Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

257 Eléments de réflexion sur le risque sanitaire posé par le tritium 2 2 Approche dosimétrique Le détriment, pour la santé de l’homme, résultant d’une exposition à une sourcedonnéede rayonnements ionisants - du tritiumdans le cas présent - peut être quantifié à partir de la relation dose-réponse fondée sur les résultats d’études épidémiologiques portant sur des populations chez qui les effets sont aujourd’hui bien établis (survivants d’Hiroshima et Nagasaki en particulier) et de la connaissance de la dose reçue. L’hypothèse centrale d’une relation dose-effet linéaire sans seuil pour l’induction d’un cancer ou d’effets héréditaires, selon laquelle un incrément de dose produit un incrément proportionnel du risque, même aux faibles doses, sert toujours de base pour la sommation des doses provenant de sources externes de rayonnement et de l’incorporation de radionucléides. S’agissant de l’exposition de l’homme qui résulte de l’incorporation d’un élémentradioactif,ladosereçue estévaluéeselonuneapprochecomportant différentes étapes : la modélisation biocinétique du comportement de cet élément dans l’organisme (c’est-à-dire la façon dont il se distribue dans les différents tissus et organes et est éliminé de l’organisme), le calcul de la dose de rayonnement absorbée dans les tissus de rétention, la pondération de cette dose absorbée par un coefficient prenant en compte les propriétés physiques et biologiques du radionucléide - que l’on appelle w R (cf. § 6), enfin la pondération par un coefficient prenant en compte la probabilité et la gravité des effets induits dans ces tissus. Les parties 4 et 5 présentent respectivement l’état des connaissances sur le comportement du tritiumdans l’organisme et sur son efficacité biologique relative. La partie 6 présente une discussion sur le facteur de pondération pour le rayonnement applicable dans le cas du tritium. 3 Que nous apportent les études épidémiologiques sur le risque tritium chez l’homme ? 3 1 Etat de la question Trois types de populations ont fait l’objet d’études épidémiologiques sur les effets du tritium : • les travailleurs du nucléaire (exposition professionnelle à l’âge adulte), • la population voisine de sites nucléaires (exposition environnementale due aux rejets de l’installation), • les enfants de travailleurs du nucléaire (exposition in utero avec l’hypothèse d’un effet héréditaire associé à la dose reçue par les parents avant conception). 3 1 1 Etude des travailleurs du nucléaire Des travailleurs des installations du cycle nucléaire et de fabrication des armes peuvent être exposés au tritium, de même que les personnels des usines de fabrication de molécules marquées utilisées en recherche, en médecine ou dans l’industrie. Une publication de Milacic en 2004 [8] a montré que des aberrations chromosomiques dans les lymphocytes ont été observées chez 49% des personnes d’une cohorte de 54 travailleurs exposés dans l’industrie des colorants fluorescents et que les activités enzymatiques des granulocytes étaient significativement diminuées chez ces travailleurs exposés. Dans la plupart des pays, un suivi radiotoxicologique (analyses urinaires) a été régulièrement assuré chez les travailleurs exposés au tritium. En revanche, l’évaluation des doses associées n’a jamais été systématique. Aussi, alors que des études épidémiologiques internationales ont fourni des résultats solides pour ce qui concerne le risque associé à l’exposition externe des travailleurs (e.g. étude du Centre Internationale de Recherche sur le Cancer, [9]), l’étude de cohortes soumises à un risque de contamination interne se heurte à la plus grande difficulté de connaître l’exposition des individus dans ce type de situation. En dehors du radon, peu d’études sont aujourd’hui concluantes. C’est ce qui a motivé le lancement de projets tels que le projet européen alpha-risk2 coordonné par l’IRSN. A ce jour, des doses de tritium ont été estimées pour plusieurs entreprises : • Sellafield - UK ([10], [11]) • Atomic Weapons Establishment AWE - UK ([12], [13]) • Savannah River Site SRS - USA ([14], [15], [16]) • Canadian nuclear workers - Canada ([17]) Les cohortes ci-dessus apparaissent comme les plus informatives pour le risque tritium, car comprenant de nombreux travailleurs. Néanmoins, les doses considérées dans ces études prenaient en compte le tritium mais aussi les autres types d’exposition (gamma, neutrons, contamination interne). Aucune de ces études n’a permis de considérer séparément la dose due au tritium et donc d’évaluer le risque spécifique lié au tritium. D’autres études (travailleurs de l’United Kingdom Atomic Energy Authority, UKAEA) ont utilisé des indicateurs de surveillance pour l’exposition au tritium, mais ne permettaient pas de prendre en compte l’exposition réelle des individus au tritium. Au total, plusieurs études épidémiologiques impliquant des travailleurs du nucléaire ont été menées, et n’ont pas démontré de risque spécifique associé au tritium. Néanmoins, la plupart de ces études étaient peu informatives, par manque de puissance statistique et/ou par manque d’informations sur la dose tritium. Le groupe AGIR [2] a dressé un bilan des expositions professionnelles au tritium en Grande Bretagne et discuté l’opportunité d’une étude épidémiologique nationale du risque tritium. Selon leur bilan, au total, plus de 12 000 travailleurs, issus de 7 entreprises différentes, auraient eu une exposition au tritium. Une évaluation de la faisabilitéd’unereconstitutiondesdosesindividuellesetd’unsuivisanitaire (mortalité et incidence) a été conduite pour chacune de ces entreprises. Pour certaines, les données permettant le suivi et l’estimation des doses individuelles sont déjà disponibles, pour d’autres un travail de collecte de données important doit être effectué. Le rapport AGIR souligne qu’un traitement cohérent (notamment fondé sur les modèles dosimétriques les plus récents) de tous les résultats des analyses radiotoxicologiques pour l’ensemble des travailleurs exposés au tritium serait souhaitable dans une perspective de leur utilisation dans des études épidémiologiques. La continuation du travail de reconstitution des doses individuelles et la mise en place d’une cohorte nationale est l’une des recommandations majeures du rapport AGIR. Il souligne de plus qu’une étude internationale pourrait également être envisagée : Canada, USA, Angleterre et autres pays (éventuellement la France). Il est à noter qu’à ce jour un tel travail n’a pas été initié en France. 3 1 2 Etude de la population voisine des sites nucléaires Le tritium est l’un des radionucléides prépondérants en terme d’activité rejetée dans l’environnement par les installations nucléaires. Le public est susceptible d’être exposé par l’incorporation du tritium présent dans l’eau et la chaîne alimentaire (ingestion) et dans l’atmosphère (inhalation + passage cutané). Les doses pour le public calculées selon les hypothèses standards sont faibles : le groupe AGIR estime des doses efficaces3 de l’ordre de 20 µSv/an pour les membres du public les plus exposés consommant des produits marins de la baie de Cardiff. En France, les doses efficaces dues aux rejets 2 http://www.alpha-risk.org/ 3 La dose efficace est la somme pondérée des doses de rayonnement absorbées dans les différents tissus et organes du corps, la pondération tenant compte d’une part de la dangerosité relative du rayonnement considéré, d’autre part de la radiosensibilité propre de chaque tissu et organe. L’unité de dose efficace est le sievert (Sv)

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