RAPPORT DE L’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024
L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection présente le rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024. Ce rapport est prévu par l’article L. 592-31 du code de l’environnement. Il a été remis au président de la République, au Premier ministre et aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, et transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en application de l’article précité.
01 p. 100 Les activités nucléaires : rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement 04 p. 172 Les situations d’urgence radiologique et post‑accidentelles 07 p. 210 Les utilisations médicales des rayonnements ionisants 10 p. 300 Les centrales nucléaires d’EDF 13 p. 350 Les installations nucléaires de recherche et industrielles diverses 02 p. 122 Les principes de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et les acteurs du contrôle 05 p. 184 L’information et l'association des publics 08 p. 250 Les sources de rayonnements ionisants et les utilisations industrielles, vétérinaires et en recherche de ces sources 11 p. 332 L’émergence des projets de petits réacteurs modulaires 14 p. 358 Le démantèlement des installations nucléaires de base 03 p. 148 Le contrôle des activités nucléaires et des expositions aux rayonnements ionisants 06 p. 196 Les relations internationales 09 p. 282 Le transport de substances radioactives 12 p. 340 Les installations du « cycle du combustible nucléaire » 15 p. 380 Les déchets radioactifs et les sites et sols pollués ANNEXE p. 400 Panorama des installations nucléaires de base au 31 décembre 2024 Le contrôle des activités nucléaires de proximité (médical, recherche et industrie, transport) est présenté dans les chapitres 7, 8, 9. Seules les actualités réglementaires de l’année 2024 sont présentes dans cet ouvrage. L’ensemble de la réglementation est consultable sur asnr.fr, rubrique « La réglementation ». AVIS AU LECTEUR Éditorial du collège p. 2 • Éditorial du directeur général p. 8 • Faits marquants 2024 p. 12 • Les appréciations de l’ASN p. 22 • Actualités réglementaires p. 32 • Le panorama régional de la sûreté nucléaire et de la radioprotection p. 36 Sommaire Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 Le présent rapport, qui fait état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024, a été élaboré par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), elle-même née de la réunion au 1er janvier 2025 de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Le collège et les directions s’expriment au nom de l’ASN concernant l’activité 2024, et au nom de l’ASNR lorsqu’il s’agit de considérations plus générales ou de projections.
Maintenir un haut niveau d’exigence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection dans un contexte ambitieux De gauche à droite : Pierre‑Marie ABADIE, Président Stéphanie GUÉNOT BRESSON, Commissaire Olivier DUBOIS, Commissaire Géraldine PINA, Commissaire Jean‑Luc LACHAUME, Commissaire Montrouge, le 1er mars 2025 e niveau de sûreté des installations nucléaires a été satisfaisant en 2024 avec une forte mobilisation sur la réalisation des quatrièmes réexamens périodiques des réacteurs de 900 mégawatts électriques (MWe), un niveau de production de l’usine Melox stabilisé et des efforts de la filière industrielle pour améliorer la qualité des fabrications. Dans le domaine médical, le niveau de radioprotection est également jugé satisfaisant malgré des points de vigilance. Dans un contexte où le nucléaire est appelé à conserver durablement un caractère structurant pour le système énergétique français, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) rappelle que : • l’anticipation est nécessaire pour construire des décisions éclairées par les meilleures connaissances et nourries par une attitude interrogative à l’écoute des signaux faibles ; • la pérennisation des installations doit viser les meilleurs standards de sûreté, y compris en comparaison aux projets d’installations plus modernes appelées à les remplacer ; • des marges physiques et temporelles doivent être conservées pour être en mesure de faire face aux aléas sans remettre en cause la sûreté. L 2 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 ÉDITORIAL DU COLLÈGE
La poursuite du fonctionnement du parc électronucléaire reste un sujet majeur Les dispositions de l’article L. 593-18 du code de l’environnement prévoient que l’ASNR prenne position, tous les dix ans, à l’issue de leur réexamen périodique, sur les conditions de la poursuite du fonctionnement des installations nucléaires. Le quatrième réexamen périodique des réacteurs de 900 MWe (RP4 900), qui permet d’améliorer sensiblement le niveau de sûreté, se poursuit réacteur par réacteur. En 2024, l’ASN a pris position sur les orientations à retenir pour le cinquième réexamen périodique de ces réacteurs, qui permettra de définir les conditions de la poursuite de leur fonctionnement au‑delà 50 ans, en maintenant les mêmes objectifs de sûreté. EDF prévoit d’axer le cinquième réexamen, d’une part, sur la vérification de la conformité des installations, le maintien de la qualification des matériels et la maîtrise du vieillissement ; d’autre part, sur la réévaluation de la maîtrise des risques et inconvénients, en prenant en compte les effets du changement climatique. L’ASN a considéré que les orientations générales retenues par EDF sont pertinentes et cohérentes avec l’état actuel des connaissances. Concernant le quatrième réexamen périodique des réacteurs de 1 300 MWe (RP4 1300), l’instruction des principaux enjeux génériques de sûreté a été poursuivie en 2024 par l’ASN avec l’appui de l’IRSN. Parallèlement, la concertation publique sur les conditions d’amélioration de la sûreté des réacteurs de 1 300 MWe dans le cadre de leur quatrième réexamen, menée sous l’égide du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) avec la participation d’EDF, de l’IRSN, de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) et de l’ASN, a, comme l’ont conclu les garants de la concertation désignés par le HCTISN, permis « d’aborder publiquement avec succès des questions essentielles concernant toute la société, au‑delà de la procédure réglementaire d’autorisation en cours ». Au final, l’instruction a été menée efficacement grâce à la reconduction des processus de gouvernance mis en place pour l’instruction du quatrième réexamen des réacteurs de 900 MWe avec EDF et l’IRSN, et également en tirant parti de son retour d’expérience. Ce résultat, ainsi que le lotissement de la future réalisation des modifications, et la continuité des objectifs avec le quatrième réexamen des réacteurs de 900 MWe, visent à permettre à partir de 2026 un déploiement standardisé des améliorations de sûreté sur les réacteurs de 1 300 MWe dès les premiers réacteurs concernés, tout en réalisant les modifications à fort enjeu de sûreté en priorité. En ce qui concerne un éventuel fonctionnement de réacteurs du parc actuel au‑delà de 60 ans, et sur la base des travaux engagés par EDF, l’année 2023 avait permis d’identifier les principaux sujets techniques qui doivent faire l’objet d’analyses particulières, voire de recherches et de développements, en amont des réexamens périodiques. Une stratégie d’instruction de la poursuite d’exploitation des réacteurs est déployée à l’occasion des quatrièmes et cinquièmes réexamens périodiques et en anticipation d’une éventuelle poursuite d’exploitation au‑delà. Cette stratégie a permis d’industrialiser ces instructions. L’engagement d’études sur la pérennisation et le renouvellement des usines du combustible est un point positif dans le souci de l’équilibre du « cycle ». Avec la reprise de la construction de nouveaux réacteurs et de nouvelles usines du combustible, une innovation très active dans le médical ou les petits réacteurs modulaires (PRM), ainsi que des perspectives nouvelles de durée d’exploitation, les acteurs de la sûreté nucléaire et de la radioprotection doivent répondre à de nouveaux défis : acquisition de nouvelles connaissances, diffusion de la culture de sûreté et de radioprotection auprès de tous les acteurs, y compris dans la chaîne de sous‑traitance, mobilisation de moyens et de compétences au service de la sûreté et de la radioprotection, dans un contexte de ressources contraint et concurrentiel. L’ASN et désormais l’ASNR s’adaptent à ce nouveau contexte. Après le vote de la loi no 2024-450 du 21 mai 2024 décidant la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le travail collectif de préparation a permis à l’ASNR d’être opérationnelle dès le 1er janvier 2025, dans toutes ses missions. Regroupant la recherche, l’expertise, l’instruction et le contrôle, l’ASNR est forte d’un éventail de métiers et de compétences qui vont de l’acquisition de la connaissance à la décision et au contrôle. Elle est plus indépendante, plus robuste et plus visible en France et à l’international. Les prochains mois permettront de consolider son organisation, d’installer l’ASNR dans son écosystème, et de construire progressivement une stratégie intégrée de recherche, d’expertise, de contrôle et de transparence et de dialogue avec la société. Éditorial du collège Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 3
Les conclusions des analyses anticipées d’EDF feront l’objet d’une instruction en vue d’une prise de position de l’ASNR en 2026. Enfin, depuis le début de leur fonctionnement, les référentiels d’exploitation des réacteurs, et en particulier leurs règles générales d’exploitation (RGE), se sont complexifiés, notamment pour tenir compte du retour d’expérience et de la réévaluation des risques d’agressions externes. Cette complexification peut induire des difficultés d’application des RGE, voire une perte de sens pour les opérateurs, ayant des effets sur la maîtrise des risques. EDF a initié un processus de simplification à court, moyen et long terme, qui a déjà donné lieu à des échanges avec l’ASN et l’IRSN. En parallèle, l’ASN a réuni la profession en 2024 au cours d’un cycle de réflexion du Comité d’orientation sur les facteurs sociaux, organisationnels et humains. Une synthèse de ces travaux sera publiée en 2025. Des enseignements de la corrosion sous contrainte à consolider Découverte fin 2021, l’existence de phénomène de corrosion sous contrainte affectant certaines tuyauteries auxiliaires a fait l’objet d’une stratégie de remplacement systématique des tuyauteries considérées comme sensibles en 2023 et de contrôles de plus en plus étendus qui se poursuivront sur l’ensemble du parc jusqu’en 2025. À l’occasion des prochains réexamens périodiques, les enseignements devront être pris en compte par EDF dans ses programmes de maintenance. En particulier, l’ASN estime nécessaire que les hypothèses d’absence de sensibilité à des mécanismes de dégradation, retenues pour certaines zones qui ne sont pas surveillées dans le cadre d’un programme de maintenance préventive, soient étayées par un programme d’investigations complémentaires. Le suivi de la mise en service de l’EPR de Flamanville et le programme EPR 2 À l’issue de l’instruction menée par l’ASN avec l’appui de l’IRSN, et après avoir consulté le public sur le dossier d’EDF, l’ASN a autorisé par décision du 7 mai 2024 la mise en service du réacteur EPR de Flamanville, permettant ainsi à EDF de charger le combustible nucléaire et de procéder aux essais de démarrage. Cette autorisation est assortie de prescriptions techniques encadrant le déroulement des essais, définissant l’échéance de remplacement de certains composants et prévoyant des dispositions relatives à la prise en compte du retour d’expérience. Depuis cette autorisation, l’ASN échange quotidiennement avec le site et a mené, en 2024, une dizaine d’inspections de suivi de la mise en service, notamment aux étapes les plus importantes. L’exploitant a rencontré différents aléas matériels, qui ont retardé la montée en puissance du réacteur, mais l’ASN n’a pas identifié à ce stade d’anomalie dans les résultats des essais de démarrage. Une cinquantaine d’événements significatifs pour la sûreté ont toutefois été déclarés par l’exploitant entre la mise en service et la fin de l’année 2024, soit un taux significativement plus élevé qu’attendu, même pour un nouveau réacteur. L’ASN a été particulièrement vigilante sur le sujet, notamment lors des inspections, et estime pertinentes, à ce stade, les mesures engagées par l’exploitant. EDF a engagé un programme de construction de réacteurs EPR 2 en France. Les premières