RAPPORT DE L’ASN 2024

Ces accidents sont, en général, étudiés avec des hypothèses pessimistes, c’est‑à‑dire en supposant que les différents paramètres gouvernant l’accident sont les plus défa‑ vorables possible. En outre, on applique le critère de défaillance unique, c’est‑à‑dire que, dans la situation accidentelle, on pos‑ tule en plus de l’accident la défaillance la plus défavorable de l’un des composants qui servent à gérer cette situation. Cela conduit à ce que les systèmes intervenant en cas d’accident (systèmes dits « de sau‑ vegarde », assurant l’arrêt d’urgence, l’in‑ jection d’eau de refroidissement dans le réacteur, etc.) soient constitués d’au moins deux voies redondantes et indépendantes. Quatrième niveau : maîtrise des accidents avec fusion du cœur Ces accidents ont été étudiés à la suite de l’accident de Three Mile Island aux États‑Unis (1979) et sont désormais pris en compte dès la conception des nouveaux réacteurs tels que le réacteur européen à eau pressurisée (Evolutionary Power Reactor – EPR). Il s’agit soit d’exclure ces accidents, soit de concevoir des systèmes permettant d’y faire face. Cinquième niveau : limitation des conséquences radiologiques en cas de rejets importants Il s’agit là de la mise en œuvre de mesures prévues dans les plans d’urgence incluant des mesures de protection des popula‑ tions : mise à l’abri, ingestion de compri‑ més d’iode stable pour saturer la thyroïde avant qu’elle puisse fixer l’iode radioactif rejeté, évacuation, restrictions de consom‑ mation d’eau ou de produits agricoles, etc. 1.2.3 L’interposition de barrières Pour limiter le risque de rejets, plusieurs barrières sont interposées entre les subs‑ tances radioactives et l’environnement. Ces barrières doivent être conçues avec un haut degré de fiabilité et bénéficier d’une surveillance permettant d’en détecter les éventuelles faiblesses avant une défail‑ lance. Pour les réacteurs à eau sous pres‑ sion (REP), ces barrières sont au nombre de trois : la gaine du combustible, l’enve‑ loppe du circuit primaire et l’enceinte de confinement (voir chapitre 10). 1.2.4 La démarche déterministe et la démarche probabiliste Le fait de postuler la survenue de cer‑ tains accidents et de vérifier que, grâce au fonctionnement prévu des matériels, les conséquences de ces accidents resteront limitées est une démarche dite « détermi‑ niste». Cette démarche est simple à mettre en œuvre dans son principe et permet de concevoir une installation (en particulier de dimensionner ses systèmes) avec de bonnes marges de sûreté, en utilisant des cas dits « enveloppes ». La démarche déterministe ne permet cependant pas d’identifier quels sont les scénarios les plus probables car elle focalise l’attention sur des accidents étudiés avec des hypothèses pessimistes. Il convient donc de compléter l’approche déterministe par une approche reflétant mieux les divers scénarios possibles d’accidents en fonction de leur probabi‑ lité d’occurrence, à savoir une approche probabiliste, utilisée dans les « analyses probabilistes de sûreté ». Ainsi, pour les centrales nucléaires, les études probabilistes de sûreté de niveau 1 consistent à construire, pour chaque évé‑ nement (dit « déclencheur ») conduisant à l’activation d’un système de sauvegarde (troisième niveau de la défense en profon‑ deur), des arbres d’événements, définis par les défaillances – ou le succès – des actions prévues par les procédures de conduite du réacteur et les défaillances – ou le bon fonctionnement – des matériels du réac‑ teur. Grâce à des statistiques sur la fiabi‑ lité des systèmes et sur le taux de succès des actions (ce qui inclut donc des don‑ nées de « fiabilité humaine »), la probabi‑ lité de chaque séquence est calculée. Les séquences similaires correspondant à un même événement déclencheur sont regrou‑ pées en familles, ce qui permet de détermi‑ ner la contribution de chaque famille à la probabilité de fusion du cœur du réacteur. Les études probabilistes de sûreté, bien que limitées par les incertitudes sur les