La culture de sûreté traduit donc la façon dont l’organisation et les individus rem‑ plissent leurs rôles et assument leurs res‑ ponsabilités vis‑à‑vis de la sûreté. Elle constitue un des fondements indispen‑ sables au maintien et à l’amélioration de la sûreté. Elle engage les organismes et chaque individu à prêter une attention particulière et appropriée à la sûreté. L’organisation doit mettre en place des dispositions (formation, compagnonnage, préparation et planification des interven‑ tions, etc.) permettant une expression de la culture de sûreté à tous les niveaux de l’organisation au travers d’une approche rigoureuse et prudente et une attitude interrogative qui permet le partage du res‑ pect des règles et l’initiative. Elle trouve une déclinaison opérationnelle dans les décisions et les actions quotidiennes liées aux activités. L’ASN a mené des travaux de recherche sur sa propre culture de sûreté avec l’appui du Laboratoire d’économie et de manage‑ ment de Nantes‑Atlantique de l’université de Nantes. D’une durée d’un an, ces tra‑ vaux se sont achevés en septembre 2024 et portaient essentiellement sur les activités de contrôle des INB. Après une analyse bibliographique, l’étude s’est orientée vers l’analyse de la culture organisationnelle de l’ASN. La culture de sûreté du régulateur étant la « part de la culture organisationnelle qui influence le comportement des individus (staff et management), des unités organisationnelles et de l’organisation dans le traitement de la sûreté »(2). Au travers d’entretiens individuels et collectifs menés avec ses agents, d’observations de terrain et d’in‑ teractions avec l’exploitant et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l’étude a pu mettre en exergue six principes fondamentaux présents dans l’ensemble du système organisationnel, trois dimensions de sous‑culture de ce système et trois critères de performance du contrôle des INB sur lesquels se base la culture de sûreté de l’ASN. Les six principes fondamentaux sont pré‑ sents en tout point de l’organisation en lien avec les activités de contrôle des INB et constituent la culture organisationnelle de l’ASN, et depuis le 1er janvier 2025 de l’ASNR. Ils décrivent un système (voir schéma page précédente) dans lequel les limites de chaque principe sont compen‑ sées par un ou plusieurs autres. Les trois sous‑cultures identifiées au sein de l’ASN rassemblent chacune ses propres pratiques et attitudes de la part des agents. L’ensemble de ces principes fondamentaux et des dimensions de ces sous‑cultures est mobilisé pour réaliser les activités de contrôle des INB et concourt à générer une performance en termes de contrôle. Les trois critères de performance identifiés sont : les inspections efficaces, les déci‑ sions robustes et les incitations effectives. 2. Guidelines for safety culture self-assessment for the regulatory body International Atomic Energy Agency (International Atomic Energy Agency, Vienna, Austria, 2019, p. 5). Ces critères s’appuient à la fois sur les six principes fondamentaux et sur certaines sous‑cultures. Chaque critère concerne une des trois activités majeures du contrôle des INB : inspection, décision et coerci‑ tion – sanction au sein de l’ASN. Ces six principes fondamentaux relatifs aux activités de contrôle des INB consti‑ tuent la culture organisationnelle de l’ASN et sont tout aussi présents dans celle de l’ASNR. Leur interdépendance et l’exis‑ tence des trois sous‑cultures reflètent la complexité du fonctionnement de l’orga‑ nisation sur lesquels il a été nécessaire de s’appuyer lors de la construction de l’ASNR et des transformations organisationnelle et managériale associées. 1.2.2 Le concept de défense en profondeur Le concept de défense en profondeur consiste en la mise en place d’une série de niveaux de défense reposant sur les carac‑ téristiques intrinsèques de l’installation, des dispositions matérielles, organisation‑ nelles et humaines ainsi que des procé‑ dures destinées à prévenir les accidents puis, en cas d’échec de la prévention, à en limiter les conséquences. La défense en profondeur est un concept qui s’applique à tous les stades de la vie d’une installa‑ tion, de la conception au démantèlement. Ces niveaux de défense sont consécutifs et indépendants afin de s’opposer au déve‑ loppement d’un accident. Un élément important pour l’indépen‑ dance des niveaux de défense est la mise en œuvre de technologies de natures différentes (systèmes « diversifiés »). La conception d’une installation nucléaire est fondée sur une démarche de défense en profondeur. Par exemple, pour les réacteurs nucléaires, on définit les cinq niveaux suivants : Premier niveau : prévention des anomalies de fonctionnement et des défaillances des systèmes Il s’agit en premier lieu de concevoir et de réaliser l’installation de manière robuste et prudente, en intégrant des marges de sûreté et en prévoyant une résistance à l’égard de ses propres défaillances ou des agressions. Cela implique de mener une étude aussi complète que possible des conditions de fonctionnement normal, pour déterminer les contraintes les plus sévères auxquelles les systèmes seront soumis. Un premier dimensionnement de l’installation intégrant des marges de sûreté peut alors être établi. L’installation doit ensuite être maintenue dans un état au moins équivalent à celui prévu à sa conception par une maintenance adé‑ quate. L’installation doit être exploitée de manière éclairée et prudente. Deuxième niveau : maintien de l’installation dans le domaine autorisé Il s’agit de concevoir, d’installer et de faire fonctionner des systèmes de régu‑ lation et de limitation qui maintiennent l’installation dans un domaine très éloi‑ gné des limites de sûreté. Par exemple, si la température d’un circuit augmente, un système de refroidissement se met en route avant que la température n’atteigne la limite autorisée. La surveillance du bon état des matériels et du bon fonctionne‑ ment des systèmes fait partie de ce niveau de défense. Troisième niveau : maîtrise des accidents sans fusion du cœur Il s’agit ici de postuler que certains acci‑ dents, choisis pour leur caractère « enve‑ loppe », c’est‑à‑dire les plus pénalisants d’une même famille, peuvent se produire et de dimensionner des systèmes de sauvegarde permettant d’y faire face. Les 5 niveaux de la défense en profondeur Limitation des conséquences des rejets Plan d’intervention d’urgence Limitation des conséquences d’un accident grave Gestion d’accident grave Maîtrise des accidents Maintien dans le domaine autorisé Conception Exploitation Prévention des anomalies Systèmes de régulation, contrôles périodiques Systèmes de sauvegarde, procédures accidentelles 128 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 Les principes de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et les acteurs du contrôle
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