et il y a eu des fusions de cœur.» À Fukushima, l’origine des incidents était le tsunami et il est très improbable que cela se produise en Europe. Il ne s’agissait pas de réfléchir sur le pourquoi, mais juste de considérer les données d’entrées : perte totale d’électricité, perte de refroidissement, fusion du cœur comme un point de départ de la réflexion. Les questions étaient nombreuses : Qu’est-ce qui se passerait pour les centrales nucléaires européennes ? De combien de marge dispose-t-on? C’est-à-dire à quelle distance se trouve-t-on d’une situation qui devient catastrophique avec des rejets massifs? Combien de temps avons-nous pour agir ? C’est cela la philosophie de base des stress tests, ce sont ces questions que l’on se pose. « Je suis parti d’une feuille blanche sur la base des deux mots stress tests, un peu comme quand on traite un sujet de philo. Tout a été conclu en à peu près trois semaines. Ce “miracle” s’inscrit dans le contexte propre à WENRA. Année après année, nous avons construit la confiance suffisante entre les participants aux différents niveaux pour que l’on arrive à avancer sans heurt, en bonne intelligence et de façon constructive sur des sujets difficiles comme celui-ci. »

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