paires seront construites à Penly, à Gravelines et au Bugey. La demande d’autorisation de création d’installation nucléaire de base (INB) relative au site de Penly, déposée en 2023 par EDF, est en cours d’instruction et devrait aboutir en 2027. Compte tenu du retour d’expérience du projet EPR de Flamanville, l’ASN a engagé une démarche de contrôle portant sur l’organisation et la conduite de projet par EDF, ainsi que la maîtrise de la chaîne d’approvisionnement des matériels importants pour la sûreté. La réception des premiers dossiers d’instruction de projets de petits réacteurs modulaires conforte les positions antérieures de l’ASN sur la nécessité d’une approche systémique En 2024, l’intérêt pour les PRM, porteurs d’innovations plus ou moins ambitieuses, ne s’est pas démenti, dans le cadre de la recherche de solutions de production d’énergie décarbonée. Ce contexte a permis de conforter la pertinence de l’organisation et du cadre d’échanges préparatoires mis en place au sein de l’ASN en 2023 pour accompagner les nouveaux acteurs, en particulier les start‑ups, conduire les réflexions nationales et internationales sur les objectifs de sûreté à appliquer à ces objets et appréhender la diversité des conceptions et des innovations. En 2024, les premiers dossiers de demande d’autorisation de création ou de demande d’avis sur les options de sûreté ont été déposés pour des projets soutenus par le programme « France 2030 ». Dans ce cadre, certains enjeux deviennent essentiels. Tout d’abord, la plupart de ces réacteurs devraient être implantés sur les sites non nucléaires de leurs clients. Or, de tels sites peuvent se trouver dans des zones à risques industriels ou naturels importants ou à proximité immédiate de zones densément habitées, ce qui compliquerait la mise en œuvre de mesures de protection des populations et Éditorial du collège 4 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024
de l’environnement en situation accidentelle. Les objectifs de sûreté à atteindre doivent être adaptés, en cohérence avec les modalités de prise en compte des agressions malveillantes, pour envisager une implantation de réacteurs sur de tels sites. L’ASN a mis en place un cadre pluraliste d’échanges associant des parties prenantes pour éclairer sa réflexion et pouvoir ainsi se positionner sur les objectifs de sûreté de ces réacteurs. Par ailleurs, les réacteurs les plus innovants ont besoin de combustibles spécifiques pour lesquels les chaînes industrielles de production et de retraitement n’existent pas encore et nécessiteraient des investissements conséquents. L’ASN rappelle l’importance de développer une approche systémique intégrant la chaîne industrielle, la fourniture du combustible nucléaire, la gestion des combustibles usés et autres déchets générés, ainsi que la gestion des risques de malveillance et de prolifération des matières nucléaires. Confrontée à un défi de qualité et de culture de sûreté dans la chaîne de sous‑traitance, la filière industrielle a lancé de nombreuses initiatives La relance de l’industrie nucléaire représente un défi pour la filière pour répondre, outre les enjeux de recrutement, à une croissance inégalée depuis plusieurs décennies et garantir la qualité attendue de tous les composants participant à la sûreté. La rigueur industrielle et la culture de sûreté sont impératives et la filière, en particulier au sein du Groupement des industries françaises de l’énergie nucléaire (GIFEN), en a pleinement conscience. Néanmoins, l’année 2024 a encore été l’occasion de découvertes d’écarts voire d’irrégularités significatifs, qui ont fait l’objet d’un traitement par les exploitants concernés et d’une instruction des services de l’ASN. Face à cette persistance d’écarts, le collège a auditionné le président‑directeur général d’EDF pour s’assurer d’une réelle mobilisation collective pour éviter la reproduction, notamment sur les chantiers du nouveau nucléaire, des défauts de fabrication et de construction qui ont émaillé le chantier de l’EPR de Flamanville. L’ASN estime que les plans proposés par EDF et le GIFEN vont dans le bon sens mais constate que la mobilisation des acteurs du tissu industriel reste encore fragile. L’ASN a produit en 2024 un guide pratique dédié à la qualité des matériels destinés aux installations nucléaires, qui rappelle notamment l’importance de l’identification, au juste besoin, des exigences et la nécessité de mettre en place une surveillance appropriée au bon moment de la chaîne de production. Réflexions sur l’évolution de long terme des usines du « cycle du combustible » Depuis plusieurs années, l’ASN alerte sur les tensions qui pèsent sur le « cycle du combustible » en France. Les installations du « cycle » présentent des fragilités et chaque atelier est un maillon unique dans une chaîne de traitement. Une saturation des entreposages de combustibles usés à La Hague aurait également des conséquences sur le fonctionnement des centrales nucléaires. La baisse importante de la production de l’usine Melox et la corrosion plus rapide que prévu des évaporateurs de La Hague, utilisés pour la concentration des solutions nitriques de produits de fission et transuraniens, ont illustré, ces dernières années, cette fragilité. Cette situation est, toutefois, en voie d’amélioration avec la hausse progressive de la production de Melox depuis deux ans et le remplacement des évaporateurs à La Hague achevé cette année. En ce qui concerne la tension sur le « cycle », la décision de poursuivre le fonctionnement des réacteurs consommateurs de combustible MOX, ceux de 900 MWe, éloigne la perspective de saturation des entreposages de combustibles usés. À la suite du Conseil de politique nucléaire de février 2024, une réflexion active a été engagée sur la pérennisation et le renouvellement des usines du « cycle », dans la perspective de la poursuite de la politique de retraitement jusqu’à la fin de ce siècle. Dans ce contexte, EDF a renoncé à son projet de piscine centralisée au profit d’une installation intégrée au programme industriel d’Orano sur le site de La Hague. Les nouvelles installations devront être conçues en tenant compte des standards de sûreté les plus récents, au moins équivalents à ceux du projet de piscine centralisée d’EDF. Dans