RAPPORT DE L’ASN 2024

La centrale nucléaire de Fessenheim a été arrêtée définitivement en 2020. EDF a déposé le dossier de démantèlement de cette installation en novembre de cette même année. Saisi par l’ASN en avril 2022, le GPDEM a rendu un avis favorable sous réserve de compléments à apporter par EDF en amont de la mise en œuvre des opérations de démantèlement des cuves et de leurs internes en juin 2023. L’Autorité environnementale a rendu son avis sur ce dossier en décembre 2023, qui a ensuite été soumis à une enquête publique au printemps 2024, enquête publique dont l’avis et les conclusions ont été rendus en juin 2024. Il s’agira des deux premiers réac‑ teurs de 900 mégawatts électriques (MWe), représentatifs du parc actuel de réacteurs exploités par EDF, à être démantelés en France. Le démantèlement des réacteurs de Fessenheim constituera donc également un retour d’expérience important pour les autres REP d’EDF (voir « Panorama régional » en introduction de ce rapport). 2.1.2 Les réacteurs électronucléaires autres que les réacteurs à eau sous pression Les réacteurs électronucléaires autres que les REP correspondent tous à des proto‑ types industriels. Ce sont les réacteurs de première génération de type uranium naturel‑graphite‑gaz (UNGG), ainsi que le réacteur à eau lourde EL4-D sur le site de Brennilis, et les réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, Phénix et Superphénix. Le démantèlement de ces réacteurs est caractérisé par l’absence de retour d’expérience en France et à l’inter‑ national, et par le fait qu’au moment de leur conception, la perspective de leur déman‑ tèlement futur n’était pas aussi structu‑ rante qu’elle a pu l’être pour les réacteurs de série plus récents. Compte tenu de leur caractère unique, il est donc nécessaire de concevoir et réaliser des opérations spéci‑ fiques et complexes pour les démanteler. En outre, certains de ces réacteurs sont arrêtés depuis plusieurs décennies, ce qui a conduit à une perte de connaissance de l’installation et de son exploitation, ainsi que des compétences associées. Comme pour les REP, le démantèlement commence par le retrait du combustible nucléaire, qui permet de retirer 99 % de la radioactivité présente dans l’installation. Les puissances thermiques de ces réacteurs étant assez élevées (toutes supérieures à 250 mégawatts thermiques – MWth), leur démantèlement nécessite la mise en œuvre de moyens téléopérés dans certaines zones restées fortement irradiantes, en particulier au voisinage du cœur du réacteur. Les réacteurs UNGG ont la particularité d’être des réacteurs de grandes dimensions et très massifs, nécessitant notamment des techniques de découpe et d’accès inno‑ vantes, dans des conditions d’irradiation 2. Triton fut l’un des premiers réacteurs de recherche très compacts et très souples, de type piscine, dénommés « MTR » (Material Test Reactor). Triton (6,5 MWth) fut implanté en 1959 à Fontenay-aux-Roses. élevées. Le démantèlement de ces réac‑ teurs conduira EDF à gérer des volumes de déchets significatifs. L’exutoire final de certains de ces déchets est en cours de définition, comme les briques de gra‑ phite, représentant environ 15 000 tonnes de déchets qui seront produits, pour les‑ quelles un stockage adapté devra être défini (voir chapitre 15, point 1.3.3). Le démantèlement du réacteur prototype à eau lourde (EL4‑D), situé sur le site de Brennilis a été ralenti, d’une part en rai‑ son de l’absence de retour d’expérience concernant les techniques de démantèle‑ ment à mettre en œuvre ; d’autre part en raison de difficultés concernant l’installa‑ tion de conditionnement et d’entreposage de déchets activés (Iceda – voir « Panorama régional » en introduction de ce rapport) qui doit prendre en charge certains des déchets de ce démantèlement. Iceda étant désor‑ mais en service et le scénario de déman‑ tèlement du bâtiment réacteur établi, le démantèlement de l’installation complet de l’installation a commencé fin 2024, et devra s’achever d’ici fin 2041. Ce démantèlement est encadré par le décret n°2023‑898 du 26 septembre 2023. Le démantèlement des réacteurs refroi‑ dis au sodium (Phénix et Superphénix) n’est confronté à aucun obstacle tech‑ nologique majeur, mais des enjeux spé‑ cifiques résident dans la maîtrise du risque incendie lié à la présence de sodium et à la sûreté de ses procédés de traitement. Le traitement du sodium primaire et secon‑ daire de Phénix nécessite la création d’ins‑ tallations de traitement spécifiques, et la gestion pérenne des blocs sodés issus du traitement du sodium de Superphénix reste à définir. 