RAPPORT DE L’ASN 2024

Gammagraphie : des accidents graves à l’étranger En France, les accidents en gammagraphie restent limités en nombre et en conséquences depuis mars 1979, où un accident avait conduit à l’amputation de la jambe d’un ouvrier qui avait ramassé et mis dans sa poche une source d’iridium-192 de 518 GBq. Cet événement avait entraîné un renforcement de la réglementation en vigueur à l’époque. Ceci ne doit pas être perçu comme un acquis. L’ASN exerce une veille sur les accidents survenus à l’étranger qui ont parfois eu des effets graves. Dans les dernières années (en 2024, aucun accident n’a été reporté à ce jour), parmi les exemples dont l’ASN a eu connaissance et qui confirment les risques auxquels des actions inappropriées peuvent exposer les opérateurs : • en 2023 en Corée du Sud, un radiologue a été exposé (116 millisieverts – mSv – pour le corps entier, 1957 mSv à la main) en manipulant un gammagraphe dont la source d’irridium-192 n’était plus solidaire du câble de télécommande. En l’absence d’équipements de radioprotection suffisants, le radiologue ne s’est pas aperçu de la situation jusqu’à la fin de son travail et au développement des radios qui se sont révélées surexposées ; • en 2023, en Allemagne, un radiologue a été exposé à une dose de 71,5 mSv après être entré dans une installation alors que l’appareil électrique émettant des rayonnements ionisants mis en œuvre à l’intérieur était encore en fonctionnement. Les causes de l’événement sont toujours en cours d’investigation. Un autre radiologue a été exposé (230 mSv pour le corps entier, 546 mSv au cristallin) en plaçant sa tête pendant deux minutes dans un faisceau de rayonnements X pour aligner la pièce radiographiée, et ce en dépit des mesures de radioprotection en place (rubalise, signalisation lumineuse clignotante et avertissement sonore du dosimètre opérationnel) ; • en 2023, aux États‑Unis, un radiologue en formation a été exposé plusieurs fois, lors d’un chantier, à une source d’iridium-192 en effectuant diverses opérations (remplacement du film, déplacement de la gaine d’éjection) alors que la source était toujours positionnée dans l’embout d’irradiation en raison du décrochement du porte‑source. Au cours de cet incident, plusieurs barrières de radioprotection n’ont pas été respectées, notamment par l’absence de supervision du radiologue en formation (en particulier lors de la phase de connexion du porte‑source), l’absence de port de dosimètre, d’utilisation de radiamètre et de réalisation des vérifications du bon retour de la source dans le projecteur (contrôle du voyant, mesures, etc.). Le radiologue en formation ne s’est aperçu du problème que lors de la déconnexion de la gaine d’éjection du projecteur. La reconstitution dosimétrique (en l’absence du port d’un dosimètre) a estimé la dose efficace reçue à 75 mSv et à 258 mSv en dose aux extrémités; • en 2022, aux États‑Unis, une équipe de trois opérateurs d’une société de contrôle non destructif procédait à des tirs de gammagraphie. Un des opérateurs se trouvait à proximité de la source de cobalt-60 lorsqu’elle a été éjectée par son collègue qui n’avait pas de visuel direct. Étant donné l’environnement très sonore du chantier, l’opérateur n’a pas entendu l’alarme de ses appareils de mesure et a été exposé pendant environ une minute à une dose de 55 mSv; • en 2022, en Belgique, un radiologue a été exposé (14 mSv corps entier, dose extrémité non précisée) à une source de sélénium-75 pendant un bref instant (60 à 90 secondes) lorsqu’il a voulu déconnecter le collimateur de l’appareil alors que la source y était encore présente. L’alarme de son dosimètre opérationnel n’a pas fonctionné car celui‑ci n’avait plus de pile ; de plus, l’opérateur n’était pas muni de son radiamètre. C’est l’alarme du dosimètre opérationnel de son assistant qui s’est déclenchée lorsque celui‑ci s’est approché de la source, qui a permis