Plusieurs projets de petits réacteurs modulaires (PRM ou Small Modular Reactors – SMR) sont en cours de développement dans le monde. Il s’agit de réacteurs d’une puissance inférieure à 300 mégawatts électriques (MWe), principalement fabriqués en usine. Ils utilisent des technologies variées : celle des réacteurs à eau sous pression (REP) ou des technologies avancées (réacteurs à haute température, à sels fondus, à neutrons rapides, etc.). Les caractéristiques des PRM, en particulier leur faible puissance et leur compacité, constituent des facteurs favorables pour la sûreté. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) considère que ces caractéristiques doivent être mises à profit pour concevoir des réacteurs répondant à des objectifs de sûreté plus ambitieux que les réacteurs de forte puissance actuels. L’ASN participe à des groupes de travail internationaux portant sur les PRM. Dans ce cadre, elle échange avec ses homologues étrangers dans l’objectif de promouvoir l’établissement de référentiels internationaux ambitieux, de partager ses pratiques et de bénéficier du retour d’expérience de ses homologues. 1 L’appel à projets du Gouvernement 1. La France a fait le choix d’un « cycle du combustible nucléaire » incluant le retraitement des combustibles usés. Ce retraitement permet la récupération de matières valorisables (uranium et plutonium), tandis que les autres composés (produits de fission et actinides mineurs) constituent les déchets ultimes. À l’heure actuelle, seule une partie des matières issues du retraitement sont effectivement réemployées pour la fabrication de nouveaux combustibles. La notion de « cycle du combustible nucléaire “fermé” » correspond à l’objectif de retraiter plusieurs fois les combustibles et de réemployer la totalité des matières récupérées, voire, pour certains projets de réacteurs innovants, de consommer également les déchets tels que les produits de fission et actinides mineurs. Le Gouvernement a lancé en mars 2022 un programme d’appel à projets de réac‑ teurs nucléaires innovants visant à faire émerger un nouvel écosystème de start‑ups nucléaires, complémentaires avec les champions du secteur. S’inscrivant dans le cadre du plan France 2030 visant à décarboner l’éco‑ nomie, cet appel à projet vise notamment au développement de nouveaux concepts de réacteurs nucléaires permettant : ∙en plus de la production d’électricité, de répondre également au besoin de production de chaleur avec des températures de plu‑ sieurs centaines de degrés constituant ainsi, pour de nombreux procédés industriels, une alternative à l’utilisation du gaz; ∙de favoriser la fermeture du «cycle du com‑ bustible nucléaire(1) » et d’améliorer la ges‑ tion des déchets radioactifs, en permettant la réduction de leur volume ou de leur activité. C’est dans ce contexte que sont apparues en France en 2022 et 2023 une dizaine de nouvelles sociétés porteuses de projet de PRM. Cette émergence de nombreux projets de PRM est globale et n’est pas un phéno‑ mène uniquement national : de très nom‑ breux pays sont concernés, au premier rang desquels se trouvent les grandes nations nucléarisées que sont les États‑Unis, le Canada, la Chine et la Russie. Au total, ce sont plus d’une soixantaine de projets de PRM qui sont en cours de développe‑ ment au niveau mondial. 2 Des réacteurs de puissance aux petits réacteurs modulaires Jusqu’à présent, les réacteurs nucléaires industriels exploités en France visaient uniquement la production massive d’élec‑ tricité. Le parc électronucléaire français s’est ainsi construit progressivement avec une tendance régulière à l’accroissement de la puissance de ces réacteurs, passant de 900 MWe pour les premiers réacteurs à 1 600 MWe pour le réacteur EPR de Flamanville. Visant en particulier le marché de la fourniture directe d’énergie à des clients industriels, les nouveaux concepteurs de réacteurs répondant à l’appel à projets du Gouvernement s’inscrivent en rupture avec le modèle historique en développant des réacteurs de 10 à 400 fois moins puissants que le réacteur EPR de Flamanville, d’où leur qualificatif de « petits » réacteurs (voir tableau 1). Cette réduction significative de puissance implique également une adaptation radi‑ cale du modèle économique de développe‑ ment de ces petits réacteurs, d’une part en cherchant à réduire les délais de construc‑ tion, d’autre part en s’appuyant sur une standardisation et une production de série. C’est ce nouveau modèle industriel d’une production de série avec une large part de préfabrication en usine qui a déter‑ miné ce qualificatif de petits réacteurs « modulaires ». TABLEAU 1 Puissance thermique comparée des réacteurs Puissance thermique (*) du cœur du réacteur (MWth) Réacteur EPR de Flamanville 4 300 Petits réacteurs modulaires ayant répondu à l’appel à projets 20 à 540 * Au regard d’une fourniture d’énergie dorénavant non exclu‑ sivement sous forme électrique, la puissance caractéris‑ tique de ces PRM est exprimée en matière de puissance thermique de leur cœur et non de puissance électrique délivrée. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 335 01 03 04 07 09 12 13 14 15 AN L’émergence des projets de petits réacteurs modulaires 05 06 02 08 10 11
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