Contrôle n°201

DÉCEMBRE 2016 | N° 201 | CONTRÔLE 5 Les impacts de la catastrophe en Europe et en France Les premières réactions L’ annonce de la catastrophe de Fukushima le 11 mars 2011 a d’abord été un choc pour l’ASN, même si André- Claude Lacoste 1 avait souligné, à plu- sieurs reprises, qu’ « un accident grave était possible ». Il a ensuite fallu se mobiliser très vite pour rassembler un maximum d’informations et s’organiser. Le centre d’urgence a été immédiatement gréé, et nous avons déployé toute notre énergie pour essayer de comprendre la situation au Japon, pour informer les médias et la population, et pour conseiller les pou- voirs publics, en particulier au sujet de la protection des ressortissants français qui se trouvaient au Japon. Un travail très important, qui, rétrospectivement, a été, je pense, correctement mené. Il n’y avait pas de conséquences sani- taires en France, mais l’événement nous a permis de mesurer quelle serait la pression dans le cas où un accident se produirait dans un périmètre plus proche de nous. J’ai par la suite parti- cipé à la première mission internatio- nale qui s’est rendue sur le site quelques semaines après la catastrophe. L’ état de la centrale de Fukushima Daiichi – un encombrement de camions, d’algues, de digues détruites par le tsunami – les conditions dans lesquelles les Japonais travaillaient, l’ampleur des problèmes qu’ils avaient à résoudre… c’était terrible ! Un autre aspect très frappant était le degré de désorganisation dans la gestion de la crise japonaise généré par l’accident. Ces expériences m’ont beaucoup mar- qué et ont un peu « désintellectualisé » la vision que je pouvais avoir des acci- dents nucléaires de grande ampleur. Une collaboration exceptionnelle en Europe comme en France Dès le 24 mars, le Conseil européen s’est réuni et a demandé que des stress tests soient réalisés sur les installations euro- péennes. Les spécifications ont été rédi- gées dans des délais très serrés par un groupe de travail rassemblant les auto- rités de sûreté européennes (Western European Nuclear Regulators Association – WENRA). Dans chacun des pays membres, l’autorité de sûreté compé- tente a demandé aux exploitants d’ana- lyser, à la lueur des premières leçons tirées de Fukushima, la robustesse de leurs installations et d’en améliorer la sûreté. Chaque autorité a rédigé son rap- port. S’en est suivi tout un processus de revues croisées des rapports natio- naux, qui a abouti à des conclusions par pays et par thèmes techniques (résis- tance aux séismes, aux inondations, gestion des accidents graves…). Cette opération gigantesque s’est déroulée sur une période très courte : entre le 1 er  juin 2011 et la fin avril 2012. On ne peut que souligner l’intense mobilisa- tion et la collaboration exceptionnelle de tous les pays européens sur le sujet. La démarche française des ECS s’est insé- rée dans l’approche européenne, mais avec un périmètre plus large. Contrairement aux stress tests européens qui n’ont concerné que les réacteurs de puis- sance, elle a mené dans le même temps une opération analogue sur les installa- tions de recherche et du cycle du com- bustible. Autre originalité française: le concept de noyau dur, qui consiste en un ensemble de dispositions FUKUSHIMA : RETOUR SUR LES IMPACTS EN FRANCE ET LA SITUATION AU JAPON Par Philippe Jamet, commissaire de l’ASN Le 11 mars 2011, l’annonce de la catastrophe de Fukushima a traversé le monde comme une onde de choc. Une fois passée la stupeur, elle a donné lieu à une mobilisation générale en Europe comme en France. D’abord, dans les premiers instants, pour gérer la crise ; puis, dans les mois qui ont suivi, pour analyser, à la lueur des enseignements tirés de la catastrophe, la robustesse des installations nucléaires et améliorer leur sûreté, dans le cadre des fameux stress tests européens, ou de leur pendant français, les évaluations complémentaires de sûreté (ECS). Cette collaboration exceptionnelle entre les autorités de sûreté et les exploitants, en Europe comme en France, a été marquée par la volonté d’impliquer toutes les parties prenantes et d’harmoniser les pratiques entre les pays. Le Japon s’est quant à lui attaché à reconstruire son système de contrôle de la sûreté nucléaire, avec la mise en place d’une autorité de sûreté réellement indépendante, à même d’autoriser ou non la reprise de fonctionnement d’un certain nombre de centrales. Parmi les autres défis majeurs qui lui restent à relever: la réhabilitation du site de l’accident et la gestion du retour des populations dans les zones qui ne pourront jamais être totalement décontaminées. L ’ e s s e n t i e l © V. BOURDON/ASN 1. Directeur général puis président de l’ASN de 1993 à 2012.

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