RAPPORT DE L’ASN 2024

L’ASN a analysé les événements significatifs de radioprotection concernant des erreurs de latéralité survenus en radiothérapie externe en 2023-2024, sous l’angle des facteurs organisationnels et humains La déclaration de plusieurs ESR liés à des erreurs de latéralité en 2023-2024, a conduit l’ASN à mener une analyse de ces derniers sous l’angle des FOH à partir des comptes-rendus d’événements significatifs transmis par les établissements. Les résultats de cette analyse ont été comparés avec les données du bulletin n°6 « La sécurité du patient» (mai 2014) pour comprendre leur évolution. Les résultats de cette analyse montrent d’une part, que six des sept erreurs de latéralité survenues en 2023-2024 sont dues à des erreurs à l’étape de prescription médicale (erreurs de prescription, informations discordantes dans les documents associés), alors que dans les années 2010, les erreurs de délinéation(*) étaient une cause première d’erreur de latéralité. Les nombreux contrôles mis en place à l’étape de simulation, de délinéation et de dosimétrie n’ont pas permis de détecter l’erreur de latéralité à l’étape de la prescription médicale, notamment parce que les métiers (manipulateur, dosimétriste, physicien médical) utilisent les documents contenant l’erreur (prescription et documents associés) pour mener leurs contrôles. Les erreurs de latéralité s’expliquent notamment par quatre types de causes profondes, dont les trois premiers concernent l’étape de la prescription médicale : des éléments manquants (volume cible non visible du fait de l’acte chirurgical, dossier patient incomplet, absence de passage en équipe du dossier, disparition de repères anatomiques avec les évolutions technologiques et chirurgicales, etc.), des éléments de confusion (antécédents multiples de cancer gauche / droite, contourage automatique des deux organes doubles, zone remaniée sur l’image, agrafes, calcification ou nodule sur l’organe controlatéral, images zoomées, etc.), des troubles potentiels de la latéralité (16 % des adultes ont des difficultés à distinguer leur droite de leur gauche) et la dégradation des conditions de travail pour l’ensemble du personnel (pénurie d’effectif, surcharge de travail, interruptions, etc. figurent dans les comptes-rendus d’ESR transmis par les établissements). D’autre part, le niveau de gravité de ces ESR est plus élevé. En l’absence de données sur les doses reçues par les patients dans les comptes-rendus d’événements significatifs, deux critères ont été étudiés : le niveau de gravité déclaré sur l’échelle ASN‑SFRO et le nombre de séances concernées par l’erreur de latéralité. Les sept ESR étudiés en 2023-2024 présentent un niveau 2 sur l’échelle ASN-SFRO, alors que dans les années 2010, ils étaient majoritairement de niveau 1. Le nombre de séances réalisées sur le « mauvais côté » est plus élevé dans les années 2020 que dans les années 2010. Ils peuvent maintenant concerner la totalité du traitement parce que la détection de l’erreur est tardive (consultation de suivi post‑traitement). Cette analyse a été présentée à la SFRO en octobre 2024. Les constats énoncés par l’ASN lors de la présentation ont été confirmés et complétés : la prescription médicale est identifiée comme une étape à risque. Ces ESR surviennent essentiellement après une chirurgie ayant rendu la tumeur non détectable et/ou à la suite de plusieurs cancers affectant ou ayant affecté les deux côtés. L’erreur de prescription peut survenir à des étapes antérieures, lors de la réunion de concertation pluridisciplinaire ou au moment de l’inscription de la latéralité dans le dossier patient. Les moyens de détection d’une erreur de latéralité peuvent être diminués lorsque la tumeur n’est plus détectable, en particulier en postchirurgical (post‑opératoire, progrès en chirurgie), lors d’une atteinte bilatérale ou lorsque la technique d’irradiation ne permet plus de visualiser les champs de traitement à la peau (VMAT). Les contrôles mis en place pour éviter les erreurs de latéralité pendant la réalisation de l’acte ne sont pas adaptés pour permettre de reconnaitre de telles erreurs de prescription en amont de cette réalisation. Au‑delà des actions proposées par la SFRO (check‑list, questionnement du patient sur la latéralité, réunions entre internes et radiothérapeutes séniors après le scanner de centrage). L’ASN souligne l’intérêt de mener une analyse de l’activité de prescription médicale, afin de mieux comprendre cette activité et notamment les contraintes rencontrées et les leviers d’actions à mettre en place pour éviter la survenue d’événement similaire. L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) publiera au premier trimestre 2025 une fiche de « sécurisation des traitements » sur le sujet et sera associée au GT mis en place par la SFRO sur les erreurs de latéralité et de ré‑irradiations. * Action de tracer le contour d’un organe sur une image médicale. Inspection d’un centre à la suite de la déclaration à un mois d’intervalle de deux ESR de niveau 2 Une inspection a été organisée dans le cadre de la survenue rapprochée de deux ESR de niveau 2 dans le même centre de radiothérapie, respectivement déclarés à l’ASN les 25 mars et 25 avril 2024. Le premier ESR portait sur une erreur de latéralité (inversion droite‑gauche), survenue au cours de la préparation du traitement, lors de la sélection de l’organe cible à l’étape de délinéation. Le second ESR concernait quant à lui une erreur liée à la non‑prise en compte de la recoupe de plans de traitement. Il est intervenu dans le cadre de la prise en charge d’un patient traité simultanément pour trois localisations en conditions stéréotaxiques. Ces ESR ont été classés au niveau 2 de l’échelle ASN‑SFRO. Ils sont survenus dans un contexte d’activité soutenue, avec une expansion très significative de la technique de stéréotaxie depuis plusieurs mois, un changement d’accélérateur en cours et une tension dans les effectifs de MERM. L’impact de ces situations ou évolutions n’avait pas été suffisamment appréhendé lors de l’analyse de risque a priori. L’inspection a par ailleurs souligné des défaillances dans la maîtrise du processus de préparation des traitements, avec un fort taux de dossiers finalisés le jour même du démarrage des traitements, et des insuffisances dans l’évaluation de l’adéquation des ressources humaines compte tenu de l’activité du centre. Enfin, l’inspection a mis en évidence la nécessité d’approfondir l’analyse des événements en associant l’ensemble des parties prenantes à l’élaboration des actions correctives et d’évaluer la robustesse des barrières de sécurité mises en place. 224 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 Les utilisations médicales des rayonnements ionisants

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