d’identifier l’incident ; • en 2022, en Hongrie, un opérateur a été exposé lors de la manipulation du collimateur et de la gaine d’éjection, à environ 134 mSv, la source de sélénium-75 n’étant pas rentrée en position de sécurité dans le projecteur ; • en 2021, aux États‑Unis, un employé d’une société de contrôle non destructif a été exposé à une dose de 70 mSv (corps entier) alors qu’il procédait à des tirs de gammagraphie au sein d’une installation dédiée. Les procédures en vigueur au moment de cet accident permettaient la présence de l’opérateur à l’intérieur de l’installation, même lorsque la source était en position d’irradiation. L’employé d’une autre société de contrôle non destructif a été exposé à une dose de 93 mSv (corps entier) en manipulant un projecteur de gammagraphie défaillant dont la source n’était pas en position de sécurité. Ces deux événements ont été classés au niveau 2 de l’échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques (International Nuclear and Radiological Event Scale– INES) ; • en 2021, en Serbie, une source d’iridium-192 s’est décrochée du câble de télécommande lors d’un contrôle non destructif réalisé en extérieur. Les deux opérateurs n’ont pas vérifié le bon retour de la source en position de sécurité à la fin du contrôle et ne se sont aperçus de son absence qu’à leur retour dans leur société. La source a été retrouvée le lendemain après intervention d’un laboratoire spécialisé. Les deux opérateurs ont été exposés à des doses de 451 mSv et de 960 mSv; • en 2021, en Espagne, deux employés d’une société de contrôle non destructif ont été exposés en accédant à un bunker de gammagraphie, alors que la source d’iridium-192 n’était pas en position de sécurité (source bloquée). Le dosimètre à lecture différée du premier employé a indiqué une dose d’environ 70 mSv, et d’environ 3 sieverts (Sv) pour le second. L’événement a été classé au niveau 2 de l’échelle INES. Les données antérieures sont consultables dans les éditions précédentes de ce rapport annuel, lesquelles sont disponibles sur asn.fr, rubriques « Information », « Publications », « Rapports de l’ASN ». La gammagraphie au sélénium-75 L’emploi de sélénium-75 en gammagraphie est autorisé en France depuis 2006. Mis en œuvre dans les mêmes appareils que ceux fonctionnant à l’iridium-192, l’emploi de sélénium-75 présente des avantages notables en matière de radioprotection. En effet, les débits d’équivalent de dose sont d’environ 55 millisieverts par heure et par térabecquerel (mSv/h/TBq) à 1 mètre de la source en sélénium-75, contre 130 mSv/h/TBq pour l’iridium-192. Son utilisation est possible en remplacement de l’iridium-192 dans de nombreux domaines industriels, notamment en pétrochimie ou en chaudronnerie et permet de réduire considérablement les périmètres de sécurité mis en place et de faciliter les interventions en cas d’incident. En France, environ 11% des appareils portables sont équipés avec une source de sélénium-75. Le déploiement du sélénium-75 a stagné ces dernières années et est même en recul depuis 2023 (20% en 2022 et 15% en 2023). En particulier, le contexte géopolitique de ces dernières années (sanctions contre la Russie en raison de la guerre en Ukraine) a nécessité une réorganisation de la filière mondiale d’approvisionnement de sources de gammagraphie, s’accompagnant notamment de retards de livraison. Néanmoins, de nouvelles voies d’approvisionnement ont été mises en place ces dernières années par le fournisseur de ces sources, et d’autres sont explorées, afin de réduire les délais d’approvisionnement et de retrouver le niveau de 2022. L’ASN encourage donc toujours l’utilisation du sélénium-75 quand elle est possible. 268 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 Les sources de rayonnements ionisants et les utilisations industrielles, vétérinaires et en recherche de ces sources

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