Rapport de l'ASN 2023

RAPPORT DE L’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023

L’Autorité de sûreté nucléaire présente son rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023. Ce rapport est prévu par l’article L. 592-31 du code de l’environnement. Il a été remis au Président de la République, au Premier ministre et aux Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, et transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en application de l’article précité.

2023 AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE MISSIONS FONCTIONNEMENT CHIFFRES CLÉS ORGANIGRAMME réée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, l’ASN est une autorité adminis‑ trative indépendante chargée du contrôle des activités nucléaires civiles en France. L’ASN assure, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour protéger les personnes et l’environnement. Elle informe le public et contribue à des choix de société éclairés. L’ASN décide et agit avec rigueur et discernement : son ambition est d’exercer un contrôle reconnu par les citoyens et constituant une référence internationale. C RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2023

RÉGLEMENTER L'ASN contribue à l'élaboration de la réglementation, en donnant son avis au Gouvernement sur les projets de décret et d'arrêté ministériel et en prenant des décisions réglementaires à caractère technique. Elle s'assure que la réglementation est claire, accessible et proportionnée aux enjeux. AUTORISER L’ASN instruit l’ensemble des demandes d’autorisation individuelles des installations nucléaires. Elle accorde les autorisations, à l’exception des autorisations majeures des installations nucléaires de base (INB) telles que la création et le démantèlement. L’ASN délivre également les autorisations prévues par le code de la santé publique pour le nucléaire de proximité et accorde les autorisations ou agréments relatifs au transport de substances radioactives. CONTRÔLER L’ASN vérifie le respect des règles et des prescriptions auxquelles sont soumises les installations et activités entrant dans son champ de compétence. Depuis la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi TECV », les missions de l’ASN s’étendent à la protection des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance. L’inspection représente l’activité de contrôle principale de l’ASN. Ainsi, en 2023, 1 790 inspections ont été réalisées par l'ASN dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L’ASN dispose de pouvoirs de coercition et de sanction gradués (mise en demeure, amende administrative, astreinte journalière, possibilité de procéder à des saisies, prélèvements ou consignations, etc.). L’amende administrative relève de la compétence d’une commission des sanctions placée au sein de l’ASN, respectant le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement. INFORMER L’ASN rend compte de son activité au Parlement. Elle informe le public et les parties prenantes (associations de protection de l’environnement, commissions locales d’information, médias, etc.) de son activité et de l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. L’ASN permet à tout citoyen de participer à l’élaboration de ses décisions ayant une incidence sur l’environnement. Elle soutient l’action des commissions locales d’information placées auprès des installations nucléaires. Le site Internet asn.fr est le mode privilégié d’information de l’ASN. EN CAS DE SITUATION D’URGENCE L’ASN contrôle les opérations de mise en sûreté de l’installation prises par l’exploitant. Elle informe le public et ses homologues étrangères de la situation. L’ASN assiste le Gouvernement. En particulier, elle adresse aux autorités compétentes ses recommandations sur les mesures à prendre au titre de la sécurité civile. UN CONTRÔLE D’ACTIVITÉS ET D’INSTALLATIONS DIVERSIFIÉES Centrales nucléaires, gestion des déchets radioactifs, fabrication et retraitement de combustibles nucléaires, colis de substances radioactives, installations médicales, laboratoires de recherche, activités industrielles, etc., l’ASN contrôle un ensemble d’activités et d’installations très varié. Ce contrôle porte sur : ∙ 56 réacteurs nucléaires produisant 70 % de l’électricité consommée en France, ainsi que le réacteur EPR de Flamanville en construction ; ∙ environ 80 autres installations participant à des activités de recherche civile, à des activités de gestion de déchets radioactifs ou à des activités du « cycle du combustible » ; ∙ 36 installations définitivement arrêtées ou en démantèlement ; ∙ plusieurs milliers d’installations ou d’activités dans lesquelles sont utilisées des sources de rayonnements ionisants à des fins médicales, industrielles ou de recherche ; ∙ plusieurs centaines de milliers d’expéditions de substances radioactives réalisées annuellement sur le territoire national. LE RECOURS À DES EXPERTS Pour prendre ses décisions, l’ASN s’appuie sur des expertises techniques extérieures, notamment celles de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Le président de l’ASN est membre du conseil d’administration de l’IRSN. L’ASN sollicite également les avis et les recommandations de sept groupes permanents d'experts (GPE) placés auprès d’elle et provenant d’horizons scientifiques et techniques divers. L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE Missions