l’attente de ces futures installations et compte tenu du fait qu’elles ne prendront pas instantanément le relais des installations actuelles, il est indispensable de poursuivre la mise en place des parades au risque de saturation. Au‑delà des annonces, il est indispensable que des décisions soient prises dès à présent afin que les projets passent à une phase de réalisation et aboutissent dans les délais les plus brefs possibles, à commencer par la mise en service des nouvelles piscines en 2040. Ainsi, les étapes importantes à venir sont la remise par Orano de dossiers d’options de sûreté (DOS) pour les installations nouvelles puis la saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP) sur un dossier de présentation des projets de nouveaux bassins d’entreposage de combustibles usés. Il est souhaitable que le projet Aval du futur fasse également l’objet, à l’issue de la phase actuelle d’études, d’un débat et de concertations. Éditorial du collège Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 5
Poursuite de l’instruction du dossier Cigéo À la suite du dépôt par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) en janvier 2023 du dossier de demande d’autorisation de création de Cigéo, projet de stockage géologique pour les déchets de haute et moyenne activité à vie longue (HA- et MA‑VL), l’ASN a engagé, avec le soutien de l’IRSN, une phase d’instruction technique du dossier qui se conclura par un avis de l’ASNR en 2025 pour une enquête publique en 2026. Cette instruction technique s’est poursuivie en 2024, avec notamment la tenue de deux réunions du Groupe permanent d’experts pour les déchets consacrées aux données de base et hypothèses retenues pour établir la démonstration de sûreté, puis à la sûreté en phase d’exploitation. Ces travaux ont permis d’évaluer, dans ces deux champs thématiques, dans quelle mesure le dossier présenté par l’Andra répondait aux exigences nécessaires pour la délivrance éventuelle du décret d’autorisation, mais également d’identifier des compléments qui devront être apportés en vue du franchissement des jalons futurs de la vie de l’installation. L’Andra devra ainsi apporter des compléments avant le début des creusements actuellement prévu en 2035, notamment sur la démonstration de la sûreté en exploitation du stockage des déchets bitumés, de la fermeture des alvéoles MA‑VL et de l’exploitation des alvéoles de haute activité. Les enjeux de la sûreté à long terme du stockage, après sa fermeture, sont étudiés en 2025 dans le cadre de la troisième et dernière phase d’instruction technique du dossier. L’ASNR considère qu’à ce stade il n’y a pas d’obstacle à la poursuite de la procédure d’instruction conformément au calendrier envisagé, qui planifie son déroulement sur cinq ans. Dans la perspective, décrite plus haut, de la poursuite de fonctionnement des réacteurs de 50 à 60 ans et de la création de six réacteurs EPR 2, l’adaptabilité de Cigéo a été évaluée, sans qu’apparaisse à ce stade d’élément rédhibitoire. En revanche, l’adaptation de l’installation à des évolutions telles que la poursuite de fonctionnement des réacteurs au‑delà de 60 ans, la construction de huit EPR 2 supplémentaires, ou d’un parc de PRM et/ou de réacteurs à neutrons rapides, serait à évaluer postérieurement à la publication du décret d’autorisation de création sur la base de futures études d’adaptabilité, lorsque les scénarios associés seront définis. Une situation contrastée dans le domaine médical En 2024, le niveau de radioprotection s’est maintenu à un niveau satisfaisant dans le domaine médical, malgré une situation contrastée et des points de vigilance persistants depuis plusieurs années. Le contexte reste marqué par des tensions, notamment sur le plan des ressources humaines, et un niveau d’activité croissant. Les organisations de travail se complexifient, avec des mutualisations de moyens, du travail multi‑sites, un recours plus fréquent à des intervenants extérieurs ainsi qu’une externalisation croissante des compétences en radioprotection, y compris parmi les établissements les plus en pointe. Cette situation engendre des contraintes techniques, opérationnelles et organisationnelles nouvelles. L’ASN alerte l’ensemble des acteurs sur le risque d’une moindre appropriation, dans ce contexte, des enjeux de radioprotection et rappelle la nécessité d’évaluer l’impact, en matière de radioprotection, de tout changement d’organisation. Certains événements significatifs et des constats faits au cours d’inspections en 2024 confirment les signaux faibles d’un contexte défavorable à la radioprotection, déjà évoqués en 2023. L’ASN rappelle que le principal garant d’un haut niveau de radioprotection réside dans une culture de radioprotection solide, portée par des professionnels formés. Cette culture nécessite d’être régulièrement entretenue afin d’adapter les bonnes pratiques aux nouveaux risques, de maintenir une dynamique performante d’optimisation et de prévenir la répétition des incidents antérieurs. L’ASN constate toujours une situation insatisfaisante pour les pratiques interventionnelles radioguidées réalisées au bloc opératoire. Dans ce domaine, où les indications et le nombre de patients concernés augmentent et se diversifient, les actions d’optimisation et la conformité des installations aux règles d’aménagement sont essentielles à la maîtrise des enjeux de radioprotection. Des démarches de coercition ont été engagées ces deux dernières années en raison d’un défaut notable d’enregistrement d’équipement radiogène, ainsi que d’écarts persistants concernant la conformité des locaux et la formation à la radioprotection des patients et des personnels. En radiothérapie, des erreurs de cibles, notamment des erreurs de latéralité, ont encore été relevées en 2024. Un retour d’expérience a été entrepris au niveau national, en collaboration avec les sociétés savantes, et partagé avec les professionnels afin d’éviter que ces erreurs, bien que rares, ne se reproduisent. En 2024, un accident de radiothérapie ayant entraîné des séquelles graves a affecté un patient dont l’antécédent de radiothérapie n’avait pas été pris en compte. Compte tenu des progrès dans la prise en charge des cancers, l’ASN appelle l’attention des professionnels sur l’augmentation des cas de patients pouvant bénéficier d’un second traitement par radiothérapie et sur les risques de surexposition associés à ces situations. Éditorial du collège 6 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024