données de fiabilité et les approximations de modélisation de l’installation, prennent en compte un ensemble d’accidents plus large que les études déterministes et per‑ mettent de vérifier et éventuellement de compléter la conception résultant de l’ap‑ proche déterministe. Elles doivent donc être un complément aux études détermi‑ nistes, sans toutefois s’y substituer. Les études déterministes et les analyses probabilistes constituent un élément essen‑ tiel de la démonstration de sûreté nucléaire, qui traite des défaillances internes d’équi‑ pements, des agressions internes et externes, ainsi que des cumuls plausibles entre ces événements. Plus précisément, les défaillances internes correspondent à des dysfonctionnements, pannes ou endommagements d’équipe‑ ments de l’installation, y compris résul‑ tant d’actions humaines inappropriées. Les agressions internes et externes cor‑ respondent quant à elles à des événements trouvant leur origine respectivement à l’in‑ térieur ou à l’extérieur de l’installation et pouvant remettre en cause la sûreté de l’installation. Les défaillances internes incluent par exemple : ∙la perte des alimentations électriques ou des moyens de refroidissement ; ∙l’éjection d’une grappe de commande ; ∙la rupture d’une tuyauterie du circuit primaire ou secondaire d’un réacteur nucléaire ; ∙la défaillance de l’arrêt d’urgence du réacteur. S’agissant des agressions internes, il est notamment nécessaire de prendre en considération : ∙les émissions de projectiles, notamment celles induites par la défaillance de maté‑ riels tournants ; ∙les défaillances d’équipements sous pression ; ∙les collisions et chutes de charges ; ∙les explosions ; ∙les incendies ; ∙les émissions de substances dangereuses; ∙les inondations trouvant leur origine dans le périmètre de l’installation ; ∙les interférences électromagnétiques ; ∙les actes de malveillance. Enfin, les agressions externes comprennent notamment : ∙les risques induits par les activités indus‑ trielles et les voies de communication, dont les explosions, les émissions de substances dangereuses et les chutes d’aéronefs ; ∙les séismes ; ∙la foudre et les interférences électromagnétiques ; ∙les conditions météorologiques ou climatiques extrêmes ; ∙les incendies ; ∙les inondations trouvant leur origine à l’extérieur du périmètre de l’installation ; ∙les actes de malveillance. 1.2.5 Le retour d’expérience Le retour d’expérience, qui participe à la défense en profondeur, est l’un des outils essentiels du management de la sûreté. Il repose sur une démarche organisée et systématique de recueil et d’exploita‑ tion des signaux que donne un système. Il doit permettre de partager l’expérience acquise pour un apprentissage organisa‑ tionnel (soit la mise en œuvre, dans une structure apprenante, de dispositifs de prévention s’appuyant sur l’expérience passée). Le premier objectif du retour d’expérience est de comprendre et ainsi progresser sur la connaissance technolo‑ gique et celle des pratiques réelles d’ex‑ ploitation pour, lorsque cela est pertinent, réinterroger la conception (technique et documentaire). L’enjeu du retour d’expé‑ rience étant collectif, le deuxième objec‑ tif est de partager la connaissance qui en est issue à travers la date de détection et l’enregistrement de l’écart, de ses ensei‑ gnements et de son traitement. Le troi‑ sième objectif du retour d’expérience est d’agir sur les organisations et les processus de travail, les pratiques de travail (indivi‑ duelles et collectives) et la performance du système technique. Le retour d’expérience englobe donc les événements, incidents et accidents qui se produisent en France et à l’étranger dès lors qu’il est pertinent de les prendre en compte pour renforcer la sûreté nucléaire ou la radioprotection. Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 129 01 03 04 07 08 09 10 11 12 13 14 15 AN Les principes de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et les acteurs du contrôle 05 06 02

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