LE COLLÈGE Le collège définit la politique générale de l’ASN en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il est composé de cinq commissaires, dont le président, désignés pour six ans(*). DÉSIGNÉS PAR le Président de la République DÉSIGNÉ PAR le Président du Sénat DÉSIGNÉ PAR le Président de l’Assemblée nationale * Le code de l’environnement, modifié par la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, prévoit le renouvellement du collège de l’ASN à l’exception de son président, par moitié tous les trois ans. Le décret n° 2019‑190 du 14 mars 2019 (codifiant les dispositions applicables aux INB, au transport de substances radioactives et à la transparence en matière nucléaire) a prévu les dispositions transitoires utiles et modifié la durée des mandats de trois commissaires. LES SERVICES L’ASN dispose de services placés sous l’autorité de son président. Les services sont dirigés par un directeur général, nommé par le président de l’ASN. Ils assurent les missions de l’ASN au quotidien et préparent les projets d’avis et de décisions pour le collège de l’ASN. Ils se composent: ∙ de services centraux, organisés par thématiques, qui pilotent leur domaine d’activité à l’échelle nationale, tant sur les questions techniques que transverses (action internationale, préparation aux situations d’urgence, information des publics, affaires juridiques, ressources humaines et autres fonctions supports). En particulier, ils préparent les projets de doctrine et de textes de portée générale, instruisent les dossiers techniques les plus complexes et les dossiers «génériques», c’est‑à‑dire se rapportant à plusieurs installations similaires ; ∙ de 11 divisions territoriales, compétentes sur une ou plusieurs régions administratives, de façon à couvrir l’ensemble du territoire national et les collectivités territoriales d’outre‑mer. Les divisions réalisent l’essentiel du contrôle de terrain sur les installations nucléaires, les transports de substances radioactives et les activités du nucléaire de proximité. Elles représentent l’ASN en région et contribuent à l’information du public dans leur périmètre géographique. Dans les situations d’urgence, les divisions assistent le préfet de département, responsable de la protection des populations, et assurent le contrôle des opérations de mise en sûreté de l’installation accidentée. Bernard DOROSZCZUK Président Stéphanie GUÉNOT BRESSON (*) Commissaire Géraldine PINA (*) Commissaire Olivier DUBOIS (*) Commissaire Jean-Luc LACHAUME (*) Commissaire du 13 novembre 2018 au 12 novembre 2024 du 10 décembre 2023 au 9 décembre 2029 du 15 décembre 2020 au 9 décembre 2026 du 29 janvier 2024 au 9 décembre 2029 du 21 décembre 2018 au 9 décembre 2026 IMPARTIALITÉ Les commissaires exercent leurs fonctions en toute impartialité sans recevoir d’instructions ni du Gouvernement ni d’aucune autre personne ou institution. INDÉPENDANCE Les commissaires exercent leurs fonctions à temps plein. Leur mandat est d’une durée de six ans. Il n’est pas renouvelable. Il ne peut être mis fin aux fonctions d’un commissaire qu’en cas d’empêchement ou de démission constaté par le collège statuant à la majorité de ses membres. Le Président de la République peut mettre fin aux fonctions d’un membre du collège en cas de manquement grave à ses obligations. COMPÉTENCES Le collège prend des décisions et rend des avis qui sont publiés au Bulletin officiel de l’ASN. Le collège définit la politique de contrôle de l’ASN. Le président nomme les inspecteurs de l’ASN. Le collège décide de l’ouverture des enquêtes après incident ou accident. Chaque année, il présente au Parlement le Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. Son président rend compte des activités de l’ASN aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Le collège définit la politique de relations extérieures de l’ASN au plan national et au plan international. L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE Fonctionnement RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2023

