Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

228 Point de vue de l’IRSN sur les questions clés et sur les pistes de recherche et de développement Les molécules d’eau ont une propriété de dissociation partielle (ou ionisation) en ions H+ (hydratés avec une molécule d’eau pour devenir H 3 O+) et OH-  ; dans le cas de l’eau tritiée, les équilibres suivants s’établissent : HTO H+ + OTT+ + OHou L’état d’équilibre dépend des réactions acido-basiques avec les autres espèces chimiques en solution, déterminant le pH de l’eau, pouvant conduire l’élément hydrogène (H+ ou T+) ou l’ion hydroxyle (OH- ou OT-) à se lier à des molécules basiques ou acides, dont certaines peuvent être des molécules organiques. Il résulte de cette propriété fondamentale une capacité d’échange rapide du tritium de l’eau tritiée avec l’ensemble des molécules d’eau et des substances ayant des fonctions acido-basiques, présentes dans le milieu récepteur. Le tritium de l’eau tritiée absorbée par les animaux et les plantes peut ainsi se retrouver rapidement dans les milieux extracellulaire et intracellulaire, associé au cytosol (solution cellulaire) ou lié à des molécules organiques. La plupart des végétaux terrestres et aquatiques, dits autotrophes, ont la capacité de synthétiser des molécules organiques à partir de carbone, d’hydrogène et d’azote minéraux, grâce à la photosynthèse qui entraîne l’intégration d’atomes d’hydrogène dans des glucides selon la réaction schématique type suivante : CO 2 + 2 H 2 O + lumière (hν) →CH 2 O + O 2 + H 2 O Lorsque la photosynthèse se fait en présence d’eau tritiée, du tritium peut être intégré aux glucides synthétisés et se retrouver ainsi lié à la matière organique. Le métabolisme du végétal entraîne la synthèse d’autres composants organiques (glucides, lipides, protéines, acides aminés...) qui peuvent, à leur tour, contenir du tritium. Pour l’ensemble des animaux, qui sont des organismes hétérotrophes, la biosynthèse des molécules organiques nécessaires à la constitution des cellules et des tissus ainsi qu’au métabolisme est uniquement réalisée à partir de molécules organiques venant de l’alimentation. Si l’alimentation comporte des molécules organiques tritiées, le tritium ainsi incorporé peut se retrouver plus ou moins durablement fixé à des constituants biologiques de l’organisme vivant1. Il convient de souligner qu’en raison de la différence de masse atomique entre l’hydrogène stable (1) et le tritium (3), ce dernier a tendance à être défavorisé lors des réactions enzymatiques, ce qui conduit ainsi à un certain fractionnement isotopique en faveur de l’hydrogène stable lié à la matière organique. En conclusion, l’IRSN estime que les processus physico-chimiques et biologiques déterminant le devenir du tritium, en tant qu’isotope radioactif de l’hydrogène, sont bien connus dans leur ensemble, et n’a identifié aucun phénomène susceptible de conduire à concentrer davantage le tritium dans la matière organique que l’hydrogène stable dont il suit le même comportement. La bonne compréhension du devenir du tritium dans l’environnement nécessite de déterminer sa forme chimique (appelée aussi « spéciation »). Les principales formes de tritium habituellement considérées dans les études environnementales : •eau tritiée : eau contenant du tritium sous forme moléculaire (HTO) ou ionisée (T+ ou OT-) ; on parle également de « tritium libre » pour l’eau tritiée tissulaire (intra ou extracellulaire) d’un échantillon biologique ; • tritiumorganiquement lié (TOL) ou« organically bound tritium » (OBT) : tritium lié à des molécules organiques, soit facilement échangeable (TOL-E) comme par exemple le tritium associé à un radical acide, soit non-échangeable (TOL-NE) car fixé par une liaison covalente. 2 2 La mesure du tritium dans les rejets et dans l’environnement 2 2 1 Les techniques de prélèvement et de mesure La quantification du tritium dans les milieux physiques de l’environnement (atmosphère, hydrosphère) et les rejets d’effluents des installations se fait à l’aide de mesures sur des échantillons d’eau obtenus : • soit par des prélèvements d’eau (eaux de surface, eaux de mer, eaux souterraines, eaux de pluie) ou par condensation de l’eau évaporée à partir d’un prélèvement d’effluent liquide (technique de la lentille de glace) ; • soit par la collecte de vapeur d’eau de l’air (ou des effluents gazeux) à l’aide de barboteurs (aspiration d’air à travers un volume d’eau pauvre en tritium), de colonnes desséchantes solides ou de dispositifs de condensation (système PREVAIR mis au point par l’IRSN). Il est à noter que ces techniques de prélèvement ne permettent généralement de quantifier que le tritium sous forme d’eau tritiée (HTO). Par conséquent : • dans les effluents gazeux et dans l’air : le tritium présent sous forme de gaz dihydrogène (HT) ou de méthane (CH 3 T) n’est pas recueilli lors des prélèvements, sauf si le dispositif comprend une étape d’oxydation catalytique de l’hydrogène de l’air ; ces formes chimiques du tritium gazeux ne sont donc pas quantifiées en routine, mais il est admis qu’elles sont minoritaires dans les rejets, par rapport à la forme HTO (moins de 5 % des rejets gazeux de tritium pour les centrales nucléaires) ; • dans les effluents liquides et dans les milieux aquatiques continentaux ou marins : le tritium lié à la matière organique en suspension ou en solution dans l’eau n’est pas spécifiquement quantifié. Or, comme on le verra au paragraphe 3.2, il est important de connaître la part du tritium éventuellement lié à des molécules organiques dans l’eau, notamment pour interpréter d’éventuelles valeurs de facteurs de concentration montrant un déséquilibre entre certains organismes aquatiques et le milieu ambiant. Pour les échantillons biologiques (végétaux, animaux) ou solides (sédiments, sols), un traitement préalable est généralement nécessaire d’une part pour mettre le tritium sous une forme mesurable (eau tritiée), d’autre part pour quantifier séparément le tritium libre (eau tritiée contenue dans les échantillons) et le tritium lié à la matière organique (matière vivante, humus ou matière organique sédimentée). L’extraction du tritium libre (HTO) se fait habituellement par séchage, préférentiellement par lyophilisation, suivi de la collecte par condensation de l’eau évaporée. La fraction sèche résultant de ce traitement contient le tritium lié à la matière organique (TOL ou OBT) ; selon la technique analytique utilisée (notamment pour l’analyse par scintillation liquide), le tritium organiquement lié peut être transformé en eau tritiée (HTO) par combustion de la matière organique, cette eau tritiée étant ensuite récupérée pour analyse. Pour des études plus fines sur l’état du tritium dans la matière organique, une étape préalable à la combustion (lessivage de l’échantillon dans de l’eau non tritiée) permet de séparer le tritium organiquement lié échangeable (TOL-E) qui migre dans l’eau de lessivage et le tritium organiquement lié non échangeable (TOL-NE) qui reste dans la fraction solide de l’échantillon. Certains laboratoires réalisent également des mesures du tritium total contenu dans l’échantillon (HTO+OBT) en effectuant une oxydation chimique complète de celui-ci (à l’aide d’acide chromique) puis en récoltant l’eau de distillation de l’échantillon oxydé. 1 Le métabolisme énergétique (cycle de Krebs) des cellules conduit également à intégrer dans des molécules organiques de l’hydrogène venant de molécules d’eau

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