6 La nécessité d’une vision intégrant le « cycle du combustible » 3. Le combustible MOX est un combustible nucléaire constitué par un mélange d’oxyde d’uranium appauvri et de plutonium produit par l’usine Melox d’Orano. Il peut être utilisé dans les 24 réacteurs de 900 MWe. En France, le combustible MOX utilise exclusivement du plutonium civil, extrait du combustible irradié. De manière connexe avec le développe‑ ment de ces projets de réacteurs modu‑ laires apparaît inévitablement le sujet de la disponibilité du combustible nécessaire à leur fonctionnement. Cette disponibi‑ lité s’entend non seulement en matière d’existence de moyens de production industrielle des combustibles, mais éga‑ lement en matière de capacité de produc‑ tion (voir tableau 4). Deux porteurs de projet de PRM ont égale‑ ment engagé des échanges techniques avec l’ASN et l’IRSN sur des projets de dévelop‑ pement d’une usine de fabrication de leur combustible : ∙Jimmy, concernant un projet d’usine de fabrication de combustible TRISO ; ∙Newcleo, concernant un projet d’usine de fabrication de combustible MOX(3) pour RNR. Concernant les projets de réacteurs à sels fondus (Naarea, Stellaria et Thorizon), ces porteurs de projet travaillent en collabora‑ tion avec Orano, qui pourrait envisager de développer à terme des moyens de produc‑ tion de ce type de combustible. Au‑delà du sujet de leur fabrication, l’ASN souligne également la nécessité de faire agréer les moyens de transport de ces nouveaux combustibles, neufs et usés, et de prévoir le développement des filières de retraitement et de gestion des déchets associés. 7 Un enjeu de standardisation et de coopération internationale Malgré le niveau déjà élevé d’harmonisa‑ tion des standards de sûreté de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et, à l’échelle européenne, des objectifs et des niveaux de référence de sûreté adop‑ tés par WENRA (Western European Nuclear Regulators Association), chaque projet de construction d’un nouveau modèle de réac‑ teur dans un pays conduit généralement à en adapter la conception pour se confor‑ mer au contexte réglementaire national et aux exigences propres de l’exploitant local (notamment l’organisation envisagée à la fois pour l’exploitation courante, mais aussi pour la gestion des situations d’urgence, en lien avec les pouvoirs publics locaux). Le modèle économique des PRM repose sur une fabrication en série pour réduire les coûts par des économies d’échelle. Les porteurs de projet visent ainsi à ce qu’un même modèle puisse être autorisé dans plusieurs pays. Afin de lever les freins potentiels au déve‑ loppement de ces nouveaux petits réacteurs pouvant contribuer à la décarbonation de l’économie mondiale, plusieurs initiatives internationales émergent. L’AIEA mobi‑ lise ses membres au travers d’une initiative baptisée « NHSI » (Nuclear Harmonization and Standardisation Initiative) visant à développer et à encourager des modes de coopération internationale pour réaliser des instructions conjointes d’un même modèle de réacteur par plusieurs auto‑ rités de sûreté, ou pour permettre à un pays de prendre connaissance des éva‑ luations déjà réalisées par d’autres pays en vue d’éventuellement alléger sa propre charge d’instruction. L’ASN participe à ces travaux et a présenté à l’occasion de la Convention internatio‑ nale sur la sûreté nucléaire les enseigne- ments et les résultats concrets de la pré- évaluation conjointe (Joint Early Review – JER) du réacteur Nuward réalisée avec les autorités de sûreté nucléaire finlandaise (STUK) et tchèque (SUJB). Au regard de l’intérêt et du succès de cette coopération entre trois autorités de sûreté, Nuward a souhaité approfondir cette JER en lançant une seconde phase à laquelle, en plus de la participation de ces trois autorités de sûreté déjà impliquées, se sont jointes éga‑ lement les autorités de sûreté nucléaire des Pays-Bas (ANVS) et de la Pologne (PAA). Au niveau des autorités de sûreté euro‑ péennes, WENRA avait pris position dès 2021 sur le fait que les objectifs de sûreté fixés en 2010 pour tout nouveau réac‑ teur restaient applicables pour les PRM, mais en les considérant comme un niveau d’exigence minimal. WENRA estimait en effet que l’état de l’art de la conception et des technologies mises en œuvre pour ces petits réacteurs doivent permettent d’at‑ teindre une réduction significative des rejets radioactifs des accidents par rapport aux réacteurs actuels de forte puissance. Sur la base de ce constat, WENRA a alors constitué un groupe de travail (GT) pour élaborer des propositions de révision de ces objectifs de sûreté. L’ASN, avec le support d’autres autorités de sûreté, a soutenu au sein de ce GT la position affichée devant l’OPECST en janvier 2024, à savoir que l’implantation envisagée par les indus‑ triels de réacteurs nucléaires, à proximité de zones urbaines densément peuplées ou de zones industrielles, ne pouvait être envi‑ sagée qu’à condition d’atteindre un niveau de sûreté plus élevé, garantissant que les rejets radiologiques resteront négli‑ geables en cas d’accident, y compris les plus graves. Les échanges se poursuivent car, à ce stade, aucun consensus n’a pu être trouvé au niveau européen sur le fait de réviser ou non les objectifs de sûreté actuels, afin d’expliciter cet attendu de ren‑ forcement de la sûreté. En effet, quelques pays défendent un statu quo sur les objec‑ tifs de sûreté actuels publiés (correspon‑ dant au niveau de sûreté des réacteurs de type EPR) et envisagent de se prononcer au cas par cas et de manière discrétion‑ naire sur le caractère suffisant du niveau de sûreté de chaque projet. TABLEAU 4 Présentation des filières technologiques et des combustibles associés envisagés dans les PRM Filière technologique Disponibilité actuelle du combustible spécifique associé Réacteur à eau légère • Capacité industrielle existante Réacteur à neutrons rapides, refroidi au sodium ou au plomb • Capacité de production industrielle à développer Réacteur à haute température • Aucune capacité industrielle de production de ce type particulier de combustible (TRISO)(*) + • Nécessité de disposer d’uranium enrichi à près de 20 % (HALEU)(**) Réacteur à sel fondu • Aucune capacité industrielle de production de ce type particulier de combustible (mélange d’uranium et de plutonium intégré dans des sels de chlorure) • Nécessité de développer des capacités d’enrichissement du chlore naturel(***) en chlore-37 pour éviter la formation de chlore-36 * Le combustible à particules est dit « TRISO » pour TRi‑structural ISOtropic. Le noyau constitué d’oxyde d’uranium, de carbone et d’oxygène est entouré de trois couches isolantes qui servent de première barrière de confinement pour rete‑ nir les produits de fission. ** L’uranium de type HALEU (High‑Assay Low‑Enriched Uranium) est enrichi à une teneur en isotope d’uranium-235 plus élevée (elle varie de 5 à 20 %) que l’uranium faiblement enrichi (Low Enriched Uranium – LEU) conventionnel utilisé dans les combustibles des REP. *** Le chlore naturel est constitué de deux isotopes stables : le chlore-35 (à 75 %) et le chlore-37 (à 25 %). Le problème du chlore-35 est que dans le cœur d’un réacteur, il se transforme par capture d’un neutron en chlore-36 qui est un iso‑ tope radioactif de très longue durée de vie et dont la solubilité et la mobilité au travers des couches géologiques en font un déchet difficile à gérer. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 339 01 03 04 07 09 12 13 14 15 AN L’émergence des projets de petits réacteurs modulaires 05 06 02 08 10 11
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