Contrôle n°201

CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 24 © ASN Contrôle : comment fonctionne la division avec les CLI de sa région pour favoriser l’information régulière des riverains dans la zone PPI ? Est-ce une attente des riverains ou une exigence réglementaire ? Pierre Bois : la collaboration entre les CLI de Cattenom et Fessenheim et la divi- sion de Strasbourg est permanente. Elle connaît des temps forts lors des réunions de CLI, sur un rythme en moyenne tri- mestriel, et cela est encore plus vrai avec la tenue de réunions publiques : plus de 300 personnes étaient présentes à Fessenheim le 27 juin dernier ! Les éclairages réglementaires, techniques et pédagogiques de l’ASN ont été très sol- licités, sur des sujets que l’on sait for- tement mobilisateurs pour les riverains, comme les irrégularités d’assurance qualité concernant les pièces issues de Creusot-Forge, ou encore l’évolution des rayons PPI et les mesures à prendre en cas d’accident. La loi TECV demande le renforcement des missions des CLI et permet d’ouvrir leur composition à des membres des États voisins. Quand cette disposition a-t-elle été mise en place, dans votre région ? Quelles ont été les difficultés rencontrées ? La participation de représentants des États voisins aux travaux des CLI est ici une réalité depuis plusieurs années, notam- ment à l’initiative des élus locaux, dans un contexte où la dimension transfronta- lière des politiques territoriales est deve- nue une évidence. La loi TECV a permis de réaffirmer et de légitimer ces initiatives, au titre desquelles les CLI de Fessenheim et Cattenom accueillent des représen- tants allemands, suisses, luxembourgeois et belges. Les documents et comptes ren- dus sont traduits et des interprètes parti- cipent aux réunions afin que la barrière de la langue ne fasse pas obstacle à la qua- lité des échanges. Il n’en reste pas moins que les divergences peuvent être profondes sur l’appréciation de certaines situations ; nous le voyons en particulier dans le trai- tement médiatique des incidents, qui sou- lève régulièrement des questions en CLI, liées à une présentation très différente d’un pays à l’autre. Comment gérer la disparité des mesures transfrontalières existantes ? Comment améliorer la prise en compte de la disparité des dispositifs existants entre les différents pays, dans le cadre des situations d’urgence ou de la préparation aux situations d’urgence ? La disparité des mesures à prendre en cas d’accident, de part et d’autre de la frontière, est l’héritage de cultures et de pratiques de la gestion des risques qui se sont développées dans des contextes nationaux différents. Aux yeux des publics concernés, qui sont aujourd’hui largement habitués à s’informer des deux côtés de la frontière, cette disparité est une absur- dité qui ne peut plus être comprise. Or la clarté des messages émis par les auto- rités dans un contexte de crise est une condition indispensable à leur efficacité. Cette disparité est donc aussi devenue un grand risque pour l’opérabilité des plans de secours. La convergence des dispositifs est ainsi une priorité de travail pour l’ensemble des acteurs impliqués dans la sensibili- sation, la préparation et la gestion des situations de crise, depuis le législateur jusqu’aux acteurs opérationnels de ter- rain, en passant par les autorités natio- nales et locales. La mobilisation des CLI en ce sens, depuis de nombreuses années, est à saluer. L’ ASN s’implique particuliè- rement dans les travaux des associations internationales HERCA et WENRA qui rassemblent les autorités européennes compétentes en sûreté nucléaire et en radioprotection ; ces travaux ont conduit à la publication en 2014 de l’Approche HERCA-WENRA pour une meilleure coordination transfrontalière des actions de protection durant la première phase d’un accident nucléaire. Les divisions, à leur niveau, apportent leur concours technique à l’élaboration des plans de secours et, en cas de crise, assurent un conseil technique au pré- fet et veillent au bien-fondé des mesures prises par l’exploitant. Pour nous, l’effort de rapprochement des dispositifs repose donc avant tout sur la bonne coordina- tion avec nos homologues étrangères et sur notre faculté à échanger efficacement des informations, tant pour la préparation que pour la gestion d’une crise. Nous observons une implication de plus en plus forte des échelons locaux, notamment les services des länder allemands, des can- tons suisses et même des collectivités, en plus des services fédéraux qui sont notre interlocuteur institutionnel. Cela traduit une volonté de prise en main des enjeux au plus près du terrain, mais multiplie les interlocuteurs et les nécessités de coordi- nation et de concertation. Avez-vous déjà eu l’occasion de gérer une situation qui a impliqué de travailler avec les pays transfrontaliers ? L’ exemple du PPI de Fessenheim illustre bien cet effort de coordination : lors de son élaboration, les autorités allemandes et suisses ont été consultées. Lors de son déploiement, le schéma d’alerte prévoit l’information de la police cantonale de Bâle-Ville et du Centre national d’alerte suisse, et du Regierungspräsidium de Freibourg en Allemagne. Un réseau télé- phonique dédié permet de les mettre en relation avec le centre de crise de la cen- trale de Fessenheim, et avec la préfecture du Haut-Rhin. Enfin, des agents de liai- son étrangers sont présents au centre opé- rationnel départemental de la préfecture. L’ ensemble de ce dispositif a été déployé et testé lors d’un exercice national de crise en 2013, et il le sera à nouveau lors du prochain exercice. LA CONVERGENCE DES DISPOSITIFS ENTRE PAYS FRONTALIERS EN SITUATION D’URGENCE EST UNE PRIORITÉ Entretien avec Pierre Bois, chef de la division de Strasbourg de l’ASN EN QUESTION La gestion des situations d’urgence

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