Rapport de l'ASN 2019

Les démantèlements des installations anciennes du CEA et des usines de première génération d’Orano (en particulier les usines qui ont concouru à la politique de dissuasion de la France, comme les usines de diffusion gazeuse de l’installation nucléaire de base secrète (INBS, périmètre défense) de Pierrelatte au Tricastin et l’usine UP1 de l’INBS de Marcoule) vont conduire à une produc‑ tion très importante de déchets de très faible activité (TFA). Cette production importante dans les décennies à venir, non anticipée et incompatible avec le dimensionnement actuel du Cires (1) , a conduit aux travaux d’un groupe de travail du PNGMDR, dont sont issues plusieurs pistes de réflexion, dont la création d’un nouveau stockage centralisé, le recyclage éventuel de certains déchets ou leur stockage sur place (voir chapitre 14). 1.2  La doctrine de l’ASN en matière de démantèlement De nombreux facteurs peuvent influencer le choix d’une straté‑ gie de démantèlement plutôt qu’une autre : les réglementations nationales, les facteurs socio‑économiques, le financement des opérations, la disponibilité de filières d’élimination de déchets, de techniques de démantèlement, de personnel qualifié, du per‑ sonnel présent lors de la phase de fonctionnement, l’exposition du personnel et du public aux rayonnements ionisants induits par les opérations de démantèlement… Ainsi, les pratiques et les réglementations diffèrent d’un pays à l’autre. 1.2.1 Le démantèlement immédiat Le principe de démantèlement dans des délais aussi brefs que possible figure dans la réglementation applicable aux INB  ( arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux INB). Ce principe, inscrit depuis 2009 dans la doctrine établie par l’ASN en matière de démantèlement et de déclassement des INB, a été repris au niveau législatif dans la loi n°2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Cette stratégie permet notamment de ne pas faire porter le poids du démantèlement sur les générations futures, sur les plans technique et financier. Elle permet également de bénéficier des connais‑ sances et compétences des équipes présentes pendant le fonc‑ tionnement de l’installation, indispensables notamment lors des premières opérations de démantèlement. La stratégie adoptée en France vise à ce que : ∙ ∙ l’exploitant prépare le démantèlement de son installation dès la conception de celle‑ci ; ∙ ∙ l’exploitant anticipe le démantèlement et envoie son dossier de démantèlement avant l’arrêt du fonctionnement de son installation ; ∙ ∙ l’exploitant dispose de ressources financières pour assurer le financement du démantèlement, en couvrant les charges qu’il anticipe par des actifs dédiés ; ∙ ∙ les opérations de démantèlement se déroulent «dans un délai aussi court que possible» après l’arrêt de l’installation, délai qui peut néanmoins varier de quelques années à quelques décen‑ nies selon la complexité de l’installation. 1.2.2 L’assainissement complet Les opérations de démantèlement et d’assainissement d’une ins‑ tallation nucléaire doivent conduire progressivement à l’élimina‑ tion des substances dangereuses, en particulier des substances radioactives issues des phénomènes d’activation ou de dépôts, et d’éventuelles migrations de la contamination, dans les structures des locaux de l’installation, voire dans les sols du site. 1. Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires), ainsi dénommé depuis octobre 2012. Il a été mis en service en 2003 sous le nom de centre de stockage des déchets de très faible activité (CSTFA). 2. Principe ALARA ( As Low As Reasonably Achievable - au plus faible niveau que l’on peut raisonnablement atteindre). La démarche de référence de l’ASN, déclinée dans sa doctrine, demande que les exploitants mettent en œuvre des pratiques de démantèlement et d’assainissement, tenant compte des meil‑ leures connaissances scientifiques et techniques du moment et dans des conditions économiques acceptables, visant à atteindre un état final pour lequel la totalité des substances dangereuses et radioactives a été évacuée de l’INB. Dans l’hypothèse où, en fonction des caractéristiques de la pollution, cette démarche poserait des difficultés de mise en œuvre, l’ASN considère que l’exploitant doit aller aussi loin que raisonnablement possible dans le processus d’assainissement. Il doit en tout état de cause apporter les éléments, d’ordre technique ou économique, justi‑ fiant que la démarche de référence ne peut être mise en œuvre et que les opérations d’assainissement ne peuvent être davantage poussées avec les meilleures méthodes et techniques d’assainis‑ sement et de démantèlement disponibles dans des conditions économiques acceptables. Conformément aux principes généraux de radioprotection, l’im‑ pact dosimétrique du site sur les travailleurs et le public après déclassement doit être aussi faible que raisonnablement possible (principe ALARA (2) ). L’ASN n’est pas favorable à l’introduction de seuils généralisés et considère qu’il est préférable d’adopter une démarche au cas par cas en fonction de la réutilisation du site. En particulier, l’atteinte d’un seuil avec une exposition conduisant à une dose efficace annuelle de 300 μSv (microsieverts) – le tiers de la dose limite anuelle de 1 mSv (millisievert) pour le public –, pour le public n’est acceptable qu’après la démonstration de la prise en compte d’un processus d’optimisation, conformément aux textes de l’Agence internationale de l’énergie atomique ( AIEA ) sur la libération inconditionnelle d’un site pollué par des substances radioactives. L’ASN a ainsi mis à jour et publié en 2016 le guide relatif aux opérations d’assainissement des structures ( Guide n°14 , dispo‑ nible sur asn.fr ). Les dispositions de ce guide ont déjà été mises en œuvre pour de nombreuses installations, présentant des carac‑ téristiques variées: réacteurs de recherche, laboratoires, usine de fabrication de combustible… L’ASN a également publié en 2016 un guide relatif à la gestion des sols pollués dans les installations nucléaires ( Guide n°24 , disponible sur asn.fr ). 1.3  L’encadrement du démantèlement Dès lors qu’une INB est définitivement arrêtée, celle‑ci doit être démantelée. Elle change donc de finalité par rapport à ce pour quoi sa création a été autorisée, le décret d’autorisation de créa‑ tion spécifiant notamment les conditions de fonctionnement de l’installation. Par ailleurs, les opérations de démantèlement impliquent une évolution des risques présentés par l’installation. En conséquence, ces opérations ne peuvent être réalisées dans le cadre fixé par le décret d’autorisation de création. Le déman‑ tèlement d’une installation nucléaire est donc prescrit par un nouveau décret, pris après avis de l’ASN. Ce décret fixe, entre autres, les principales étapes du démantèlement, la date de fin du démantèlement et l’état final à atteindre. Dans le cadre de ses missions de contrôle, l’ASN vérifie la bonne mise en œuvre des opérations de démantèlement telles que prescrites par le décret de démantèlement. Afin d’éviter le fractionnement des projets de démantèlement et d’améliorer leur cohérence d’ensemble, le dossier de démantèle‑ ment doit décrire explicitement l’ensemble des travaux envisa‑ gés, depuis l’arrêt définitif jusqu’à l’atteinte de l’état final visé, et expliciter, pour chaque étape, la nature et l’ampleur des risques Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2019  337 13 – LE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE 13

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