5 Les contrôles liés aux contrefaçons, falsifications et suspicions de fraudes, et le traitement des signalements 5.1 Le contrôle relatif aux contrefaçons, falsifications et suspicions de fraudes Depuis 2015, plusieurs cas d’irrégularités pouvant s’apparenter à des falsifications ont été mis en évidence chez des fabri‑ cants, des fournisseurs ou des organismes connus et travaillant depuis de nombreuses années pour l’industrie nucléaire fran‑ çaise. Des cas avérés de contrefaçons ou de falsifications ont en outre été rencon‑ trés dans certains pays étrangers ces der‑ nières années. Le terme d’irrégularité a été employé initialement par l’ASN pour toute modification, altération ou omis‑ sion de certaines informations ou données de manière intentionnelle. L’ASN adopte progressivement le terme de « contrefa‑ çon, falsification ou suspicion de fraude » (CFS), mieux adapté à la problématique, et se rapprochant du terme usuel employé à l’international : Counterfeit, Fraudulent and Suspect Items (CFSI). Une CFS détectée par l’ASN peut être caractérisée par un juge sur le plan pénal en « faux et usage de faux ». Les cas avérés ou suspectés restent peu nombreux mais, malgré le haut niveau de qualité exigé dans l’industrie nucléaire et la robustesse de la chaîne de surveil‑ lance et de contrôle au premier rang de laquelle se trouvent les fabricants, four‑ nisseurs et exploitants, ils existent. Les exploitants ont amélioré leur surveillance, et en conséquence la détection de CFS. Ils doivent toutefois maintenir leurs efforts pour mieux adapter leurs méthodes de sur‑ veillance à la prévention, à la détection, à l’analyse et au traitement de cas de CFS. L’ASN a engagé en 2016 une réflexion sur l’adaptation des méthodes de contrôle des INB dans un contexte d’irrégularité. Lors de celle‑ci, elle a interrogé d’autres administrations de contrôle, ses homo‑ logues étrangers, ainsi que des exploi‑ tants sur leurs pratiques afin d’en tirer le retour d’expérience. Ce risque parti‑ culier a donné lieu à des évolutions de méthodes de contrôle de l’ASN (points de contrôle spécifiques, instances de gouver‑ nance dédiées, développement de la sensi‑ bilisation des exploitants et fournisseurs, etc.). Il s’inscrit pour son traitement dans le cadre existant. L’ASN a aussi rappelé aux exploitants d’INB et aux principaux fabricants d’équi‑ pements nucléaires en 2018 qu’une CFS est un écart au sens de l’arrêté INB. Les exi‑ gences de l’arrêté s’appliquent donc pour la prévention, la détection et le traitement des CFS. De manière plus générale, les exi‑ gences réglementaires portant sur la sûreté et la protection des personnes contre les risques liés aux rayonnements ionisants s’appliquent également. Par exemple, cer‑ tifier par une signature qu’une activité a bien été réalisée alors qu’en réalité elle ne l’a pas été, peut être, selon le cas, un écart aux règles d’organisation, de contrôle technique des activités, de gestion des compétences, etc. La recherche de CFS s’intègre depuis quelques années parmi les pratiques habi‑ tuelles d’inspection et des outils internes spécifiques ont été mis à disposition des inspecteurs. La prise en compte des CFS en inspection correspond à trois contextes : ∙des inspections faisant suite à des sujets connus, issus de CFS constatées sur d’autres installations ou le suivi du trai‑ tement d’un cas détecté précédemment ; ∙des inspections intégrant un volet de recherche approfondie de preuves dans la réalisation d’activités, avec par exemple la vérification de la présence effective d’une personne ayant certifié avoir réalisé une activité à une date donnée ou l’examen de données sources d’enregistrement de contrôles ; ∙des inspections ayant pour objectif de sensibiliser aux risques de CFS, notam‑ ment lors des inspections des fournis‑ seurs où le risque de CFS dans la chaîne de sous‑traitance est abordé. Il s’agit d’un sujet d’inspection prioritaire pour l’ASN. Une campagne d’inspection sur toutes les INB a été lancée en 2024 et se prolongera en 2025. Elle porte sur les organisations en