Contrôle n°201

CONTRÔLE | N° 201 | DÉCEMBRE 2016 22 © ASN/V. BOURDON Contrôle : comment l’Anccli s’inscrit-elle dans le schéma national de la gestion des situations d’urgence en France ? Jean-Claude Delalonde : les commissions locales d’information (CLI) et l’Anccli ont été institutionnalisées depuis la loi de 2006 pour être un relais d’information vis-à-vis du public mais aussi vis-à-vis des instances nationales (l’ASN, l’IRSN, le Gouvernement) par rapport aux ques- tions que les populations se posent vis-à- vis du nucléaire. Nous sommes ainsi un des rares pays à avoir mis en place, sur le papier du moins, une véritable structura- tion de l’information et de la transparence dans le domaine nucléaire. Les textes de loi existent et c’est déjà une bonne chose. Mais encore faut-il qu’ils soient appliqués! Ainsi, le ministère de l’Intérieur a décidé, à la suite de la catastrophe de Fukushima, de revoir certains points du dispositif sur les situations d’urgence, d’où la création du fameux Plan national de réponse à un accident nucléaire ou radiologique majeur qui a été élaboré au sein du ministère à Paris et publié en 2014. Il a ensuite été demandé aux préfets de le décliner loca- lement, sur leurs territoires. Ce que nous déplorons c’est qu’à aucun moment, depuis deux ans maintenant, les CLI n’ont été associées à cette démarche, et cela mal- gré nos multiples demandes. Le document, qui figure sur le site Internet du SGDSN, indique pourtant en conclusion : « ce plan doit être connu du plus grand nombre afin d’optimiser son efficacité dans le cas où il serait déclenché » Connu du plus grand nombre ? Au niveau des cabinets ministériels ? Des cabinets préfectoraux ? Qui, aujourd’hui, dans la société civile, dans la population, en connaît véritable- ment le contenu ? De même, Madame Ségolène Royal a pris la décision d’étendre les PPI de 10 à 20 km. Le ministère de l’Intérieur a envoyé, en septembre 2016, une circulaire auprès des préfets sur ce sujet. Encore une fois, nous ne sommes absolument pas associés ! Nous ne demandons pas à être des acteurs de la gestion de la crise. Nous demandons juste qu’on nous laisse jouer notre rôle de relais d’information, comme le stipule la loi, pour permettre, ALLER VERS UNE CULTURE CITOYENNE DU RISQUE IMPLIQUE D’APPORTER À TOUS LES CITOYENS RÉSIDANT SUR LE TERRITOIRE UNE RÉELLE INFORMATION SUR LA CONDUITE À TENIR EN CAS D’ACCIDENT NUCLÉAIRE Entretien avec Jean-Claude Delalonde, président de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) Le point de vue de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) L’ACRO a analysé les plans d’urgence nucléaire de plusieurs pays à la lumière de ce qui s’est passé à Fukushima. Il en ressort tout d’abord que la France n’est pas prête à faire face à un accident nucléaire grave. Si le plan national reconnaît que les rejets radioactifs peuvent avoir un impact significatif au-delà des distances de référence des PPI, rien n’est fait pour s’y préparer, malgré les recommandations du rapport européen ATHLET. C’est encore plus criant à proximité des frontières où il y a un problème d’harmonisation des mesures de protection et de leur seuil de déclenchement qui est reconnu par tous. Par exemple, la prédistribution d’iode s’arrête à 10 km en France et devrait être étendue à 20 km. C’est 50 km en Suisse et tout le pays au Luxembourg. La Belgique devrait passer de 20 km à tout le pays. Il y a aussi l’absence de communication directe avec les médias et parties prenantes de l’autre côté de la frontière qui va compliquer la coordination des secours. En cas d’évacuation, les personnes vulnérables, comme les malades dans les hôpitaux ou les personnes âgées, sont le plus à risque. Il y a eu de nombreux décès au Japon. Leur prise en charge ne peut pas être improvisée et nécessite des plans spécifiques qui sont inexistants actuellement. En Amérique du Nord, les plans d’urgence font l’objet d’une évaluation scientifique : les temps d’évacuation sont estimés par des modèles et les personnes potentiellement exposées sont sondées régulièrement. En France, il est prévu que les populations réagissent conformément à des plans qu’elles ignorent. Enfin, le plan national n’a jamais fait l’objet d’une consultation du public. Et ni les parties prenantes, ni les personnes potentiellement concernées n’ont été impliquées dans l’élaboration des PPI, malgré les recommandations internationales en ce sens. EN QUESTION La gestion des situations d’urgence EN SAVOIR + Acro Plans d’urgence nucléaire en France: forces et faiblesses, janvier 2016

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