Contrôle n°201

CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 30 © ALBAN GILBERT/EDF Contrôle : quel bilan dressez-vous de cette cinquième campagne de distribution de comprimés d’iode lancée en début d’année 2016 ? Les résultats sont-ils selon vous plutôt encourageants ? Bernard Le Guen : dans les différentes fonctions que j’ai occupées à EDF, j’ai eu l’occasion de suivre quatre des cinq campagnes de distribution d’iode autour des centrales. Ces campagnes successives depuis 1997 nous ont beaucoup appris. Elles sont une occasion de sensibiliser la population riveraine au risque technolo- gique, culture qui reste encore à dévelop- per. Les enquêtes que nous avons réalisées avant la campagne 2016 montrent en effet une ambivalence. D’un côté, on observe de la part des habitants l’expres- sion d’un sentiment clair de sécurité, lar- gement prédominant et stable au cours des années (70 %). Il s’explique notam- ment par la confiance accordée à EDF, non seulement pour assurer la sûreté du site mais aussi pour gérer un accident qui pourrait survenir. D’autre part, près de la moitié des riverains ont une représenta- tion apocalyptique d’un accident sur une centrale avec un risque important pour eux et leurs proches où toutes les mesures de prévention apparaîtraient inutiles. Cette année, des moyens complémentaires d’information ont été mis en place avec l’aide d’une agence de communication, comme un numéro vert, un site Internet dédié, une newsletter pour les pharma- ciens dans la zone du PPI… Le bilan n’est pas uniquement comptable à mes yeux. Au début du mois de septembre, le nombre de boîtes retirées correspond à celui enregistré à la fin de la campagne 2009, avec plus de 50 % de retrait de la part des riverains. On constate une pro- gression notable auprès des établissements recevant du public, avec 15000 retirants de plus. Au-delà de ce bilan qualitatif repré- sentatif de la participation des citoyens, le dynamisme du site Internet w ww.distribution-iode.com (18000 connexions à fin septembre) et le nombre d’appels au numéro vert (1600 à fin juillet) sont signi- ficatifs de la recherche d’information sur le risque nucléaire de la part des populations riveraines. Cette campagne, c’est aussi, à travers le comité de pilotage sous l’égide de l’ASN, un vrai travail d’équipe et de partenariat avec la Direction générale de la santé, la Mission d’appui à la gestion du risque nucléaire, les représentants des maires, l’Anccli, les conseils de l’ordre des phar- maciens et des médecins. En particulier, je voudrais souligner l’implication remar- quable de l’Éducation nationale auprès des écoles, qui a permis d’atteindre très rapidement des taux de retrait proches de 80 % après six mois de campagne sur ce cœur de cible. Pour EDF et le médecin que je suis, cette campagne a été aussi un moyen de se rap- procher des professions de santé. EDF a signé un accord avec l’Ordre national des pharmaciens et les principaux syndicats de la profession. Les nouveaux outils informa- tiques nous ont permis de simplifier la ges- tion des bons de retraits dans les officines. Une adresse électronique EDF a permis de tenir informés régulièrement tous les pharmaciens d’officines. Ce lien est pour moi très important à préserver au-delà de la campagne. Un travail d’analyse du com- portement des gens autour des centrales et de la campagne restera à mener. EDF, en tant qu’exploitant des centrales nucléaires en France, est fortement mobilisée lors de cette campagne 2016. Pouvez-vous nous expliquer son rôle et la « philosophie » de son action dans la campagne de distribution de comprimés d’iode ? EDF, en tant qu’exploitant des centrales nucléaires, est responsable de la sûreté de ses installations et doit en assurer le bon fonctionnement. Des mesures sont prises par EDF aussi bien en situation nor- male qu’en cas d’accident nucléaire pour protéger tant le personnel que la popula- tion habitant autour des centrales. EDF et les pouvoirs publics ont mis en place de manière préventive une organisation rigoureuse, à la fois locale et nationale, pour répondre au mieux à ces situations accidentelles. Dans le cadre des actions de protection des populations situées au sein du périmètre du PPI, depuis 1997, le Gouvernement a décidé la mise en place d’une prédistribution d’iode auprès de la population. EDF finance la campagne d'information du public et l’achat des comprimés d’iode. Nous sommes aussi associés à la distribution préventive per- manente des comprimés d'iode stable. Comme pour les campagnes précédentes, EDF s’est mobilisée en particulier auprès des professions de santé (médecins, phar- maciens) en organisant des réunions locales spécifiques en amont de la distri- bution. Un dossier pédagogique spécifique a été créé à cet effet. Des accords ont été passés avec les grossistes répartiteurs et avec l’Ordre national des pharmaciens pour assurer la mise à disposition des com- primés d’iode pendant la campagne mais aussi entre deux campagnes, pour tout nouvel habitant dans la zone concernée. Quels sont les défis qu’EDF a dû relever ? Le premier des défis a été de constituer un fichier complet d’adresses pour tous les particuliers. Les bases accessibles dans le commerce ne sont pas toujours exhaus- tives. Il a donc fallu acheter plusieurs bases pour pouvoir couvrir, après recou- pements, l’ensemble de la population. Afin de ne pas oublier des homonymes, nous avons décidé de délivrer plusieurs courriers à une même adresse à partir du moment où les prénoms étaient dif- férents, plusieurs familles pouvant rési- der au même endroit. Ce choix délibéré garantissait l’exhaustivité, mais a engen- dré certains doublons, ce qui a nécessité des ajustements en cours de campagne. Au total, la campagne 2016 a porté sur LA CAMPAGNE IODE : TRAVAIL D’ÉQUIPE ET DÉFIS LOGISTIQUES Entretien avec le docteur Bernard Le Guen, Inspection générale pour la sûreté nucléaire et la radioprotection, présidence, EDF EN QUESTION La gestion des situations d’urgence Le point sur la campagne iode 2016

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