place dans les ins‑ tallations pour la prévention et le traite‑ ment des CFS. Les inspections de cette campagne, axée sur les facteurs organisa‑ tionnels et humains, incluent de multiples entretiens avec des acteurs différents de la vie des installations, depuis la hiérarchie portant la thématique des CFS jusqu’aux intervenants réalisant des travaux divers dans les installations. Plus de 70 inspections de ce type ont été réalisées en 2024. Elles ont principalement eu lieu sur les sites nucléaires et chez les fabricants d’équipements destinés à y être utilisés. Des inspections dédiées à cette thématique ont par ailleurs aussi été menées dans les services centraux de grands exploitants nucléaires. Les cas relevés sont d’abord traités en tant qu’écarts aux exigences réglementaires. Ils font de plus l’objet de discussions avec la direction des sites et les services centraux des exploitants, pour la mise en œuvre d’actions préventives. Suivant les enjeux relatifs à l’écart, un procès-verbal (PV) peut être dressé ou en cas de délit un signalement au procureur de la République est effectué, l’appréciation de l’oppor‑ tunité des poursuites lui appartenant (article 40 du code de procédure pénale). En 2024, l’ASN a effectué trois signa‑ lements. Lorsque le procureur de la République lance des investigations, l’ASN fournit un appui aux enquêteurs manda‑ tés par la justice pour les analyses tech‑ niques des documents et pour faciliter les démarches avec les exploitants nucléaires. De plus, la thématique de l’intégrité des données – c’est‑à‑dire le fait que des don‑ nées n’aient pas été modifiées ou détruites de façon non autorisée – liée au risque de CFS dans le sens où des faiblesses sur la traçabilité peuvent faciliter les irrégu‑ larités, a continué d’être fréquemment abordée depuis 2023 et fait l’objet de demandes dans plusieurs lettres de suite d’inspections. De nouvelles CFS sont encore détectées, tant par les exploitants eux‑mêmes dans le cadre de leur surveillance et contrôles internes que par les inspecteurs de l’ASN. En 2024, 104 ont été instruits par l’ASN, qu’il s’agisse de cas suspects, classés avé‑ rés ou finalement dédouanés après analyse. Cette forte augmentation du nombre de cas recensés par rapport à 2023 s’explique par trois facteurs principaux : ∙les exploitants, en particulier EDF, ont poursuivi la mise en œuvre de leurs actions de prévention, détection et traitement des CFS. Les contrôles qu’ils ont menés ont conduit à plus de détection ; ∙la campagne d’inspection de l’ASN sur les CFS mentionnée supra a permis aux ins‑ pecteurs de détecter des CFS mais aussi de rassembler plus d’informations auprès des exploitants ; ∙la publicité accrue pour le dispositif de signalement à l’ASN (voir point 5.2) conduit à la connaissance de nouveaux cas. Les CFS font l’objet d’un suivi et d’un trai‑ tement en lien étroit avec les exploitants et les fabricants. La typologie des CFS peut être présentée comme suit : ∙80 concernent des cas spécifiques à une installation, sans composante générique potentielle (action signée comme réalisée mais absence en zone contrôlée, falsifica‑ tion de réalisation d’activité ou de quali‑ fication de soudeurs, etc.) ; ∙15 cas concernent des fournisseurs pour lesquels des investigations ont été néces‑ saires pour vérifier l’absence de CFS éten‑ due à plusieurs exploitants ou fournisseurs (réparations par soudage non tracées ou masquées, fourniture de pièces en dehors du circuit de traçabilité dit « brokers », etc.). Ces cas ont conduit l’ASN à demander aux exploitants et fabricants de vérifier s’ils étaient concernés (3 courriers émis) ; ∙6 cas illustrent la potentialité de trouver des CFS dans un domaine annexe comme les organismes agréés ou certifiés : falsi‑ fication d’une certification comme OCR, rajout d’une mention dans un document de désignation de PCR sans nouvelle 168 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 Le contrôle des activités nucléaires et des expositions aux rayonnements ionisants
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