En médecine nucléaire, deux situations particulières peuvent poser des difficultés et sont rendues plus fréquentes par le développement de la radiothérapie interne vectorisée (RIV). Il s’agit, d’une part, de la prise en charge du patient en cas d’extravasation lors de l’administration du traitement ; d’autre part, de la filière de gestion des déchets lorsque des déchets radiocontaminés, produits au domicile des patients après un traitement ambulatoire, déclenchent l’activation des alarmes des portiques de détection à l’entrée des centres de collecte. Ces événements mobilisent, du fait de leur caractère radiologique, des moyens d’intervention importants et des modalités opérationnelles et d’accompagnement spécifiques, même si l’enjeu sanitaire reste limité. La hausse de leur fréquence en 2024 est préoccupante compte tenu de l’augmentation attendue du nombre de patients éligibles à ces traitements. L’ASN appelle les professionnels à être extrêmement attentifs à la prévention de telles situations. Anticiper et accompagner les innovations dans le domaine médical Le déploiement des nouvelles techniques et pratiques en thérapie est porteur d’espoir pour les patients, mais constitue un sujet de vigilance afin d’assurer leur intégration rapide et sûre dans le système de soins. Cela nécessite de prendre la mesure des enjeux de radioprotection associés, tant pour le patient, son entourage, les travailleurs que pour l’environnement, et d’identifier puis mettre en œuvre les moyens nécessaires à leur maîtrise. Cette vigilance est particulièrement importante avec l’essor de la RIV, l’arrivée de la plateforme ZAP‑X® ou encore le développement de la radiothérapie flash, des champs pulsés et de la radiothérapie adaptative. L’ASN rappelle que les enjeux de radioprotection ne se limitent pas à la réalisation de l’acte mais débutent dès la phase de conception et s’étendent, le cas échéant, à la gestion des déchets et des effluents. Ces enjeux de radioprotection doivent être intégrés au cœur des réflexions à chaque étape ; cela nécessite que les données pertinentes pour la radioprotection soient renseignées et le cas échéant recherchées ou étudiées par les concepteurs et les promoteurs. En 2025, l’ASNR poursuivra ses travaux de recherche, d’expertise et de régulation en s’appuyant sur ses groupes permanents d’experts, comme le Comité d’analyse des nouvelles techniques et pratiques médicales utilisant des rayonnements ionisants ou le Groupe permanent d’experts pour la radioprotection, en lien avec les différents acteurs institutionnels du domaine de la santé et les sociétés savantes. Elle valorisera les enseignements tirés des projets européens pour mobiliser l’ensemble des acteurs et faire évoluer le système de contrôle, à l’échelle nationale comme européenne, pour que les enjeux de radioprotection restent au cœur des décisions dans un système de santé innovant et en constante évolution. Une activité internationale toujours soutenue L’activité internationale s’est maintenue à un rythme soutenu. De nombreuses réunions avec ses homologues ont permis à l’ASN d’échanger sur ses pratiques et de partager sur les enjeux liés notamment au contexte de relance de nouveaux projets et à l’utilisation de technologies innovantes, comme l’intelligence artificielle, dans le secteur nucléaire. Les travaux relatifs au deuxième examen thématique par les pairs (TPR ENSREG), présidés par une représentante de l’ASN, concernant la protection des installations nucléaires contre le risque lié à l’incendie, se sont conclus et permettront à chaque pays d’élaborer en 2025 son plan d’action national. Deux séminaires, organisés au Luxembourg, ont permis d’échanger sur les bonnes pratiques et d’identifier les axes d’amélioration de chaque pays. En matière de radioprotection, l’ASN, qui assure la présidence de l’association HERCA (Heads of the European Radiological Protection Competent Authorities), dont l’objectif est de promouvoir un niveau élevé de radioprotection en Europe, s’est activement impliquée pour favoriser le partage d’expérience entre les autorités européennes sur la mise en œuvre pratique des normes internationales et pour contribuer à une évolution équilibrée de celles‑ci. Enfin, la création de l’ASNR permettra de renforcer la représentation de la France à l’international en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Dans cet esprit, les équipes internationales de l’ASN et de l’IRSN ont préparé ensemble la création d’une direction internationale unifiée et opérationnelle dès le 1er janvier 2025. n Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 7 Éditorial du collège
Une mobilisation sans précédent pour être prêts au 1er janvier 2025 Olivier GUPTA Montrouge, le 1er mars 2025 a réforme de la gouvernance du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, objet de la loi du 21 mai 2024, marque une étape historique avec la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Indépendante des exploitants et du Gouvernement, celle‑ci est non seulement dotée d’importants pouvoirs de contrôle mais aussi de fortes capacités d’expertise et de recherche. Ainsi, chaque décision qu’elle prend, contrôle qu’elle effectue, autorisation qu’elle délivre, s’appuiera sur des instructions et expertises à l’état de l’art car alimentées par les résultats de la recherche. L ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL 8 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024
