la démonstration de sûreté du réacteur. Les actions de contrôle contribuent ainsi à la démarche d’exclusion de rupture de cet équipement. Cette démarche repose sur des dispositions particulièrement exigeantes en matière de conception, de fabrication et de contrôle en service afin de garantir sa tenue pendant toute la durée de vie du réacteur, y compris en cas d’accident ; ∙durant son fonctionnement, le métal de la cuve se fragilise progressivement sous l’effet des neutrons issus des réactions de fission dans le cœur. Cette fragilisation rend en particulier la cuve plus sensible aux chocs thermiques sous pression ou aux montées brutales de pression à froid. Cette sensibilité est par ailleurs accrue en présence de défauts technologiques, 1. Déchirure d’un matériau qui se produit sous l’effet des contraintes qui lui sont appliquées, au terme de sa déformation. ce qui est le cas pour quelques cuves qui présentent des défauts apparus sous leur revêtement en acier inoxydable lors de leur fabrication ; ∙la cuve est un composant dont le rempla‑ cement n’est pas envisagé, pour des raisons à la fois de faisabilité technique et de coût. Les composants moulés du circuit primaire principal Le circuit primaire de certains réacteurs français comporte plusieurs coudes et piquages en acier inoxydable austéno‑ ferritique, fabriqués par moulage. La phase ferritique de cet acier subit un vieillisse‑ ment en fonctionnement sous l’effet de la température. Certains éléments d’alliage présents dans le matériau, en particulier le molybdène, favorisent cette sensibilité au vieillissement, notamment pour les réac‑ teurs de 900 MWe et les premiers réacteurs de 1 300 MWe. Il en résulte une dégrada‑ tion de certaines propriétés mécaniques, telles que la résilience et la résistance à la déchirure ductile(1). Par ailleurs, ces coudes comportent des défauts inhérents au mode de fabrica‑ tion par moulage statique. Les effets du vieillissement thermique diminuent les marges de résistance à la rupture brutale en présence de défauts. EDF a mené de nombreux travaux afin d’approfondir sa connaissance de ces maté‑ riaux, de leur cinétique de vieillissement et d’évaluation des marges vis‑à‑vis du risque de rupture brutale. Ces coudes font l’objet d’un suivi attentif de la part de l’ASN, dans la mesure où la poursuite de l’exploitation de ces composants du circuit primaire doit être justifiée à l’occasion de chaque réexa‑ men périodique, en tenant compte de ce phénomène de vieillissement. Certains coudes moulés des réacteurs de 900 et de 1 300 MWe, qui sont connectés directe‑ ment à la cuve des réacteurs, présentent des enjeux particuliers car ils sont très difficilement remplaçables. Les générateurs de vapeur Les GV sont composés de deux parties, l’une appartenant au circuit primaire et l’autre au circuit secondaire. L’intégrité des principaux éléments constitutifs des GV est surveillée, tout particulièrement celle des tubes qui constituent le faisceau tubulaire. En effet, une dégradation du faisceau tubulaire (corrosion, usure, fis‑ sure, etc.) peut créer une fuite du circuit primaire vers le circuit secondaire. De plus, la rupture de l’un des tubes du fais‑ ceau conduirait à contourner l’enceinte de confinement du réacteur, qui consti‑ tue la troisième barrière de confinement. Les GV font donc l’objet d’un programme spécifique de surveillance en exploitation, établi et révisé périodiquement par EDF et examiné par l’ASN. À la suite des contrôles, les tubes présentant des dégradations trop importantes sont bouchés pour être mis hors service. Les GV ont tendance à s’encrasser au fil du temps en raison des produits de corro‑ sion issus des échangeurs du circuit secon‑ daire. Sur les tubes, la couche de dépôt de produits de corrosion (encrassement) diminue l’échange thermique. Au niveau des plaques entretoises, les dépôts (col‑ matage) empêchent la libre circulation du mélange eau‑vapeur, ce qui crée un risque d’endommagement des tubes et des struc‑ tures internes et peut dégrader le fonc‑ tionnement global du GV. Les principes de la démonstration de la résistance en service des cuves La prévention du risque de rupture brutale de la cuve fait l’objet d’une attention très particulière. Celle-ci conduit à imposer la vérification, à l’occasion de chaque réexamen périodique, de la résistance des cuves en vue des dix années d’exploitation à venir, en tenant compte de la fragilisation de leur acier sous l’effet de l’irradiation. Le risque de rupture brutale de la cuve d’un réacteur découle de trois facteurs conjoints : la présence d’un défaut (comme une fissure dans le métal) qui est susceptible d’induire une concentration de contraintes, une sollicitation mécanique (résultant de l’exploitation courante du réacteur ou d’une situation incidentelle ou accidentelle) et une résistance mécanique insuffisante du matériau. La démarche de justification s’appuie donc sur l’analyse de la résistance à la rupture des défauts qui sont connus dans les cuves (ce qui concerne quelques cuves des réacteurs d’EDF, affectées de défauts sous revêtement). De plus, les cuves sont soumises lors de chaque visite décennale à un examen non destructif de la zone soumise à irradiation, dont les performances permettent de détecter les défauts dont la taille est suffisamment grande. Pour assurer le conservatisme des démonstrations, il est donc requis de vérifier également la résistance d’un défaut dit de « référence », qui correspond au plus grand défaut qui ne pourrait pas être détecté lors de ces examens. L’analyse du risque de rupture brutale des cuves des réacteurs consiste ainsi, pour le défaut de référence comme pour les défauts sous revêtement qui affectent certaines cuves, en : • l’évaluation des contraintes mécaniques susceptibles d’être à l’origine de l’amorçage de la propagation d’une fissure au niveau de ces défauts, dans toutes les situations de fonctionnement du réacteur, y compris accidentelles ; • l’évaluation des caractéristiques de résistance mécanique du matériau, en prenant en compte la fragilisation de l’acier sous l’effet de l’irradiation. La fragilisation de l’acier est évaluée tous les dix ans, à partir des résultats d’essais mécaniques réalisés sur des échantillons de matériau qui ont été placés dans des capsules à l’intérieur du cœur des réacteurs. L’emplacement de ces capsules, proche des assemblages de combustible, permet de soumettre ces échantillons à une irradiation plus forte que celle qui atteint la paroi des cuves, et ainsi de vérifier par anticipation la validité des estimations réalisées. La démarche d’analyse du risque de rupture brutale conduit alors à comparer la sollicitation à l’extrémité du défaut, qui résulte de la première étape, avec la résistance mécanique du matériau, qui résulte de la seconde. Par ailleurs, des coefficients de sécurité sont pris en compte dans l’analyse du risque de rupture brutale, de manière à donner un conservatisme suffisant aux analyses. Enfin, la cuve dans son ensemble fait l’objet d’autres examens non destructifs, par exemple au niveau du couvercle, et d’un essai de résistance à une pression d’au moins 1,2 fois la pression de service. Cette épreuve constitue un essai de résistance global qui permet de détecter des phénomènes de dégradation non anticipés. À titre d’exemple, c’est lors de l’épreuve réalisée en 1991 de la cuve d’un des réacteurs de la centrale nucléaire du Bugey qu’a été détectée une fuite au niveau d’un adaptateur du couvercle due à un phénomène de corrosion sous contrainte. Cette fuite a conduit EDF à remplacer tous les couvercles de ses réacteurs de 900 et 1300 MWe entre 1994 et 2009. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 309 01 03 04 07 09 11 12 13 14 15 AN Les centrales nucléaires d’EDF 05 06 02 08 10
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