L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE PERSONNEL 516 48 % de femmes 86 % de cadres 307 inspecteurs agents BUDGET 71,62 M€ 85,1 M€ de budget de l’IRSN consacrés à l’expertise pour l’ASN de budget pour l’ASN (programme 181) INFORMATION 656 11 conférences de presse 84 notes d’information réponses aux sollicitations du public et des parties prenantes L’ASN en 2023 ACTIONS de l'ASN 1 940 décisions individuelles d’autorisation et d’enregistrement délivrées 26 réunions plénières des groupes permanents d'experts 30 022 lettres de suite d’inspection disponibles sur asn.fr au 31 décembre 2023 398 livrables de l’IRSN rendus à l’ASN dont 183 avis d'expertise inspections 1 790

DANS LE DOMAINE MÉDICAL CLASSÉS SUR L’ÉCHELLE INES (*) * L’échelle internationale INES (International Nuclear and Radiological Event Scale) a été développée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) afin d’expliquer au public l’importance d’un événement vis-à-vis de la sûreté ou de la radioprotection. Cette échelle est applicable aux événements survenant dans les INB et aux événements ayant des conséquences, potentielles ou réelles, sur la radioprotection du public et des travailleurs. Elle ne s’applique pas aux événements ayant un impact sur la radioprotection des patients, les critères habituellement utilisés pour classer les événements (dose reçue notamment) n’étant pas applicables dans ce cas. Comme il était pertinent de pouvoir informer le public sur les événements de radiothérapie, l’ASN a développé, en lien étroit avec la Société française de radiothérapie oncologique, une échelle spécifique aux événements de radiothérapie (échelle ASN-SFRO). Ces deux échelles couvrent un champ relativement large des événements de radioprotection, à l’exception des événements d’imagerie. 1 098 événements 1 010 86 86 événements 2 201 événements 2 25 Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 NUCLÉAIRE DE PROXIMITÉ (médical et industriel) TRANSPORT DE SUBSTANCES RADIOACTIVES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE 84 176 NOMBRE D’ÉVÉNEMENTS SIGNIFICATIFS EN 2023 658 événements significatifs par domaine d'exposition CURIETHÉRAPIE RADIOTHÉRAPIE EXTERNE MÉDECINE NUCLÉAIRE SCANOGRAPHIE RADIOLOGIE DENTAIRE RADIOLOGIE CONVENTIONNELLE PRATIQUES INTERVENTIONNELLES RADIOGUIDÉES 4 237 205 96 28 10 78 L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE Hors échelle Niveau 0 Niveau 1 Niveau 2 106 événements significatifs de radiothérapie externe et curiethérapie selon le classement sur l’échelle ASN-SFRO 7 51 34 14 RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2023

L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE Organigramme(*) CHEFFE DE CABINET Sylvie RODDE PRÉSIDENT Bernard DOROSZCZUK DÉONTOLOGUE Alain DORISON MISSION EXPERTISE ET ANIMATION Adeline CLOS MISSION DE SOUTIEN AU CONTRÔLE Julien HUSSE MISSION DES RÉACTEURS INNOVANTS Philippe DUPUY ÉQUIPEMENTS SOUS PRESSION NUCLÉAIRES Flavien SIMON DÉCHETS, INSTALLATIONS DE RECHERCHE ET DU CYCLE Cédric MESSIER CENTRALES NUCLÉAIRES Rémy CATTEAU RAYONNEMENTS IONISANTS ET SANTÉ Carole ROUSSE ENVIRONNEMENT ET SITUATIONS D’URGENCE Olivier RIVIÈRE TRANSPORT ET SOURCES Fabien FÉRON RELATIONS INTERNATIONALES Luc CHANIAL AFFAIRES JURIDIQUES Andy CONTESSO INFORMATION, COMMUNICATION ET USAGES NUMÉRIQUES Clémence PICART COLLÈGE DIRECTIONS COMMISSAIRES Olivier DUBOIS Stéphanie GUÉNOT BRESSON Jean-Luc LACHAUME Géraldine PINA PRÉSIDENT Maurice MÉDA COMMISSION DES SANCTIONS SECRÉTARIAT GÉNÉRAL Jean-Patrick GOUDALLE DIRECTEUR GÉNÉRAL Olivier GUPTA DIRECTEURS GÉNÉRAUX ADJOINTS Pierre BOIS Julien COLLET Daniel DELALANDE INSPECTEUR EN CHEF Christophe QUINTIN CONSEILLER TECHNIQUE Sylvie CADET-MERCIER DIRECTEUR DE CABINET Vincent CLOÎTRE DIRECTION GÉNÉRALE

