Contrôle n°201

CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 56 Contrôle : quels sont les rôles du SDIS ? Benoît Maurin: depuis 1996, chaque dépar- tement est doté d’un service départemental d’incendie et de secours (SDIS) composé de sapeurs-pompiers professionnels et volon- taires. Outre le combat contre les feux, ce service est chargé de la lutte contre les sinistres et catastrophes, de l’évaluation et la prévention des risques technologiques ou naturels, et des secours d’urgence. Certains SDIS, comme celui de la Drôme, ont mis en place des cellules mobiles d’intervention radiologique (CMIR). Celles-ci interviennent pour tout incident ouaccident impliquant des matières radioactives: mesure des rayonne- ments émis, établissement du périmètre de sécurité; identification et confinement des radioéléments, décontamination succincte… Comment la CMIR 26 intervient-elle ? Le SDIS 26 dispose de plus de 120 sapeurs- pompiers formés aux risques radiologiques et deux officiers qualifiés « Personnes com- pétentes en radioprotection ». Ces équipes d’intervention reposent sur trois véhicules dotés des appareils de mesure des rayonne- ments, d’équipements de protection indivi- duelle, de matériels de radioprotection, de prélèvement et de moyens de transmission des données récoltées. Une CMIR est consti- tuée au minimum de six personnes placées sous l’autorité d’un officier sapeur-pom- pier professionnel et mobilisable 24h/24. Trois officiers, dont moi-même, sont formés « conseiller technique en risques radiolo- giques » (RAD4) et peuvent assurer une mission de conseil auprès du préfet. Comment participe-t-elle aux exercices? La Drôme a sur son territoire la centrale nucléaire EDF du Tricastin, la plateforme Areva du Tricastin, les usines Areva de Romans. Nous sommes aussi proches de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse, en Ardèche. Tous ces établissements réalisent des exercices de crise auxquels participe le SDIS. Le prochain est programmé les 13 et 14 décembre 2016 autour de Cruas- Meysse. Notre action de terrain se focalise le plus souvent sur la prise de mesures et de prélèvements dans l’environnement pour alimenter les modèles numériques de l’IRSN. Nous participons au poste de com- mandement opérationnel (PCO) autour du sous-préfet de l’arrondissement et au centre opérationnel départemental (COD) piloté par le préfet. Ensemble, nous y veillons à la prise en compte des spécificités du risque radiologique: premiers contrôles radiolo- giques des populations par exemple ou radioprotection des intervenants. Quel bilan tirez-vous de ces exercices ? Ils sont très instructifs. Leur premier intérêt est de favoriser les échanges et le partage des pratiques. Les exercices réunissent des gendarmes, des policiers, des représentants de l’État, des élus, des experts, etc., et mettent en évidence leur complémentarité. Ceux qui se jouent en temps réel permettent également de valider les passages de relais d’expertise. Dans les premières heures suivant un inci- dent, les sapeurs-pompiers sont seuls sur site. Ils agissent en lien avec le préfet, lui-même en contact avec les centres nationaux de l’ASN et de l’IRSN. Une fois, tous les experts ter- rain présents, les missions se réorganisent. En PCO, l’IRSN prend le relais de la ges- tion technique des mesures. En COD, l’offi- cier RAD4 est rejoint par les personnels de l’ASN et de l’exploitant. Les contacts noués dans le cadre des exercices se poursuivent au- delà: des ingénieurs de l’IRSN interviennent ainsi dans la formation RAD4. Quels sont les axes de progrès ? Il me semble regrettable que les sapeurs- pompiers ne soient pas systématiquement associés à l’élaboration du scénario. Une crise nucléaire est une crisemajeure de sécu- rité publique. Or, nous sommes les mieux placés pour connaître les mesures liées à notre domaine d’action. En lien avec les installations nucléaires locales, les sapeurs- pompiers ont établi des protocoles d’inter- vention intégrant des réponses aux situations accidentelles que le scénario doit prendre en compte. Il y a, par exemple dans la Drôme, des installations nucléaires de base où il ne faut pas introduire d’eau. Il est préférable que les scénaristes nous consultent avant de déroger à cette règle. Une limite des exer- cices de crise réside dans leur caractère trop éloigné de la réalité. Les décisions prises par le poste de commandement demandent une réactivité immédiate. Or, les actions qui en découlent sur le terrain (circuit de mesure, mobilisation des équipes d’intervention…) exigent du temps. Si celui-ci est compressible en situation fictive, il ne l’est pas en situation réelle sur le terrain. Ces temporalités ont du mal à cohabiter dans le même exercice. Une mise en scène plus réaliste est une piste d’amélioration dans la gestion de la popu- lation. Les exercices peuvent impliquer des personnes mais en nombre très limité. De nombreuses incertitudes ne sont pas ainsi levées en exercice: combien de temps faut- il, par exemple, pour mobiliser un grand nombre de bus afin d’évacuer les enfants des établissements scolaires? Quelle perception la CMIR a-t-elle de la gestion de crise dans le nucléaire, en comparaison avec celui des ICPE ? La gestion de crise dans le nucléaire et dans les ICPE ne se conduit pas dans le même espace-temps. Plus ponctuelle dans une ICPE, elle se déroule sur plusieurs semaines voire plusieursmois dans le secteur nucléaire. Cette spécificité complexifie le processus de prise de décision surtout en situation d’in- certitude où il devient difficile de prendre des mesures de protection des populations aux effets sanitaires, sociaux et économiques déterminants sur le long terme. La gestion de crise nucléaire mobilise des acteurs diffé- rents: lors d’un accident d’ICPE, la gestion du risque est pilotée par le préfet avec ses partenaires (SDIS, DREAL, ARS…); dans le cas du nucléaire, le préfet est en contact avec des acteurs spécifiques (ASN, IRSN) avec lesquels il a peu d’échanges habituellement. Enfin, la culture du risque est plus forte dans le nucléaire que dans les ICPE. Les contrôles et les exercices de crise y sont très poussés. C’est un élément rassurant à mes yeux. LE SDIS DE LA DRÔME ET LES EXERCICES DE CRISE Par le commandant Benoît Maurin, conseiller technique départemental et zonal en risques radiologiques de la Drôme © DR RETOUR D’EXPÉRIENCE Les exercices de crise

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