Rapport de l'ASN 2019

3. L’appréciation sur l’état de la radioprotection dans les utilisations à enjeux des domaines industriel, de recherche et vétérinaire 3.1  La radiographie industrielle 3.1.1 Les équipements utilisés • La gammagraphie La gammagraphie est une méthode de contrôle non destruc‑ tif qui permet d’apprécier des défauts d’homogénéité dans des matériaux, notamment les cordons de soudure. Elle consiste à obtenir une radiographie sur un support argentique ou numé‑ rique en utilisant les rayonnements gamma émis par une source radioactive et traversant l’objet à contrôler. Elle est fréquemment employée dans différents secteurs indus‑ triels, tels que la chaudronnerie, la pétrochimie, les centrales nucléaires, les travaux publics, l’aéronautique ou l’armement, lors d’opérations de fabrication ou de maintenance. Les appareils de gammagraphie contiennent des sources scellées de haute activité, principalement de l’iridium-192, du cobalt-60 ou du sélénium-75, dont l’activité peut atteindre une vingtaine de térabecquerels. Un appareil de gammagraphie est le plus souvent un appareil mobile pouvant être déplacé d’un chantier à l’autre. Il se compose principalement : ∙ ∙ d’un projecteur de source, qui sert de conteneur de stockage et assure une protection radiologique quand la source n’est pas utilisée ; ∙ ∙ d’une gaine d’éjection destinée à permettre le déplacement de la source et à la guider jusqu’à l’objet à radiographier ; ∙ ∙ et d’une télécommande permettant la manipulation à distance par l’opérateur. Lors de l’éjection de la source hors de l’appareil, les débits de dose peuvent atteindre plusieurs grays par heure à un mètre de la source, en fonction du radionucléide et de son activité. Du fait de l’activité des sources et du déplacement de la source hors du conteneur de stockage pendant l’utilisation de l’appareil, la gammagraphie peut présenter des risques importants pour les opérateurs en cas de mauvaise manipulation, de non‑respect des règles de radioprotection ou d’incidents de fonctionnement. Par ailleurs, ces activités de gammagraphie sont fréquemment menées sur des chantiers ou installations dans des conditions difficiles (travail de nuit, lieu de travail exposé aux intempéries ou exigu). À ce titre, c’est une activité à enjeu fort de radioprotection, qui figure parmi les priorités de contrôle de l’ASN. • La radiographie industrielle par rayons X Elle sert à des fins de vérification de la qualité des cordons de soudure ou du contrôle de la fatigue des matériaux. Ce sont des appareils fixes ou de chantier utilisant des faisceaux directionnels ou panoramiques, qui se substituent aux appareils de gammagraphie lorsque les conditions de mise en œuvre le permettent. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2019  247 08 – LES SOURCES DE RAYONNEMENTS IONISANTS ET LES UTILISATIONS INDUSTRIELLES, VÉTÉRINAIRES ET EN RECHERCHE DE CES SOURCES 08 Gammagraphie : des accidents graves à l’étranger Les accidents en gammagraphie en France restent limités en nombre et en conséquences depuis mars 1979 où un accident avait conduit à l’amputation de la jambe d’un ouvrier qui avait ramassé et mis dans sa poche une source d’iridium-192 de 518 GBq. Cet incident avait entraîné un renforcement de la réglementation en vigueur à l’époque. L’ASN exerce une veille sur les accidents survenus à l’étranger qui ont eu des effets déterministes majeurs. Parmi les exemples récents dont l’ASN a eu connaissance : ཛྷ ཛྷ en 2019, en Espagne, un employé d’une société de contrôle non destructif a été exposé à environ 200 mSv (corps entier) en accédant à un bunker de gammagraphie alors que la source d’iridium-192 n’était pas en position de sécurité. Le dispositif d’asservissement de l’ouverture de porte permettant d’interdire l’accès au bunker en cas d’émission de rayonnements ionisants n’a pas fonctionné en raison de la défaillance du système de mesure de l’ambiance radiologique. L’événement a été classé au niveau 2 de l’échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques (INES)  ; ཛྷ ཛྷ en 2016, en Turquie, après l’utilisation d’un appareil de gammagraphie, il semble que les opérateurs n’aient pas vérifié le bon retour de la source en position de sécurité. Un adolescent de 16 ans a trouvé la source le lendemain du contrôle et l’a conservée jusqu’à son domicile, où plusieurs personnes ont indiqué l’avoir manipulée. Au total, 20 personnes auraient été exposées, la personne la plus exposée aurait reçu 1 gray (Gy). L’événement a été classé au niveau 2 de l’échelle INES ; ཛྷ ཛྷ en 2015, en Iran, deux opérateurs ont été exposés à des doses efficaces respectives de 1,6 et 3,4 Gy. La source du gammagraphe (iridium-192 de 1,3 TBq) s’est décrochée et est restée bloquée dans la gaine d’éjection sans qu’ils s’en aperçoivent. Les opérateurs ont ensuite passé la nuit dans leur véhicule à proximité de la gaine d’éjection et de la source ; ཛྷ ཛྷ en 2014, au Pérou, un employé a été exposé à 500 mSv (corps entier) et 25 Gy sur la hanche gauche en déplaçant une gaine d’éjection et un collimateur sans s’être aperçu que la source était décrochée du câble de télécommande et était restée dans le collimateur (iridium-192, 1,2 TBq, 30 minutes d’exposition) ; ཛྷ ཛྷ en 2013, en Allemagne, un employé d’une société de contrôle non destructif a été exposé à plus de 75 mSv (corps entier) et 10 à 30 Gy aux extrémités (mains) en essayant de débloquer une source dans une gaine d’éjection ; ཛྷ ཛྷ en 2012, un employé péruvien a été admis à l’hôpital Percy, à Clamart, à la suite d’une exposition de 1 à 2 Gy (corps entier) et 35 Gy à la main (70 Gy au bout des doigts) après avoir manipulé à mains nues une gaine d’éjection sans s’assurer de la position de la source ; ཛྷ ཛྷ en 2011, cinq travailleurs bulgares ont été admis à l’hôpital Percy, à Clamart, pour mise en œuvre de traitements lourds à la suite d’irradiations de l’ordre de 2 à 3 Gy dues à une erreur de manipulation d’un appareil de gammagraphie qu’ils pensaient déchargé de sa source ; ཛྷ ཛྷ en 2011, aux États‑Unis, un apprenti radiologue a décroché la gaine d’éjection et s’est aperçu que la source dépassait du projecteur. Il a essayé de repousser la source dans l’appareil avec son doigt. L’estimation de la dose reçue aux extrémités est de 38 Gy.

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