DROM-COM Division de Lille Hauts-de-France Division de Châlons-en-Champagne (4) Grand Est Division de Strasbourg (4) Grand Est Division de Lyon Auvergne-Rhône-Alpes Division de Marseille (3) Corse, Occitanie, Provence-AlpesCôte d'Azur Division de Bordeaux (3) Nouvelle-Aquitaine, Occitanie Division de Nantes Bretagne, Pays de la Loire Division de Caen (1) Normandie Division de Paris (2) Île-de-France, DROM-COM Division d'Orléans (1) Centre-Val de Loire 11 Division de Dijon Bourgogne-Franche-Comté 10 2 8 9 10 5 3 4 6 7 1 L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE (1) Les divisions de Caen et Orléans interviennent respectivement dans les régions Bretagne et Île-de-France pour le contrôle des seules INB. (2) La division de Paris intervient en Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon. (3) Les divisions de Bordeaux et Marseille assurent conjointement le contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et du transport de substances radioactives dans la région Occitanie. (4) Les divisions de Châlons-en-Champagne et Strasbourg assurent conjointement le contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et du transport de substances radioactives dans la région Grand Est. * Au 1er mars 2024. 1 BORDEAUX DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Vincent JECHOUX CHEF DE DIVISION Paul de GUIBERT 2 CAEN DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Olivier MORZELLE CHEF DE DIVISION Gaëtan LAFFORGUE DIVISIONS 4 DIJON DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Olivier DAVID CHEF DE DIVISION Marc CHAMPION 7 MARSEILLE DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Sébastien FOREST CHEF DE DIVISION Mathieu RASSON 5 LILLE DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Julien LABIT CHEF DE DIVISION Rémy ZMYSLONY 8 NANTES DÉLÉGUÉE TERRITORIALE Anne BEAUVAL CHEFFE DE DIVISION Émilie JAMBU 10 PARIS DÉLÉGUÉE TERRITORIALE Emmanuelle GAY CHEFFE DE DIVISION Agathe BALTZER 6 LYON DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Jean-Philippe DENEUVY CHEFFE DE DIVISION Nour KHATER 9 ORLÉANS DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Hervé BRÛLÉ CHEFFE DE DIVISION Albane FONTAINE 11 STRASBOURG DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Hervé VANLAER CHEFFE DE DIVISION Camille PERIER 3 CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE DÉLÉGUÉ TERRITORIAL Hervé VANLAER CHEF DE DIVISION Mathieu RIQUART RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2023

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ÉDITORIAL DU COLLÈGE p. 2 • ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL p. 8 • FAITS MARQUANTS 2023 p. 11 LES APPRÉCIATIONS DE L’ASN p. 20 • ACTUALITÉS RÉGLEMENTAIRES p. 30 LE PANORAMA RÉGIONAL DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION p. 34 Les activités nucléaires : rayonnements ionisants et risques pour la santé et l’environnement p. 98 01 Le transport de substances radioactives p. 274 09 Les principes de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et les acteurs du contrôle p. 120 02 Les centrales nucléaires d’EDF p. 292 10 Le contrôle des activités nucléaires et des expositions aux rayonnements ionisants p. 144 03 Les installations du « cycle du combustible nucléaire» p. 332 12 Les situations d’urgence radiologique et post‑accidentelles p. 168 04 L’information des publics p. 180 05 Le démantèlement des installations nucléaires de base p. 348 14 Les relations internationales p. 190 06 Les déchets radioactifs et les sites et sols pollués p. 370 15 Les utilisations médicales des rayonnements ionisants p. 204 07 L’émergence des projets de petits réacteurs modulaires p. 324 11 Les sources de rayonnements ionisants et les utilisations industrielles, vétérinaires et en recherche de ces sources p. 242 08 AVIS AU LECTEUR i Le contrôle des activités nucléaires de proximité (médical, recherche et industrie, transport) est présenté dans les chapitres 7, 8, 9. Seules les actualités réglementaires de l’année 2023 sont présentes dans cet ouvrage. L’ensemble de la réglementation est consultable sur asn.fr, rubrique «L’ASN réglemente». SOMMAIRE Les installations nucléaires de recherche et industrielles diverses p. 342 13 Panorama des installations nucléaires de base au 31 décembre 2023 p. 390 ANNEXE RAPPORT DE L’ASN SUR L’ÉTAT DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE EN 2023