Une mobilisation sans précédent des services pour que l’ASNR puisse fonctionner dès le 1er janvier 2025 Un travail législatif et réglementaire Il était indispensable que plusieurs décrets nécessaires à l’application de la loi du 21 mai 2024 soient publiés avant le 1er janvier. C’est par exemple le cas du décret portant transfert des biens, droits et obligations de l’ex‑IRSN au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), au ministère des Armées et à l’ASNR, ou encore du décret créant les instances sociales provisoires de l’ASNR. Au total, sept décrets ont été publiés après consultation obligatoire de plusieurs instances et un passage en Conseil d’État. Cela a nécessité un travail d’ampleur et dans des délais très contraints des administrations partenaires ainsi que des personnels de l’ASN et de l’IRSN, que je remercie de leur mobilisation. Un travail sur le fonctionnement et l’organisation Tout en contribuant aux travaux préparatoires conduits par le Gouvernement sur le projet de loi dédié à cette réforme, les directions de l’ASN et de l’IRSN ont souhaité que soit entrepris dès l’automne 2023 un travail de définition des principes d’organisation et de fonctionnement de la future entité. Des groupes de travail conjoints ont ainsi été créés, par domaine d’activités, avec pour objectif de proposer des grandes lignes d’organisation et de fonctionnement du secteur d’activités correspondant dans la future ASNR. Ils ont mobilisé les équipes tout au long de l’année 2024. Une liste des actions « incontournables » pour préparer la création de l’ASNR, principalement dans les activités transverses et supports (ressources humaines, budget et finances, informatique, affaires juridiques, etc.), a été établie. Le travail s’est élargi aux services de l’État dont le soutien était nécessaire, afin notamment d’établir l’architecture budgétaire et financière et de mettre en place un nouveau programme budgétaire dédié au financement de l’ASNR. Il a fallu préparer le positionnement des personnels dans la nouvelle structure. A cette fin, le collège de l’ASN, en sa qualité de futur collège de l’ASNR, a soumis dès juillet 2024 à la consultation des instances sociales de l’ASN et de l’IRSN un projet d’organisation des services. Un comité exécutif a été constitué, puis des directeurs préfigurateurs des futures entités de l’ASNR ont été nommés en novembre 2024, et les personnels des deux organismes ont pu être affectés sur un poste courant décembre. Parmi les actions incontournables identifiées figurait la capacité de l’ASNR à répondre de façon unifiée à sa mission en cas d’accident nucléaire ou plus généralement de situation d’urgence radiologique. Les travaux conjoints sur cette question ont abouti à l’été 2024 à la mise en place d’un centre de crise unique, gréé par des personnels issus des deux entités, avec un fonctionnement intégré. L’organisation définie a été testée à l’occasion de plusieurs exercices à l’automne 2024, confirmant son bien‑fondé. Enfin, comme le Parlement l’a souhaité, le règlement intérieur de l’ASNR auquel plusieurs articles de la loi font référence notamment pour préciser l’articulation entre « expertise » et « décision », a été mis en consultation auprès des instances sociales, puis présenté à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), avant d’être adopté par le collège de l’ASNR courant janvier 2025. Tous ces travaux ont permis d’assurer la continuité d’exercice des missions avant et après le 1er janvier 2025. La préparation de la création de l’ASNR a nécessité une mobilisation sans précédent des personnels de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et des administrations partenaires pour être prêts au 1er janvier 2025. Désormais, l’ASNR est opérationnelle. Les actes fondateurs ont été adoptés, sa gouvernance est installée et l’organisation interne est en place. L’organisation de crise fonctionne avec un centre unique. Pour autant, le travail de mise en place de l’ASNR est loin d’être achevé : si les éléments fondamentaux sont en place, de nombreux aspects restent à traiter jour après jour pour permettre un fonctionnement harmonieux au quotidien. En outre, la réflexion sur une organisation plus aboutie, tirant partie des synergies, doit se poursuivre. Ces travaux n’ont pas pour autant éloigné les personnels de leur mission première de protection des personnes et de l’environnement. Éditorial du directeur général Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 9
Le dialogue avec les personnels et leur accompagnement Fin 2023, les directions de l’ASN et de l’IRSN, les organisations syndicales représentatives des personnels de l’IRSN et les organisations syndicales représentatives des personnels de l’ASN ont conclu un accord de concertation relatif à la mise en œuvre du projet de réforme. Cet accord prévoyait la création d’une commission de concertation relative au projet de fusion, complémentaire des instances représentatives du personnel de chaque entité, permettant jusqu’à la fin de l’année 2024 l’organisation de discussions communes entre les deux directions et les représentants du personnel des deux organismes. Les représentants des personnels ont participé aux groupes de travail mis en place pour préparer la création de l’ASNR. Enfin, compte tenu de l’ampleur de la réforme, le dispositif de prévention et de traitement des risques psychosociaux a été renforcé tant à l’IRSN qu’à l’ASN. Les personnels ont été questionnés pour nourrir un « baromètre » qui, malgré des inquiétudes sur la réforme, n’a pas révélé de dégradation particulière. Une cellule d’écoute composée de psychologues du travail a également été mise en place. Demain, poursuivre la mise en place de l’ASNR et l’adapter au contexte nouveau, tout en assurant pleinement ses missions Malgré l’ampleur des travaux préparatoires, il reste encore beaucoup à faire. Deux axes structureront les travaux à venir. Poursuivre l’installation de l’ASNR Installer l’ASNR implique d’abord de mettre en place le fonctionnement au quotidien. Le début de l’année 2025 est largement consacré à la résorption de différences de modes de fonctionnement et de gestion au sein des deux organismes fusionnés. Le bon fonctionnement au quotidien passe, comme dans toute fusion d’organismes, par la création d’un système d’information unifié et d’outils numériques identiques pour tous les personnels : c’est un chantier colossal et coûteux dans l’immédiat, même s’il doit conduire à des gains à terme. La refondation du système de management (cartographie des processus, cycles de réunions de pilotage, contrôle interne, etc.) a débuté, mais elle est loin d’être achevée. Le Conseil scientifique et la commission d’éthique et de déontologie, tous deux appelés par la loi, doivent être installés dans les premiers mois de 2025. En matière d’affaires budgétaires et financières, la mise en place de processus budgétaires