RAPPORT DE L’ASN 2024

dose(5) de rayonnements ionisants. Les études menées dans les pays les plus touchés par l’accident de Tchernobyl (la Biélorussie, l’Ukraine et la Russie) ont aussi fait avancer les connaissances sur l’effet des rayonnements sur la santé pour des expositions dues à une contamination interne (exposition interne), notamment à l’iode radioactif. Les études sur les travail‑ leurs de l’industrie nucléaire ont permis de mieux préciser le risque pour des expo‑ sitions chroniques à faibles doses établies sur de nombreuses années, qu’il résulte d’expositions externes ou de contamina‑ tions internes. Les effets héréditaires et tératogènes La survenue d’éventuels effets héréditaires des rayonnements ionisants n’a pas été démontrée chez l’homme. De tels effets n’ont pas été observés chez les survivants des bombardements de Hiroshima et de Nagasaki. Mais des effets héréditaires ont été documentés dans des travaux expé‑ rimentaux chez l’animal ; en particulier, les mutations induites par les rayonne‑ ments ionisants dans les cellules ger‑ minales (cellules à l’origine des cellules reproductrices : spermatozoïdes ou ovules) sont transmissibles à la descendance. Un groupe de travail de la CIPR, le TG121, tra‑ vaille actuellement sur le sujet des effets héritables et sur leurs modes de transmis‑ sion aux générations futures. La protection de l’environnement La radioprotection a pour but de pré‑ venir, réduire et limiter l’exposition aux rayonnements ionisants sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par des effets délétères portés à l’envi‑ ronnement. Au‑delà de la protection de 5. Le débit de dose radioactive détermine la dose absorbée (énergie absorbée par la matière) par unité de masse et de temps. Il se mesure en gray par seconde (Gy/s) dans le système international. Il est utilisé en physique et en radioprotection. 6. Exposition de la population française aux rayonnements ionisants – Bilan 2014‑2019, IRSN, 2021. l’environnement orientée vers la protec‑ tion de l’homme et des générations pré‑ sentes ou futures, la protection des espèces non humaines fait partie en tant que telle de la protection de l’environnement pres‑ crite en France par la Charte constitutionnelle de l’environnement. La protection de la nature au nom de l’intérêt propre des espèces animales et végétales (voir point 3.4) a fait l’objet de plusieurs publications depuis 2008 (CIPR 108, 114, 124 et 148). 1.3.3 La signature moléculaire dans les cancers radio‑induits Il n’est actuellement pas possible de faire la différence entre un cancer radio‑induit et un cancer qui ne le serait pas. En effet, les lésions provoquées par les rayonne‑ ments ionisants au niveau moléculaire ne semblent pas différentes de celles qui résultent du métabolisme cellulaire nor‑ mal, avec l’implication dans les deux cas de radicaux libres, en particulier oxygénés. De plus, ni l’examen anatomopathologique ni la recherche de mutations spécifiques n’ont permis de différencier jusqu’à présent une tumeur radio‑induite d’une tumeur sporadique. On sait qu’aux premières étapes de la car‑ cinogenèse (processus de formation du cancer) une cellule apparaît présentant une combinaison particulière de lésions de l’ADN lui permettant d’échapper au contrôle habituel de la division cellulaire et qu’il faut une dizaine à une centaine de lésions de l’ADN (mutations, cassures, etc.) en des points névralgiques pour fran‑ chir ces étapes. Tous les agents capables de léser l’ADN cellulaire (tabac, alcool, produits chimiques variés, rayonnements ionisants, température élevée, autres fac‑ teurs d’environnement notamment nutri‑ tionnels, radicaux libres du métabolisme cellulaire normal, etc.) contribuent au vieil‑ lissement cellulaire et à la carcinogenèse. Dans une approche multirisque de la car‑ cinogenèse, peut‑on alors continuer à par‑ ler de cancers radio‑induits ? Oui, compte tenu des nombreuses données épidémio‑ logiques qui indiquent que la fréquence des cancers augmente lorsque la dose aug‑ mente, une fois tenu compte des autres principaux facteurs de risque. Cependant, l’événement radio‑induit peut aussi être le seul en cause dans certains cas (cancers radio‑induits chez les enfants). La mise en évidence d’une signature radio‑ logique des cancers, c’est‑à‑dire la décou‑ verte de marqueurs permettant de signer l’éventuelle composante radio‑induite d’une tumeur, serait d’un apport consi‑ dérable dans l’évaluation des risques liés aux expositions aux rayonnements ioni‑ sants, mais reste à ce jour non démontrée. Le caractère multifactoriel de la carcinoge‑ nèse plaide pour une approche de pré‑ caution vis‑à‑vis de tous les facteurs de risque, puisque chacun d’entre eux est susceptible de contribuer à une altéra‑ tion de l’ADN. Ceci est particulièrement important chez les personnes présentant une radiosensibilité individuelle élevée et pour les organes les plus sensibles comme le sein et la moelle osseuse, et ce d’autant plus que les personnes sont jeunes. Les principes de justification et d’optimisation trouvent là toute leur place (voir chapitre 2). 2 Les différentes sources de rayonnements ionisants 2.1 Les rayonnements ionisants d’origine naturelle En France, l’exposition à la radioacti‑ vité naturelle, sous ses différents modes (exposition aux rayonnements cosmiques, rayonnements telluriques, celle liée à l’in‑ corporation de radionucléides naturels contenus dans les denrées et l’eau de bois‑ son et celle associée à la présence de radon dans l’habitat) représente en moyenne 76% de l’exposition totale annuelle(6). 2.1.1 Les rayonnements cosmiques Les rayonnements cosmiques sont compo‑ sés essentiellement d’ions. Ils possèdent une composante directement ionisante et une composante indirectement ionisante due aux neutrons (dite « composante neu‑ tronique »), variables en fonction de l’alti‑ tude et de la longitude. En prenant en compte l’altitude de chaque commune, le temps moyen passé à l’inté‑ rieur des habitations et un facteur de pro‑ tection d’habitat de 0,8 (l’habitat atténue la composante ionique des rayonnements cosmiques), l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) évalue la dose efficace individuelle moyenne par habitant en France à 0,31 mSv avec une variation de 0,3 à 1,1 mSv/an selon les communes. Les voyageurs et le personnel navigant sont exposés lors de vols aériens, en fonction de l’altitude du vol et du trajet, à une expo‑ sition qui varie de quelques microsieverts (μSv) pour un vol Paris‑province à près de 80 μSv pour un vol Paris‑Ottawa. La dose efficace moyenne annuelle reçue par la population est en France de 14 μSv. Du fait d’une exposition accrue aux rayon‑ nements cosmiques en raison de séjours prolongés en altitude, une surveillance dosimétrique s’impose pour le person‑ nel navigant (voir point 3.1.3). 2.1.2 Les rayonnements d’origine terrestre (hors radon) Les radionucléides naturels d’origine ter‑ restre sont présents à des teneurs diverses dans tous les milieux constitutifs de notre environnement et de l’organisme humain. Ils conduisent à une exposition externe de la population du fait des rayonnements gamma émis par les produits de filiation de l’uranium-238 et du thorium-232, et par le potassium-40 présents dans les sols. 106 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 Les activités nucléaires : rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement

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