2023, une année charnière marquée par de nouvelles ambitions en matière nucléaire Montrouge, le 1er mars 2024 2 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 ÉDITORIAL DU COLLÈGE e niveau de sûreté des installations nucléaires a été satisfaisant en 2023 avec une moindre tension sur les installations du «cycle du combustible» qu’en 2022 et la mise en œuvre par EDF d’une stratégie jugée appropriée par l’ASN pour faire face et traiter le phénomène de corrosion sous contrainte apparu sur certains de ses réacteurs. Les performances en matière de radioprotection se sont maintenues à un bon niveau malgré une augmentation, dans le secteur médical, d’événements significatifs de niveau 2. Cette situation contrastée conduit à rappeler l’importance des analyses de risques en radiothérapie. Dans un contexte marqué par de nouvelles ambitions en matière nucléaire, l’ASN souligne trois sujets d’attention: 1. les perspectives plus ambitieuses portées par les exploitants de poursuite d’exploitation des installations nucléaires existantes génèrent un besoin fort d’identification des mesures à mettre en œuvre sans tarder pour atteindre dans des conditions sûres les nouveaux horizons envisagés. Elles imposent par ailleurs de poursuivre et de renforcer les démarches d’anticipation des enjeux de long terme sur les réacteurs dans une perspective de fonctionnement au-delà de 60 ans, et sur les nouvelles installations du «cycle du combustible» à envisager, en clarifiant les perspectives retenues en matière de retraitement. 2. l’engouement suscité par les Small Modular Reactors (SMR) et les Advanced Modular Reactors (AMR), qui présentent des caractéristiques intrinsèques de sûreté potentiellement prometteuses, ne doit pas éluder les questions techniques et sociétales qu’ils soulèvent. Ces questions sont notamment liées aux travaux préliminaires à réaliser pour démontrer leur sûreté de fonctionnement, à l’ensemble des enjeux de sûreté/sécurité et de non-prolifération à intégrer en amont, et à l’acceptabilité de l’implantation de ces réacteurs en dehors de sites nucléaires dédiés. 3. les nombreux projets nouveaux dans le nucléaire imposent un effort exceptionnel en matière de compétences, de conduite de projets et de rigueur industrielle qui concerne l’ensemble de la filière. Malgré des progrès constatés en matière de maîtrise technique et de pilotage des activités, les contrôles de la chaîne d’approvisionnement des matériels destinés aux installations nucléaires réalisés par l’ASN mettent encore en évidence des faiblesses récurrentes dans la rigueur industrielle. Au-delà de ces faiblesses, dans un contexte de forte montée en charge, la lutte contre les falsifications et les contrefaçons à tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance doit rester un point majeur de vigilance pour toute la filière. L

L’ANTICIPATION DES QUESTIONS TECHNIQUES SOULEVÉES PAR LA DURÉE DE FONCTIONNEMENT DES RÉACTEURS RESTE UNE PRIORITÉ La loi prévoit que l’ASN prenne position, tous les dix ans, à l’issue de leur réexamen périodique, sur les conditions de la poursuite du fonctionnement des ins‑ tallations nucléaires. Concernant les réacteurs, le pro‑ cessus de quatrième réexamen, réacteur par réacteur, est en cours pour les réacteurs de 900 mégawatts élec‑ triques (MWe) et la phase générique de réexamen pour les réacteurs de 1300 MWe a été engagée. L’horizon du cinquième réexamen périodique s’avérant trop lointain pour disposer des éléments permettant de justifier les hypothèses structurantes de durée de fonc‑ tionnement à intégrer dans la politique énergétique à l’horizon 2040 et au-delà, l’ASN a demandé à EDF de réaliser des analyses préliminaires sur la capacité des réacteurs à poursuivre leur fonctionnement au-delà de 50 ans. À la demande du Gouvernement, l’ASN a émis un avis en juin 2023 sur les conclusions de l’analyse d’EDF, soulignant les sujets techniques majeurs asso‑ ciés à une durée de fonctionnement jusqu’à 60 ans, ainsi que les sujets à traiter prioritairement. Enfin, au-delà de cet horizon et sur la base des tra‑ vaux engagés par EDF, l’année 2023 a permis d’identi‑ fier les principaux sujets techniques qui doivent faire l’objet d’analyses particulières, voire de recherche et développement, en amont des réexamens périodiques, pour envisager une poursuite de fonctionnement des réacteurs au-delà de 60 ans. L’ASN prendra position en 2026 sur les conclusions de ces analyses d’EDF atten‑ dues fin 2024. • 03 • Éditorial du collège Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 3 De gauche à droite : Stéphanie GUÉNOT BRESSON, Commissaire Olivier DUBOIS, Commissaire Géraldine PINA, Commissaire Bernard DOROSZCZUK, Président Jean‑Luc LACHAUME, Commissaire

