Contrôle n°201

CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 50 Contrôle : quel est le rôle de la MARN dans les exercices de crise ? Des exercices de crise nucléaire sont orga- nisés en France depuis une trentaine d’an- nées. Au sein du ministère de l’Intérieur dont relèvent les préfectures, la MARN a été créée en 1995 pour assurer l’interface entre les acteurs du monde nucléaire (les exploitants, l’ASN, l’IRSN) et les pouvoirs publics, aux niveaux national (ministère de l’Intérieur) et local (préfecture). Il faut souligner que le domaine nucléaire est ainsi le seul à bénéficier d’un accompagnement spécifique sur le plan territorial. Une dizaine d’exercices de crise sont orga- nisés chaque année afin d’acculturer les départements aux spécificités de la ges- tion du risque nucléaire. Ils font interve- nir l’exploitant et la préfecture qui pilote sur le terrain l’action des services décon- centrés de l’État (secours, forces de l’ordre, éducation nationale, agences régionales de santé, agriculture…). La division régio- nale de l’ASN est également mobilisée. Les acteurs nationaux (ASN, IRSN, exploitant) gèrent à cette occasion leurs propres centres de crise. Le niveau gouvernemental n’est en revanche pas joué dans ce type d’exer- cices. Cet échelon est mobilisé une fois tous les deux ou trois ans à travers le gréement de la Cellule interministérielle de crise (CIC) dans le cadre des exercices majeurs SEC NUC pilotés par le Secrétariat géné- ral de la défense et de la sécurité nationale dont le dernier a eu lieu en septembre 2016. Chaque exercice nécessite six mois de pré- paration. Avant chacun d’entre eux, la préfecture concernée et la MARN orga- nisent une réunion de lancement pour caler l’ensemble du dispositif prépara- toire puis mettent en place un comité de pilotage auquel s’ajoutent des groupes de travail thématiques (scénario, commu- nication, protection des populations…). La communication constitue un aspect important. La MARN est ainsi chargée de coordonner l’organisation de la pression médiatique simulée afin que des journa- listes sollicitent les participants pendant les exercices. L’objectif est d’entraîner les communicants de chaque entité et de s’as- surer de la cohérence des messages qu’ils véhiculent. Une attention particulière est également apportée en amont, à l’informa- tion à la population, de manière à l’associer le plus possible à la démarche. Un mois avant l’exercice, une réunion d’informa- tion à vocation pédagogique est ainsi sys- tématiquement organisée avec l’appui des parties prenantes concernées (exploitant, ASN, commission locale d’information) afin d’échanger avec la population. Pendant l’exercice, la MARN est en appui pédago- gique de la préfecture pour accompagner la réponse sur le terrain. La MARN peut aussi intervenir en cas de crise réelle, en appui du ministère de l’intérieur au niveau national et en appui du préfet au niveau local, comme ce fut le cas lors de l’incident de Centraco Marcoule en septembre 2011. Notre travail consiste à mettre en pers- pective les appréciations techniques et les recommandations des experts nucléaires et à les traduire de manière opérationnelle pour un préfet. Comment tirez-vous les leçons de ces exercices ? Nous nous appuyons sur deux retours d’ex- périence. Le premier est conduit au niveau national par les autorités de sûreté (l’ASN ou l’ASND lorsqu’il s’agit d’une installation défense), le second est conduit au niveau local par le préfet. Il s’agit alors de mettre en perspective les enseignements à tirer de l’exercice avec ceux des exercices non nucléaires. Notre enjeu est en effet d’inté- grer toutes les spécificités et les forces du dispositif nucléaire, mais aussi d’assurer la cohérence avec les dispositifs « classiques » du ministère de l’Intérieur. Il est important de ne pas créer de décalage et de veiller à ce que les dispositifs nucléaires soient ados- sés au droit commun de la gestion de crise classique. Autre point important: si le dis- positif de gestion de crise nucléaire est très pointu techniquement, le préfet est quant à lui confronté à la réalité du terrain. Le passage des recommandations techniques à la mise en œuvre opérationnelle reste de sa responsabilité au terme d’une analyse bénéfices/risques tenant compte de mul- tiples critères (sanitaires, sociaux, écono- miques, matériels, etc.). Un préfet, peut par exemple, pour éviter un découpage com- plexe de son territoire, décider d’étendre les zonages techniques proposés pour les faire coïncider avec les limites administratives (commune), naturelles (cours d’eau), arti- ficielles (autoroute ou voie ferrée) du ter- ritoire. Il s’agit donc de mettre l’expertise technique du nucléaire au service de la réa- lité opérationnelle sur le terrain. Quels axes de progrès avez- vous identifiés grâce à ces retours d’expérience ? Il est indéniable que les exercices ont permis d’acculturer les préfectures et les populations aux risques nucléaires. Les efforts déployés pour faciliter la compré- hension par les préfectures des spécificités du nucléaire sont payants. Après chaque exercice, il apparaît que le territoire est mieux préparé: la population et les services associés appréhendent mieux les risques et la conduite à tenir, la réponse des services préfectoraux est optimisée. Il s’avère cependant que si l’interface entre le monde nucléaire et le préfet a été opti- misée, la mise en œuvre des mesures de protection des populations aurait aussi mérité plus d’attention. Ce constat nous a conduits à mettre en place, depuis plusieurs années, des scénarios sur deux jours. La première journée reste à dominante « sûreté nucléaire », on y teste surtout la chaîne décisionnelle, et son scénario est, comme auparavant, établi par l’IRSN et/ou l’ex- ploitant (voir article page 45). La seconde est davantage axée sur la pratique avec la préparation et la mise en œuvre de mesures de protection de la population (évacuation, mise à l’abri, ingestion des comprimés d’iode) et la gestion post-accidentelle (res- trictions alimentaires, etc.). L’élaboration du scénario du deuxième jour relève de la METTRE L’EXPERTISE TECHNIQUE DU NUCLÉAIRE AU SERVICE DE LA RÉALITÉ TERRITORIALE Entretien avec Rémi Laffin et Bertrand Domeneghetti, pilotes de la Mission nationale d’appui à la gestion du risque nucléaire (MARN) à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) © DR © DR RETOUR D’EXPÉRIENCE Les exercices de crise

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