Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

229 Point de vue de l’IRSN sur les questions clés et sur les pistes de recherche et de développement La technique de mesure du tritium dans l’eau la plus couramment utilisée est la scintillation liquide qui présente l’avantage d’être simple et rapide à mettre en œuvre, et peu coûteuse. La limite de détection est voisine de 6 Bq/L pour les mesures faites avec un liquide scintillant standard et peut être environ 5 fois plus petite pour les mesures faites avec un liquide scintillant « bas bruit de fond ». Cette limite de détection est largement suffisante pour des mesures réalisées dans le cadre d’un contrôle réglementaire du tritium autour des installations nucléaires, l’objectif principal étant de détecter rapidement une éventuelle élévation anormale de l’activité du tritium dans l’environnement. Toutefois, cette limite de détection est trop élevée dès lors que l’on veut s’intéresser au devenir et au comportement du tritium dans les différentes composantes physiques et biologiques de l’environnement ; en effet, l’activité du tritium libre et celle du tritium organiquement lié (exprimées en Bq/L d’eau de distillation ou de combustion) sont actuellement souvent voisines de 1 Bq/L, voire inférieures, en raison d’une décroissance régulière de la concentration du tritium observée dans l’environnement au cours des quinze dernières années. Dans ces conditions, pour poursuivre l’observation des tendances d’évolution du tritium dans les différents milieux ou pour déterminer avec suffisamment de précision les facteurs de concentration du tritium dans les organismes vivants ou dans les sédiments, il est nécessaire de recourir à des techniques d’analyse plus fines. C’est ce que permet en particulier la technique de mesure de l’hélium-3 (3He) par spectrométrie de masse. Le principe de cette technique consiste, dans un premier temps, à laisser décroître le tritium de l’échantillon à analyser dans un récipient étanche, afin d’accumuler une quantité suffisante d’hélium-3 (descendant stable du tritium), puis de mesurer cette quantité d’hélium à l’aide d’un spectromètre de masse. La limite de détection est d’autant plus basse que l’échantillon aura été laissé en décroissance pendant une longue durée ; par exemple, la décroissance du tritium pendant 6 mois dans un échantillon de 0,5 L d’eau permet de mesurer le tritium avec une limite de détection de 0,003 Bq/L. Cette technique de mesure doit être réservée de préférence aux études radioécologiques sur le comportement du tritium car, en raison des délais importants d’obtention des résultats, elle ne convient pas pour une surveillance de routine de l’environnement d’une installation rejetant du tritium. La qualité des techniques de mesure ne suffit pas à garantir la pertinence des résultats obtenus. En effet, une partie du tritium des échantillons (tritium libre, essentiellement) pouvant avoir une forte propension à s’échanger avec la vapeur d’eau de l’air ambiant, le manque de précaution au cours des étapes de collecte, de conditionnement des échantillons et de préparation préalable de l’échantillon avant mesure, peut entraîner des échanges incontrôlés de tritium avec le reste de l’environnement. Il peut en résulter soit une perte partielle de tritium si la vapeur d’eau ambiante est moins tritiée, soit au contraire un accroissement de la concentration du tritium lorsque l’activité initiale du tritium dans l’échantillon est très faible (exemple : eau profonde de l’Atlantique, où l’activité du tritium est de l’ordre de la dizaine de mBq/L). Dans un tel cas, le résultat de mesure obtenu pour l’échantillon peut être non représentatif de l’état réel du milieu échantillonné. 