Contrôle n°201

CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 46 LES EXERCICES DE CRISE AVEC PRESSION MÉDIATIQUE SIMULÉE Par Emmanuel Bouchot, responsable de l’information du grand public, et Max Robin, responsable éditorial on-line à l’ASN « T oute crise est aussi une crise d’information. Qui ne maîtrise pas l’information, ne maîtrisera pas la crise – même dans ses aspects opérationnels » 1 . Les accidents nucléaires (ThreeMile Island, Tchernobyl, Fukushima) nous montrent à quel point le pilotage des crises – dans leur dimension technique mais aussi informa- tionnelle – est sensible et peut affecter non seulement la réputation d’une organisation mais plus fondamentalement la gestion de la crise elle-même. Une mauvaise gestion de l’information engendre une perte de confiance et, de proche en proche, une défiance vis-à-vis des messages transmis par les pouvoirs publics et les opérateurs. L’efficience des actions de protection des populations s’en trouve alors grandement menacée. S’entraîner à la communication de crise n’est donc pas une option mais une nécessité, c’est la raison d’être des exercices sous pression médiatique simu- lée (PMS). Tester, évaluer, s’améliorer Une dizaine d’exercices de crise nucléaire sont organisés chaque année en France, la moitié d’entre eux comporte une PMS. Les pouvoirs publics et les acteurs du nucléaire (ASN, IRSN, exploitants) doivent être capables d’assumer leurs missions, notamment celle qui concerne l’information du public. Ils doivent en particulier être capables de répondre aux sollicitations médiatiques : les exer- cices sont un moyen concret de s’assurer que les dispositifs – humain, organisa- tionnel et technique – mis en place sont opérationnels. La PMS, exercée par une agence spécialisée, fait appel à de vrais journalistes pour jouer leur propre rôle et « soumettre à la question » les différents acteurs concernés. La PMS entend tester l’organisation et le fonctionnement des cellules de communication de chaque acteur (réactivité, procédures, gréement, circuits de validation et de transmission de l’information) ainsi que la cohérence et la coordination des communications entre elles (la concertation, via notam- ment des audioconférences, joue ici un grand rôle), dans un contexte où les acteurs sont mis sous la pression d’un grand nombre de sollicitations. Elle entend également évaluer la qualité de la communication (clarté, transparence, pédagogie) de chaque acteur à travers ses communiqués de presse, tweets, inter- views, réponses téléphoniques, etc. Un retour d’expérience à chaud puis à froid est systématiquement organisé après chaque exercice. Les acteurs veillent à identifier les bonnes pratiques et les axes d’amélioration mis en évidence lors de ces exercices. Cette démarche a, par exemple, permis de mieux structurer les audioconférences de communication et de renforcer le gréement des cellules. L’enjeu n° 1 : préserver la crédibilité de chaque acteur La communication de crise nucléaire est une communication « sous tension ». Elle fait face à de nombreuses contraintes: un haut niveau de stress collectif, une multiplicité d’acteurs et un afflux de sollicitations (public, médias, élus, orga- nisations non gouvernementales – ONG), des sujets multiples et complexes (santé publique, environnement, technique, juridique), l’apparition de rumeurs et de polémiques, etc. Une erreur de commu- nication peut conduire à une perte de confiance dans les acteurs, à une mise en cause de leurs compétences et, plus grave, à un non-respect des conseils et consignes qu’ils peuvent être amenés à donner aux populations. En un mot : à une perte de crédibilité. Or la crédibilité conditionne l’efficience de la communi- cation prescriptive qui a pour but d’agir sur les comportements des personnes à qui elle s’adresse. En effet, il ne suffit pas de diffuser une consigne pour qu’elle soit respectée ; il faut être crédible pour sus- citer l’adhésion puis l’action. La PMS permet aux acteurs de travailler sans cesse sur les principaux facteurs de crédibilité que sont la transparence, l’em- pathie, la mobilisation et la compétence. Le citoyen est au cœur de cette démarche, car, en dernier ressort, c’est lui qui fera le choix d’agir ou de ne pas agir pour se protéger selon qu’il jugera crédibles ou non les messages reçus. Les progrès réalisés L’ intégration de la PMS dans les exercices de crise nucléaire date des années 2000. Depuis cette époque où les télécommu- nications se faisaient par téléphone et fax, de nombreux progrès ont été réalisés. Côté technique, afin de mieux refléter la réalité, l’utilisation d’une chaîne fac- tice d’information en continu, celle de la vidéo et de la radio ou encore des réseaux sociaux (Twitter en particulier) font désormais partie intégrante des vec- teurs de pression médiatique auquel les acteurs sont confrontés. Une pression dite « sociopolitique » (venant des ONG, élus) est aussi exercée lors des exercices majeurs. L’ASN teste quant à elle régulièrement son site Internet de crise lors des exercices. Cette pratique lui a permis de déployer rapidement ce site lors de l’accident de Fukushima. © ASN © ASN 1. Joseph Scanlon, directeur de l’unité de recherche sur les communications de crise, université Carleton à Ottawa (Canada). RETOUR D’EXPÉRIENCE Les exercices de crise

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