et d’achats nouveaux est en cours : ces processus n’étaient pas les mêmes à l’ASN, autorité administrative indépendante, et à l’IRSN, établissement public industriel et commercial. La construction d’un plan budgétaire à moyen terme est bien engagée, même si la période des « services votés » a représenté une contrainte supplémentaire dans le lancement des travaux. L’ASNR présentera mi-2025 au Parlement son évaluation des moyens prévisionnels humains, techniques et financiers qui lui sont nécessaires dans les cinq années pour exercer ses missions dans le nouveau contexte nucléaire, ainsi que les mesures indispensables pour assurer l’attractivité des conditions d’emploi de ses personnels sur le marché du travail dans le domaine du nucléaire. En matière de ressources humaines, un chantier d’harmonisation des conditions d’emploi, respectueuse toutefois des statuts public ou privé des personnels, est à conduire. La réussite dans le temps de l’ASNR nécessite de bâtir un cadre attractif de l’emploi et des compétences. Cela passe par la mise en place d’un processus de recrutement lisible, le développement d’une « marque employeur » qui participe à la création d’une identité « ASNR » et la dynamisation des recrutements par une politique ambitieuse d’accueil de jeunes en stage et en apprentissage. Forte de l’expérience de l’IRSN, l’ASNR pourra s’appuyer sur un outil interne, avec « l’Université de la sûreté nucléaire et de la radioprotection », chargée non seulement de développer et de transmettre les connaissances et compétences internes à l’ASNR, mais aussi d’en faire bénéficier tous les acteurs de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, tant en France qu’à l’étranger. Installer l’ASNR, c’est également construire un collectif. La direction générale a décidé de mettre en place des journées d’intégration communes des nouveaux arrivants de l’ASNR. Un travail participatif a été engagé autour des valeurs de l’ASNR : il devra être approfondi et élargi pour impliquer plus de personnels. Les managers, associés à la réflexion sur la construction de ce collectif, y contribueront de façon déterminante. Le collectif passe également par un dialogue social de qualité, rassemblant les représentants du personnel quel que soit leur statut. Enfin, il s’agit de conforter l’ASNR dans son écosystème en France et à l’international, en réaffirmant la légitimité de l’ASNR, héritière de l’ASN et de l’IRSN, dans les instances où ces deux organismes étaient présents. Cela passe également par la définition d’une feuille de route Éditorial du directeur général 10 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024
intégrée à l’échelle de l’ASNR, en matière de dialogue avec les parties prenantes, avec notamment l’appui du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Faire évoluer les modes de fonctionnement et les organisations pour les adapter au contexte nouveau À l’évidence, le contexte actuel du nucléaire français et mondial n’est plus du tout celui qu’il était au lendemain de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima (Japon). Au plan technique, les enjeux sont nombreux : la perspective d’une durée d’exploitation des réacteurs nucléaires jusqu’à 60 ans et au‑delà pose des défis techniques nécessitant l’acquisition de connaissances nouvelles permettant de se projeter sur des horizons lointains. La construction de plusieurs EPR 2 et le renouvellement des usines du « cycle du combustible » nécessitent de bâtir une stratégie de contrôle de chantiers en grand nombre. Le développement de l’innovation et l’intégration de nouvelles technologies, qu’ils concernent les projets de petits réacteurs modulaires ou le nucléaire médical, amènent l’ASNR à revoir ses modes de dialogue avec les acteurs qu’elle contrôle, dans un souci d’anticipation. Le développement de l’intelligence artificielle va également modifier les interactions entre l’ASNR et les responsables d’activités nucléaires, mais aussi offrir de nouvelles perspectives aux chercheurs, experts et inspecteurs. La guerre aux portes de l’Europe soulève la question du contrôle des installations nucléaires dans des zones de conflit armé. Plus largement, au‑delà du seul domaine nucléaire, les organismes en charge de régulation ou de contrôle font l’objet d’interpellations sur leur rôle et les modalités d’exercice de leurs missions. Enfin, le contexte budgétaire de plus en plus contraint pour les organismes publics est à prendre en compte. Ces évolutions du contexte dans lequel l’ASNR exerce ses missions et les enjeux actuels en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection devront être pris en compte dans les évolutions de l’ASNR. Il ne s’agit pas de faire de ces évolutions un but en soi, mais de tenir compte du fait que les modes de fonctionnement et les organisations actuels, largement hérités de ce qui existait jusqu’alors, ont été pensés pour faire coexister deux organismes distincts, alors que les missions correspondantes sont désormais exercées par un organisme unique. Comme cela vient d’être fait sur la gestion des situations de crise, il conviendra d’examiner dans quelle mesure ces missions peuvent être exercées différemment, en donnant un nouveau sens au travail des personnels pour tenir compte de leur intégration dans l’ASNR, et au bénéfice de la protection des personnes et de l’environnement, tout en assurant la robustesse des processus, notamment d’expertise et de décision. Les personnels concernés seront associés à ces réflexions. Donner la priorité absolue à notre mission première de protection des personnes et de l’environnement Malgré l’ampleur de ces travaux, qui reposent en large partie sur les fonctions support ou transverses, les équipes techniques de l’ASNR resteront pleinement mobilisées pour accomplir leur mission de protection des personnes et de l’environnement. *** 2025 sera une année décisive pour l’ASNR, qui devra tout à la fois poursuivre sa transformation et assurer ses missions essentielles à la protection des personnes et de l’environnement. Je sais pouvoir compter pour cela sur l’engagement de l’ensemble du personnel, animé par une même ambition : l’intérêt général. n Éditorial du directeur général Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 11
Faits marquants 2024