2 2 2 Expression des résultats de mesure du tritium On constate une disparité dans l’expression des résultats de mesure du tritium présentés dans les nombreuses publications scientifiques et techniques traitant du tritium dans l’environnement. Cette situation peut nuire à l’interprétation des résultats et à la comparaison des études. Compte tenu des propriétés du tritium décrites au paragraphe 2.1, il est recommandé de préciser la forme chimique du tritium mesurée lorsqu’on s’intéresse aux phénomènes de transfert et à l’évaluation de l’impact radiologique. Pour les échantillons biologiques, les sols et les sédiments, il convient au moins de distinguer le tritium libre et le tritium organiquement lié ; il est également souhaitable de connaître la fraction non échangeable du tritium organiquement lié, dont la rémanence peut être significativement plus élevée (cf. § 3). En pratique, selon les laboratoires ou les auteurs de publications, l’« OBT » peut signifier soit la totalité du tritium organiquement lié, soit uniquement sa fraction non échangeable, ce qui rend parfois difficiles les comparaisons des résultats des différents auteurs. Pour les calculs de dose, il est nécessaire d’utiliser des résultats de mesure exprimés soit en Bq/kg (frais) (ou Bq/L pour les liquides) pour les denrées consommables par l’homme, soit en Bq/m3 pour l’air respiré. En revanche, pour suivre et étudier l’impact environnemental du tritium, il est préférable d’exprimer tous les résultats en Bq/L (Bq/L d’eau de distillation pour la fraction HTO et Bq/L d’eau de combustion pour la fraction OBT) quelle que soit la forme chimique initiale du tritium, afin de faire abstraction des différences d’hydratation et de teneur en matière organique des différentes matrices étudiées. L’expression des résultats sous cette forme est également cohérente avec les protocoles analytiques couramment utilisés, qui conduisent à transformer le tritium de l’échantillon en eau tritiée. Quelle que soit la forme chimique initiale du tritium, l’activité volumique de l’eau tritiée obtenue par combustion de l’échantillon (pyrolyse et oxydation complète des gaz de combustion) est représentative du rapport entre le nombre d’atomes de tritium et le nombre d’atomes d’hydrogène de l’échantillon2. L’étude de l’activité de l’eau tritiée des échantillons de l’environnement prélevés à plus ou moins grande distance des sources d’émission permet de suivre et de comparer les processus de dilution du tritium au sein de l’hydrogène stable présent dans les différents constituants de l’environnement, principalement l’eau et la matière organique. Il est également possible d’évaluer d’éventuels déséquilibres de concentration du tritium au sein d’un organisme vivant (en comparant l’activité du tritium organiquement lié à celle du tritium libre) ou entre un organisme vivant et son milieu ambiant (vapeur d’eau de l’air, eau du sol ou milieu aquatique). On emploie alors la notion de « facteur de concentration », celui-ci étant défini comme le rapport des activités de l’eau tritiée mesurées dans chacun des deux compartiments étudiés ; il s’agit d’un paramètre macroscopique et empirique, dont l’interprétation nécessite de tenir compte des processus physiques et biologiques contrôlant les transferts de tritium (voir aussi le § 3). 2 2 3 Conclusions concernant les mesures de tritium L’IRSN souligne que le choix d’une technique analytique pour le tritium doit être adapté à l’objectif principal poursuivi : • la technique de mesure par scintillation liquide est suffisante pour la surveillance de routine visant à détecter rapidement toute élévation anormale de l’activité du tritium dans l’environnement et, généralement, on peut se satisfaire d’une mesure du tritium total ; • par contre, pour suivre et comprendre le devenir du tritium dans l’environnement, il est nécessaire de recourir à des techniques plus fines (mesure par spectrométrie de masse de l’hélium-3), en distinguant systématiquement le tritium libre (HTO) et le tritium organiquement lié (OBT) dans les échantillons biologiques, dans les sols ou dans les sédiments. 2 Par exemple, si l’hydrogène stable (H) et le tritium (T) sont constitutifs de molécules organiques ayant une formule de type CHn-xTx, l’oxydation complète de ces molécules entraîne la production d’eau tritiée contenant x HTO et (½n-x) H2O, qu’on peut également exprimer sous la forme globale Hn-xTxO ; dans tous les cas, le rapport (nombre d’atomes de tritium)/(nombre d’atomes de l’élément hydrogène) est identique et vaut x/n.

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