Contrôle n°201

CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 28 © ASN N GOUHIER ABACA Contrôle : pourquoi une campagne de distribution de comprimés d’iode en 2016 ? Alain Delmestre : en France, le principe de prédistribuer de l’iode aux riverains des centrales nucléaires date de 1997. Des campagnes ont été renouvelées en 2000, 2005 et 2009. Les comprimés d’iode dis- tribués en février 2009 étant arrivés à péremption, cette nouvelle campagne permet de les remplacer. Les nouveaux comprimés ont une validité de sept ans. De plus, nous nous situons en 2016 dans le droit fil des enseignements de Fukushima. Chacun sait aujourd’hui qu’un accident est possible et que le risque zéro n’existe pas. Il faut dans ce cadre mettre les Français en situation d’éveil par rapport au fait que le risque nucléaire ne doit certes pas être exacerbé, mais qu’il ne doit pas être minoré non plus. Dans ce contexte, si l’objectif n° 1 de la campagne, immédiat, est bien sûr d’inciter les populations à retirer leurs boîtes de comprimés d’iode en pharmacie, son objectif n° 2 s’inscrit dans la durée et vise à rendre plus largement les citoyens acteurs de leur protection et à leur incul- quer les bons réflexes pour se protéger en cas d’accident. La prise d’iode n’est qu’une action parmi d’autres. Au-delà de la simple distribution de comprimés, il s’agit bien de développer au sein des populations qui habitent autour des cen- trales nucléaires une véritable « culture citoyenne du risque nucléaire et de la radioprotection ». C’est pourquoi nous avons très clairement mis l’accent sur l’information. Qu’entendez-vous par « culture du risque nucléaire » ? Le citoyen est le premier responsable de sa sécurité et il n’est pas de gestion de crise efficace sans son implication. Aussi l’ASN s’emploie-t-elle depuis de nom- breuses années à développer cette culture de radioprotection dans les domaines d’activité qu’elle contrôle. Le citoyen est au cœur de cette démarche, car, en der- nier ressort, face aux risques, c’est à lui d’agir pour se protéger selon l’analyse qu’il fait de la situation, de l’information reçue, de la crédibilité des prescripteurs et de son niveau de préparation. Lors de la précédente campagne de distri- bution d’iode en 2009, un constat m’avait interpellé : si 88 % des personnes concer- nées avaient effectivement vu la cam- pagne, seulement 51 % s’étaient rendues en pharmacie pour retirer leur comprimé. C’est toute la singularité de cette cam- pagne, qui, en dehors de l’aspect infor- mation, demande une action positive aux citoyens : celle de se rendre en pharma- cie pour aller chercher leur comprimé d’iode. Les raisons qui les conduisent à ne pas se déplacer sont multiples : négli- gence, déni de l’accident ( « ça n’arrivera pas » ), fatalisme ( « de toute façon, si jamais un accident se produit, on sera tous morts » ). Elles constituent un véri- table « plafond de verre » à la mobilisa- tion des citoyens. Quels sont les acteurs mobilisés pour cette opération ? L’objectif était de réunir le maximum de partenaires motivés par l’idée citoyenne de développer la culture du risque, qui correspond aux missions que nous a confiées la loi « transparence et sécu- rité nucléaire » de 2006. En 2009, nous avions déjà mobilisé au sein du comité de pilotage de la campagne des représen- tants d’EDF bien sûr, qui en tant qu’ex- ploitant nucléaire à l’origine du risque doit financer toutes les opérations rela- tives à la mise à disposition des com- primés d’iode, mais aussi des ministères de l’Intérieur et de la Santé, de l’Anccli et de l’Ordre national des pharmaciens. En 2016, j’ai souhaité élargir ce comité pluraliste en y intégrant des représen- tants de l’IRSN, du ministère de l’Édu- cation nationale, de l’Ordre national des médecins et de celui des infirmiers, des agences régionales de santé, et de l’Association des représentants des com- munes d’implantation de centrales et éta- blissements nucléaires (Arcicen). Nous avons ainsi considérablement élargi le tour de table ! Le rôle de ce comité a été d’élaborer un plan d’action entre les différents membres, de valider des outils de com- munication avec des kits spécifiques pour les maires, les pharmaciens… et de stimuler les acteurs de terrain. Nous nous sommes réunis en moyenne tous les deux mois et nous nous sommes appuyés sur une agence de communication sélec- tionnée sur appel d’offres et financée par EDF. Début 2017, nous réaliserons des sondages pour évaluer la notoriété de la campagne et vérifier que les gens ont bien compris le message. Le comité de pilotage rassemble le maxi- mum d’acteurs pertinents à l’échelon national mais aussi local. À ce titre, les préfets, les maires des communes concernées, les CLI et les profession- nels de santé (pharmaciens, médecins et infirmiers) sont des relais d’informa- tion indispensables auprès des citoyens. Comment la campagne s’est-elle déroulée ? La campagne a débuté en janvier 2016, les populations ont reçu un courrier des pouvoirs publics accompagné d’un bon de retrait et d’un dépliant d’information. Un site Internet et un numéro vert dédiés ont été mis en ligne, des réunions publiques organisées par les préfectures, et nos par- tenaires – maires, pharmaciens, méde- cins, infirmiers – ont relayé l’information sur le terrain. Une relance des citoyens par téléphone et des maires par courrier a également eu lieu en juin dernier et des centaines d’articles de presse ont traité du sujet. À noter, une innovation par rapport à la précédente campagne : les pharmaciens ont bénéficié d’une appli- cation informatique leur permettant de tenir en temps réel la comptabilité des retraits d’iode dans leurs officines. AU-DELÀ DE LA DISTRIBUTION D’IODE, DÉVELOPPER UNE CULTURE DU RISQUE NUCLÉAIRE AU SEIN DE LA POPULATION Entretien avec Alain Delmestre, directeur général adjoint de l’ASN, président du comité de pilotage « Iode 2016 » EN QUESTION La gestion des situations d’urgence Le point sur la campagne iode 2016

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