Livre blanc du Tritium & bilan des rejets de tritium pour les INB

134 Origine, modes de gestion et évaluation de technologies de piégeage en vue de réduire les rejets Cependant, la maîtrise des risques de sûreté (risques de fuite de gaz tritiés et de sulfure d’hydrogène toxique et corrosif [7]) liés à ce procédé est particulièrement délicate. De même, le risque d’explosion, de plus sous pression, associé aux couples H 2 /NH 3 et H 2 /CH 3 NH 2 n’est pas acceptable dans le cas d’une usine de traitement du combustible usé. En conséquence, ces procédés sont exclus. Le couple H 2 O/H 2 est mis en œuvre dans les unités de retitrage des réacteurs à eau lourde de l’ILL (Institut Lauë-Langevin) à Grenoble (réacteur de recherche) et les réacteurs CANDU commerciaux des centrales de Darlington (Canada) et Wolsong (Corée). Dans ce cas, l’objectif second est de réduire l’activité en tritium du modérateur à quelques centaines de GBq/L (du tritium est produit par les réactions d’absorption neutroniques sur le deutérium et certains éléments légers) afin de limiter les risques d’exposition des travailleurs. Dans le procédé d’échange chimique, le flux d’eau lourde à purifier est mis en contact avec un flux de dihydrogène lourd purifié. L’hydrogène léger est préférentiellement extrait par le dihydrogène. Alors que le tritium se partage entre les deux flux. Un rapport molaire entre le flux de dihydrogène et le flux d’eau lourde est requis pour réaliser la décontamination en tritium de l’eau lourde. Le flux de dihydrogène est ensuite purifié vis-à-vis de l’hydrogène léger et du tritium dans une unité de distillation cryogénique. Plusieurs colonnes sont mises en série afin de concentrer le tritium récupéré dans un flux de volume réduit en vue de sa valorisation. Le facteur de concentration en tritium requis est très élevé. En revanche, le facteur de décontamination en tritium requis est modéré car le flux décontaminé est recyclé dans le réacteur. Les unités de Grenoble et Darlington sont basées sur le procédé VPCE (Vapor Phase Catalytic Exchange). Dans ce procédé, le couple H 2 O/H 2 est mis en œuvre en phase gaz homogène à 200°C en présence d’un catalyseur. Le principal inconvénient du procédé VPCE est lié à la mise en œuvre en phase gaz homogène : plusieurs équipements différents doivent être combinés à chaque étage théorique pour constituer un schéma à contre-courant. Par ailleurs, les facteurs de séparations obtenus sont faibles. Nota : • Le bailleur de procédé est le CEA. L’unité de Grenoble a été construite par Sulzer. AECL (Atomic Energy of Canada Ltd), en développant un catalyseur qui conserve son efficacité lorsqu’il est mouillé, a permis de mettre en œuvre le couple H 2 O/H 2 en phase hétérogène, dans une colonne garnie de lavage de gaz. De plus, les conditions de fonctionnement sont plus proches de l’ambiant : • la température de fonctionnement est de l’ordre de 60 à 70°C, ce qui permet d’obtenir des facteurs de séparation plus élevés • le procédé est sous pression atmosphérique. Ainsi, le procédé LPCE (Liquid Phase Catalytic Exchange) permet de réduire considérablement la taille des installations de retitrage et de détritiation du modérateur des réacteurs à eau lourde. Les catalyseurs utilisés sont des matériaux à base de platine rendus hydrophobes à l’aide d’un traitement spécifique. Le catalyseur permet l’échange de l’hydrogène entre la vapeur d’eau et le dihydrogène. Un garnissage hydrophile est ajouté pour assurer l’échange de l’hydrogène entre l’eau liquide et la vapeur d’eau. De nombreuses déclinaisons du procédé ont été proposées en fonction de la nature et de l’agencement des matériaux du garnissage de la colonne. Ce procédé a été mis en œuvre à l’échelle industrielle dans l’unité de purification du circuit de modérateur des réacteurs CANDU de la centrale de Wolsong (Corée) géré par KHNP. Pour cette application, le bailleur de procédé est AECL. Les études d’ingénierie ont été réalisées par la société Kinectrics. Le développement du garnissage de la colonne LPCE a été pris en charge par KAERI et KEPRI. Des études similaires sont en cours pour la centrale de Cernavoda (Roumanie). Le procédé mis en œuvre dans l’unité de Wolsong ne peut être appliqué à la séparation du tritium des effluents liquides tritiés. En effet : • d’une part, les isotopes lourds de l’hydrogène ont une plus grande affinité pour l’eau, • d’autre part, les facteurs de séparation T/H sont plus élevés que les facteurs de séparation T/D. Ainsi, la mise en œuvre de ce procédé nécessiterait un débit molaire de dihydrogène environ 5 fois supérieur au débit d’eau à traiter. En conséquence, dans le cas de la séparation du tritium des effluents liquides tritiés, le procédé LPCE doit être combiné à un procédé de conversion de l’eau en dihydrogène. Nota : • La mise en œuvre du couple H 2 O/H 2 en configuration bithermique avec recirculation du flux d’hydrogène comparable au procédé Girdler-Sulphide permet de supprimer l’étape de conversion. Cependant, la pression de fonctionnement de ce procédé est de l’ordre de 50 bars ce qui n’est pas acceptable pour une usine de traitement du combustible usé. Le procédé CECE (Combined Electrolysis Catalytic Exchange) combinant l’électrolyse avec le procédé LPCE est considéré comme la combinaison la plus efficace. Ce procédé est aujourd’hui le procédé de référence pour le traitement des effluents liquides d’une unité de fusion thermonucléaire. Le schéma de principe du procédé CECE est présenté sur la figure 8. De nombreux développements sont réalisés dans le cadre du projet ITER. Dans les applications correspondantes, le procédé CECE est combiné à une unité de distillation cryogénique afin de valoriser le tritium récupéré. Figure 8. Schéma de principe du procédé CECE Les inconvénients du procédé CECE résident dans les coûts d’investissement et de développement liés au catalyseur, les coûts de fonctionnement liés à l’électrolyse et les risques d’explosion liés au fonctionnement sous atmosphère de dihydrogène. Nota : • Des variantes du procédé CECE basées sur des technologies d’électrolyse à haute température sont en cours de développement. Ces technologies d’électrolyse permettent de réduire considérablement la consommation d’énergie et de rendre le procédé économiquement viable pour d’autres applications. Cependant, de nombreux développements sont nécessaires avant d’appliquer ces procédés dans les installations de fusion thermonucléaire ou pour la décontamination d’effluents liquides tritiés.

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