Contrôle n°201

DÉCEMBRE 2016 | N° 201 | CONTRÔLE 35 © DR Contrôle : comment avez-vous organisé la campagne de distribution des comprimés d’iode dans votre commune? Jean-Michel Catelinois : Saint-Paul-Trois- Châteaux est un gros bourg de 9 500 habi- tants situé dans le périmètre du PPI du site nucléaire du Tricastin (Drôme). Dès le lancement de la campagne, j’ai consti- tué une équipe de pilotage, avec l’adjoint délégué à la prévention des risques, l’ad- jointe déléguée à la politique scolaire et l’attaché de communication. Pour sensi- biliser la population et les ERP, nous nous sommes appuyés sur les outils du kit de communication transmis par le comité de pilotage de la campagne. Les affiches incitant les habitants à venir retirer leurs comprimés d’iode ont été placardées en grand format aux cinq entrées de la ville et dans les quartiers alentour. Notre objec- tif était aussi de toucher les villages envi- ronnants qui n’ont pas de pharmacie. La brochure d’information sur les comprimés d’iode et les comportements à adopter en cas d’alerte nucléaire a été distribuée avec le magazine municipal. Des affiches Les 6 réflexes pour bien réagir en cas d’acci- dent nucléaire ont également été diffusées auprès des commerçants et dans les éta- blissements municipaux. Au-delà, tous les canaux d’information ont été mobilisés : site Internet de la ville, réseaux sociaux, rencontres avec les habitants… Quels ont été les éléments marquants de cette campagne ? La sensibilisation des habitants est un axe fort de l’opération. C’est la clé de la réus- site. Le kit de communication a été dans ce cadre un outil précieux par rapport à la précédente campagne. Cette initiative a eu sans aucun doute un impact sur la participa- tion des habitants à la réunion publique du 13 janvier 2016. Organisée par le préfet du département en lien avec l’ASNet EDF, elle a réuni 80 habitants, bien plus qu’en 2009. Les intervenants, très pédagogues, ont répondu aux questions des participants: pourquoi prendre de l’iode? À quel moment? Que pouvez-vous dire des résultats ? Quelle est votre analyse du déroulement de la campagne aujourd’hui ? Trois pharmaciens ont assuré la distribution des comprimés d’iode: deux dans la com- mune et un dans l’arrière-pays. Chaque mois, ils nous ont transmis un état statis- tique. Dans les ERP communaux 1 , le taux de retrait a vite atteint les 100 %. Une remontée sans surprise, ceux-ci étant sous la responsabilité de lamairie, qui s’est beau- coup mobilisée. Au niveau des particuliers, nous sommes à près de 50 %. Un chiffre en dessous de nos espérances: pour beaucoup, l’intention était là mais le geste ne suivait pas. Plusieurs facteurs expliquent ce résul- tat en demi-teinte. D’abord, l’oubli du bon de retrait. Associé au courrier envoyé à chaque foyer, celui-ci doit être présenté au phar- macien pour obtenir les comprimés d’iode. Le pharmacien peut fournir les personnes inscrites dans la base de données sans pré- sentation de ce document, mais c’est une possibilité que nous n’avons pas souhaité mettre en avant. Notre objectif était de sus- citer une démarche volontariste respon- sable. Pour cette même raison, nous n’avons pas communiqué sur le fait que les habi- tants qui n’auraient pas retiré leurs com- primés les recevront toutefois par courrier à leur domicile. L’autre facteur important est lié à la banalisation du risque. Le site du Tricastin emploie de nombreux habitants et les familles se sentent très sécurisées. L’accident de Fukushima n’a d’ailleurs pas soulevé ici d’inquiétude particulière. Quelles actions ont été menées pour remotiver la population ? Début juillet, une campagne de relance téléphonique a été conduite par la préfec- ture. Même si elle a été perçue par certains comme un véritable rappel à l’ordre, cette action s’est révélée efficace. J’ai profité de cette dynamique pour réactiver l’informa- tion : nouvelle pose d’affiches, insertion d’un encart dans le magazine municipal, remise d’un bandeau d’information sur notre site Internet. Nous avons également lancé une application sur smartphone. Quel ressenti partagez-vous avec les maires membres de l’Arcicen ? Pour la trentaine de maires présents dans l’association, l’analyse est partagée: les rési- dents dans les zones PPI ne sont pas très sen- sibles au risque nucléaire. Ils ont tendance à le minimiser, à faire confiance aux exploi- tants. Nous réfléchissons ensemble au bon niveau de communication à adopter, au bon équilibre à trouver: informer sans inquié- ter. Une réunion s’est déroulée en septembre autour du thème: « Le risque existe, il faut s’y préparer ». N’ayant pas pu y assister, je vais étudier les retours des maires présents. Quel regard portez-vous sur votre rôle de maire dans le dispositif ? Le fait d’être impliqué dans la campagne de distribution d’iode 2016 en tant que membre du comité de pilotage de la cam- pagne nationale a été très motivant. J’ai pu suivre le déploiement de l’événement et apporter le regard d’un acteur du ter- rain. J’ai par exemple proposé de réduire le nombre de réunions publiques initialement prévu, au profit du rôle de proximité qui est celui du maire. Les réunions publiques sont en effet des dispositifs lourds, souvent peu fréquentées, alors que le maire peut être un relais beaucoup plus efficace, lors de ses multiples occasions de rencontres sur le terrain avec ses administrés. Cette implication doit se poursuivre dans la durée. Il est important d’entretenir la culture du risque et de la radioprotection, même après la campagne. Nous avons 1200 élèves sur la commune et comptons monter des actions avec les enseignants : rencontre avec des professionnels du sec- teur, exercices de mise à l’abri… Nous ferons aussi des piqûres de rappel dans nos différents supports sur Les 6 réflexes pour bien réagir. Et nous réfléchissons à d’autres initiatives. LE MAIRE EST UN RELAIS DE PROXIMITÉ ESSENTIEL AUPRÈS DE SES CONCITOYENS Entretien avec Jean-Michel Catelinois, maire de Saint-Paul-Trois-Châteaux et membre de l’Association des représentants des communes d’implantation de centrales et établissements nucléaires (Arcicen) 1. Le taux de retrait global des ERP (associations, entreprises et commerces) dans le PPI du Tricastin s’élevait à 33% au 20 décembre 2016.

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