01 I Réacteur EPR de Flamanville Les premiers mois de fonctionnement du réacteur p. 14 02 I Le défi de la préparation aux instructions à venir des nombreux projets de petits réacteurs modulaires p. 16 03 I La radioprotection au défi des techniques médicales innovantes p. 18 04 I Les orientations du cinquième réexamen périodique des réacteurs de 900 MWe p. 20 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 13
Le 7 mai 2024, l’ASN a autorisé la mise en service du réacteur EPR de Flamanville. Il s’agit de la première mise en service d’un réacteur électronucléaire en France depuis celle du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Civaux en 1999. L’EPR est le premier réacteur de troisième génération en France. Sa conception permet une réduction significative de la probabilité de fusion du cœur et des rejets radioactifs en cas d’accident par rapport aux réacteurs de la génération précédente. Malgré les importantes difficultés rencontrées lors du chantier, le réacteur a été mis en service dans de bonnes conditions de sûreté. Toutefois les premiers mois de fonctionnement ont montré qu’EDF doit renforcer la maîtrise des activités d’exploitation. La réalisation de la fin des essais de démarrage L’ASN a encadré, dans l’autorisation de mise en service, les différentes phases de la montée en puissance du réacteur, afin de s’assurer, tout au long du processus, de la bonne réalisation des essais de démarrage jusqu’à l’atteinte de la puissance nominale. Dès l’autorisation de mise en service, EDF a engagé les opérations de chargement du combustible dans la cuve du réacteur. La première divergence, c’est‑à‑dire le démar‑ rage de la réaction nucléaire en chaîne dans le réacteur, est intervenue le 3 septembre 2024. EDF a ensuite procédé Réacteur EPR de Flamanville Les premiers mois de fonctionnement du réacteur 01 I 02 I 03 I 04 FAITS MARQUANTS 2024 14 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024
à des montées en puissance progressives. Elle a couplé pour la première fois le réacteur au réseau électrique le 21 décembre 2024. Lors du premier démarrage du réacteur, EDF doit réaliser un nombre important d’essais spécifiques destinés à véri‑ fier le bon fonctionnement des systèmes qui ne pouvaient pas être testés avant le chargement du combustible. Ces essais sont destinés à vérifier que : • le cœur, son instrumentation et ses systèmes de protec‑ tion se comportent comme attendu aux différents niveaux de puissance; • les régulations de la chaudière et de la turbine sont correctement réglées ; • le circuit secondaire, la turbine et l’alternateur fonc‑ tionnent convenablement, ces essais ne pouvant être réalisés que lorsque suffisamment de vapeur est produite; • certaines situations, comme par exemple l’arrêt auto- matique du réacteur ou l’arrêt de la turbine, sont correc‑ tement gérées. Ces essais font l’objet d’un suivi particulier de l’ASN, qui est informée de façon rapprochée de leur déroulement, des résultats et des éventuels incidents rencontrés. Elle mène également des inspections, majoritairement inopinées. À la fin de l’année 2024, les essais déjà réalisés sur des systèmes importants pour la sûreté du réacteur s’étaient déroulés de façon satisfaisante. Les divers événements survenus depuis la mise en service du réacteur Depuis la mise en service du réacteur, EDF a déclaré un nombre d’événements significatifs pour la sûreté plus important que ce qui était attendu, même pour le démar‑ rage d’un nouveau réacteur. Ces événements sont notamment liés à la montée progressive en compétence des équipes lors de la mise en œuvre des pre‑ miers gestes d’exploitation du réacteur et à la transition entre la gestion d’un chantier et l’exploitation d’une installation. La grande majorité des événements ont ainsi des causes organi‑ sationnelles et humaines et peu sont liés à des défaillances matérielles. La plupart des erreurs humaines sont rapidement détectées et aboutissent à une remise en conformité quasi- immédiate de l’installation. Face à ce constat, et même si ces événements n’ont pas eu de conséquence sur les installations, les personnes et l’en‑ vironnement, EDF a mis en place plusieurs mesures des‑ tinées à renforcer la maîtrise de ses activités. Ces mesures consistent notamment à stabiliser les plannings d’activité et à mieux identifier et gérer les risques préalablement au lancement d’une opération. Par ailleurs, EDF a renforcé l’appui apporté par ses équipes nationales. L’ASN considère que ces mesures sont pertinentes et adap‑ tées aux difficultés rencontrées durant cette phase de vie particulière de l’installation. Les prochaines étapes L’ASN a soumis à son accord la première montée du réac‑ teur à une puissance supérieure à 25 % de sa puissance nominale. Au‑delà de ce niveau de puissance, les disposi‑ tifs auxquels fait appel la protection du cœur changent et l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) contrôlera en particulier qu’ils sont aptes à remplir leur fonction. L’accord de l’ASNR sera à nouveau requis avant la première montée à une puissance supérieure à 80% de la puissance nominale. La majeure partie des essais de démarrage aura alors été réalisée. À l’issue de la phase d’essais de démarrage, EDF pour‑ suivra l’exploitation du réacteur jusqu’au premier arrêt pour rechargement du combustible. Lors de cet arrêt, EDF procèdera à des contrôles spécifiques, notamment à une requalification complète du circuit primaire prin‑ cipal. L’exploitant sera également amené à intégrer des modifications de l’installation et procèdera en particu‑ lier au remplacement du couvercle de la cuve. L’ASNR instruira ces modifications et contrôlera les opéra‑ tions réalisées lors de cet arrêt, comme elle le fait pour tout réacteur nucléaire. Elle portera une attention par‑ ticulière à la valorisation du retour d’expérience acquis pendant cette phase. Enfin, six mois après la fin de cet arrêt, EDF devra adresser à l’ASNR un dossier de fin de démarrage pré‑ sentant un bilan des essais de démarrage et du retour d’expérience du premier cycle d’exploitation, et mettre à jour le rapport de sûreté et les règles générales d’exploitation du réacteur. ♦ FAITS MARQUANTS 2024 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2024 15
RkJQdWJsaXNoZXIy NjQ0NzU=