RAPPORT DE L’ASN 2024

Pour les six réacteurs de première généra‑ tion de type UNGG (Chinon A1, A2 et A3, Saint‑Laurent A1 et A2, et Bugey 1), EDF a annoncé à l’ASN, en mars 2016, un chan‑ gement complet de stratégie remettant en cause la principale technique retenue (démantèlement « sous eau ») et le caden‑ cement des démantèlements, conduisant ainsi à retarder le démantèlement de l’en‑ semble des réacteurs UNGG de plusieurs décennies. L’ASN se prononcera sur les délais de démantèlement présentés par EDF dans les dossiers de démantèlement qui ont été remis fin 2022 (en cours d’ins‑ truction et soumis à expertise), qui pour‑ ront également être revus s’il apparaît dans les décennies à venir que des opti‑ misations de ce scénario sont possibles compte tenu du retour d’expérience acquis. Cette stratégie de démantèlement des réacteurs UNGG est encadrée par deux décisions (décision n° 2020-DC-0686 et décision n° CODEP-CLG-2020-021253 du président de l’ASN du 3 mars 2020). Ces décisions fixent les prochaines étapes nécessaires au changement de stratégie de démantèlement, notamment la défi‑ nition d’une stratégie robuste de gestion des déchets de graphite indépendante de la disponibilité des exutoires de stockage, les opérations de démantèlement à pour‑ suivre au cours des prochaines années et les informations à transmettre à l’ASN pour contrôler la mise en œuvre effec‑ tive de la stratégie. L’ASN considère qu’il est pertinent qu’EDF s’appuie sur le démonstrateur industriel graphite (mis en service en 2022 à Chinon) avant le démantèlement des caissons des réacteurs, mais qu’il convient néan‑ moins que le démantèlement des diffé‑ rents réacteurs soit engagé dans des délais raisonnables au regard de l’obligation de démantèlement dans des délais aussi courts que possible. Concernant les autres installations d’EDF arrêtées (notamment Chooz A, l’AMI de Chinon, EL4-D, Superphénix), leurs déman‑ tèlements sont en cours et se déroulent glo‑ balement conformément à l’objectif d’un délai aussi court que possible. 4.2 L’évaluation de la stratégie d’Orano Le démantèlement d’installations anciennes constitue un enjeu majeur pour Orano, qui doit mener plusieurs projets de démantèle‑ ment de grande envergure sur des échelles de temps variables (usine UP2‑400 de La Hague, usine Eurodif Production, usine Comurhex, installations indivi‑ duelles de l’INBS de Pierrelatte, etc.). La mise en œuvre du démantèlement est étroitement liée à la stratégie de gestion des déchets radioactifs anciens, compte tenu de la quantité et du caractère non standard et difficilement caractérisable des déchets produits lors des opérations antérieures d’exploitation, ainsi que les opérations actuelles de démantèlement. Par ailleurs, Orano doit réaliser, dans des installations anciennes d’entreposage de déchets, des opérations particulières de RCD. Des échéances de réalisation ont été prescrites par l’ASN, en particulier pour le site de La Hague. La réalisation de ces opé‑ rations de RCD conditionne la progression du démantèlement de l’usine UP2‑400, la RCD figurant parmi les premières étapes du démantèlement de l’usine. Les chantiers de RCD revêtent une importance particu‑ lière, compte tenu de l’inventaire impor‑ tant de substances radioactives présentes et du caractère ancien des installations les entreposant, qui ne répondent générale‑ ment plus aux normes de sûreté actuelles. Les projets de RCD se caractérisent, de plus, par une complexité importante, du fait des interactions avec les usines en fonctionnement sur le site. À la suite de difficultés constatées lors des instruc‑ tions de dossiers relatifs aux opérations de RCD et de démantèlement du site d’Orano La Hague et des retards dans la réalisation des opérations par rapport aux échéances prescrites, l’ASN et Orano ont convenu de mettre en place un suivi régulier afin d’anticiper et traiter d’éventuelles situa‑ tions de blocage et d’identifier les actions à mettre en place de façon pragmatique pour réaliser les opérations de RCD et de démantèlement dans les meilleurs délais. Orano a transmis en juin 2016, à la demande de l’ASN et de l’Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND), sa stratégie de démantèlement et de gestion des déchets. Le dossier comprend égale‑ ment la déclinaison de cette stratégie sur les sites de La Hague et du Tricastin. Dans sa lettre de position du 14 février 2022, l’ASN a souligné les progrès faits par l’ex‑ ploitant dans l’appropriation des objectifs de démantèlement priorisés suivant les enjeux des INB et les phases du déman‑ tèlement, et le suivi par la gouvernance d’Orano des projets complexes de RCD et de démantèlement. Cette stratégie a fait l’objet de deux inspections de l’ASN en 2024. Toutefois, l’ASN considère qu’Orano devrait poursuivre l’amélioration de sa connaissance de l’état actuel des installa‑ tions et notamment des sols en vue de leur assainissement futur, et progresser dans la fiabilisation industrielle des procédés de reprise des déchets. L’ASN considère que la méthodologie de calcul des marges du planning mise en place par Orano est de nature à garantir une meilleure maîtrise des délais des diffé‑ rents projets de RCD et de démantèlement. Orano a notamment mis à jour en 2024 les dates prévisionnelles de fin de démantèle‑ ment des INB de l’usine UP2-400. 4.3 L’évaluation de la stratégie du CEA Compte tenu du nombre et de la com‑ plexité des opérations à réaliser pour l’ensemble des installations nucléaires concernées, le CEA vise, en priorité, à réduire « l’inventaire dispersable » actuel‑ lement très important dans certaines ins‑ tallations, en particulier dans certaines installations individuelles de l’INBS de Marcoule, ainsi que dans les INB 56 et 72. Dans leur lettre de position du 27 mai 2019, l’ASN et l’ASND ont considéré qu’il était acceptable, compte tenu des moyens alloués par l’État et du nombre important d’installations en démantèlement pour les‑ quelles des capacités de reprise de déchets anciens, ainsi que d’entreposage devront être construites, que le CEA prévoie un échelonnement des opérations de déman‑ tèlement et que la priorité soit accordée aux installations aux plus forts enjeux de sûreté. L’ASN constate cependant des dérives très significatives dans les calen‑ driers de RCD présentés par le CEA, en particulier des reports d’échéance concer‑ nant la gestion des déchets, y compris pour des opérations considérées comme priori‑ taires. Certaines d’entre elles se voient en effet reconsidérées en profondeur à la suite d’impasses rencontrées dans la mise en œuvre des opérations initialement envisa‑ gées, ou de la découverte tardive d’un état de l’installation non conforme à l’attendu. L’ASN et le CEA ont mis en place un suivi régulier de ces opérations, notamment au travers d’indicateurs d’avancement. L’ASN constate par ailleurs que les straté‑ gies de démantèlement et de gestion des matières et de déchets du CEA présentent des vulnérabilités croisées relatives en par‑ ticulier à la disponibilité d’installations support, souvent uniques mais nécessaires à la mise en œuvre de nombreux projets. Les stratégies du CEA s’appuient en effet sur la mutualisation des moyens entre ses centres et reposent sur l’utilisation d’ins‑ tallations qui sont pour certaines à l’état de projet, en phase de mise en service ou en cours de rénovation. La plupart sont uniques et sans alternative opérationnelle évidente en cas de défaillance. L’ensemble de ces éléments constitue des points de fragilité de la stratégie du CEA. 376 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 Le démantèlement des installations nucléaires de base

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