2.2 Les installations de recherche 2.2.1 Les laboratoires de recherche Quatre laboratoires de recherche sont en cours de démantèlement ou en pré‑ paration au démantèlement. Il s’agit du Laboratoire de haute activité (LHA) de Saclay (INB 49), du Laboratoire de puri‑ fication chimique (LPC) de Cadarache (INB 54), de l’Atelier des matériaux irra‑ diés (AMI) de Chinon (INB 94) et du laboratoire dénommé « Procédé » de Fontenay‑aux‑Roses (INB 165). Ces laboratoires ont démarré leur activité dans les années 1960 ; ils étaient dédiés à la recherche réalisée en soutien au déve‑ loppement de la filière électronucléaire en France. Ces installations très anciennes sont toutes confrontées à la problématique de gestion des déchets dits « historiques », entreposés sur place à une époque où les filières de gestion n’avaient pas été mises en place : déchets nucléaires de moyenne activité à vie longue (MA‑VL), déchets sans filière de gestion (par exemple, des huiles et liquides organiques non incinérables, ou des déchets contenant des composés du mercure potentiellement hydrosolubles). Par ailleurs, des incidents ont eu lieu lors de leur exploitation, contribuant à l’émis‑ sion de substances radioactives à l’intérieur et à l’extérieur des enceintes de confine‑ ment et à des pollutions plus ou moins importantes des structures et des sols, ce qui rend les démantèlements et assainis‑ sements nécessaires plus complexes et plus longs. Une des étapes les plus impor‑ tantes – et parfois difficile du fait d’ar‑ chives incomplètes – du démantèlement de ce type d’installation consiste donc à établir le plus précisément possible l’in‑ ventaire des déchets et l’état radiologique de l’installation, pour pouvoir définir les étapes du démantèlement et les filières de gestion des déchets. 2.2.2 Les réacteurs de recherche À la fin de l’année 2024, huit réacteurs expérimentaux sont en démantèlement ou en préparation au démantèlement : Rapsodie (réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium), Masurca, Éole et Minerve (maquettes critiques), Phébus (réacteur d’essai), Osiris et Orphée (réac‑ teurs de type « piscine ») et Isis (réac‑ teur d’enseignement). Les décrets de démantèlement de l’installation Phébus et de l’installation Éole/Minerve ont été publiés depuis la fin de l’année 2023. Le réacteur d’enseignement Ulysse a quant à lui été déclassé en 2022. Ces réacteurs sont caractérisés par une puissance plus faible (de 100 watts thermiques à 70 MWth) que les réacteurs électronucléaires. Leur démantèlement n’avait pas été anticipé au moment de leur conception, dans les années 1960 à 1980. Lors du démantèlement, ces installations présentent généralement un faible terme source radiologique, puisque l’une des pre‑ mières opérations après l’arrêt définitif consiste à évacuer le combustible usé. L’un des principaux enjeux réside dans la pro‑ duction de volumes importants de déchets TFA et dans leur gestion, afin d’assurer leur entreposage puis leur élimination par une filière appropriée. Les réacteurs de recherche bénéficient d’un retour d’expérience significatif, lié au démantèlement de nombreuses ins‑ tallations similaires en France (Siloé, Siloette, Mélusine, Harmonie, Triton(2), le réacteur universitaire de Strasbourg – RUS, Ulysse) et à l’international. Leur démantèlement se fait habituellement sur des durées de l’ordre de la dizaine d’années, mais la multiplicité d’installa‑ tions à démanteler simultanément peut conduire à envisager des durées de déman‑ tèlement significativement plus longues 366 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 Le démantèlement des installations nucléaires de base

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