LA STRATÉGIE DE TRAITEMENT DE LA CORROSION SOUS CONTRAINTE SE DÉPLOIE DE FAÇON SATISFAISANTE À la suite de la découverte de fissuration par corro‑ sion sous contrainte sur des tuyauteries du système d’injection de sécurité du circuit primaire principal de certains réacteurs fin 2021, EDF a proposé une stra‑ tégie comportant le remplacement systématique en 2023 des tuyauteries considérées comme sensibles au phénomène sur les réacteurs susceptibles d’être les plus affectés et le contrôle de l’ensemble des réacteurs d’ici 2025. En 2023, EDF a mis en œuvre la stratégie de remplace‑ ment proposée. Les contrôles réalisés ont mis en évi‑ dence le fait que certains procédés de réparation des soudures lors de la fabrication constituaient un fac‑ teur susceptible d’influer sur l’apparition de la corro‑ sion sous contrainte, même sur des lignes considérées comme non sensibles. Cela a permis à EDF de révi‑ ser sa stratégie de contrôle en priorisant les soudures ayant fait l’objet de réparation lors de leur fabrication. En outre, EDF a décidé d’étendre son programme de contrôles par sondage à l’ensemble des tuyauteries en inox connectées au circuit primaire. L’ASN a estimé cette stratégie appropriée, tout en soulignant qu’elle pourrait nécessiter une révision à la lumière des enseignements du programme d’investi‑ gations en cours. Par ailleurs, l’ASN a demandé à EDF de tenir compte, dès à présent, de ces enseignements dans la conception des nouveaux réacteurs. L’ASN travaille en étroite collaboration sur ce sujet avec ses homologues étrangères. À la suite de la présen‑ tation des constats faits en France sur le parc d’EDF, l’Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d’Europe de l’Ouest (WENRA) a émis des recomman‑ dations concernant la surveillance du phénomène de corrosion sous contrainte pour les réacteurs en fonc‑ tionnement, ainsi que la prévention de ce phénomène à la conception. LA TENSION SUR LES INSTALLATIONS DU « CYCLE DU COMBUSTIBLE » DIMINUE MAIS NE DOIT PAS FAIRE OUBLIER LA NÉCESSAIRE PRÉPARATION DE L’AVENIR La tension identifiée ces dernières années sur le «cycle du combustible » s’est atténuée en 2023, en particu‑ lier du fait de l’amélioration de la production de l’usine Melox. Cette amélioration et la perspective d’une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour‑ raient conduire à reconsidérer l’horizon de satura‑ tion des piscines de l’usine Orano de La Hague. Pour autant, l’ASN estime qu’il reste nécessaire de dispo‑ ser, à terme, d’une nouvelle capacité d’entreposage sûr répondant aux standards actuels et de marges pour faire face aux aléas pouvant survenir sur les installations. De manière générale, l’ASN estime qu’il est urgent de rendre plus résilient l’ensemble de la chaîne d’installa‑ tions et d’ateliers de gestion aval du combustible pour permettre d’atteindre, dans des conditions sûres, l’hori‑ zon 2040 fixé dans la PPE actuelle. Ceci passe par des mesures à mettre en œuvre sans tarder pour atteindre cet horizon, comme par exemple la consolidation de la production de combustibles MOX, le décloisonne‑ ment des chaînes de retraitement, la réalisation de tra‑ vaux conséquents de jouvence et d’amélioration de la sûreté identifiés lors des réexamens. Le travail engagé sur la densification des piscines actuelles de l’usine de La Hague et l’entreposage à sec, en tant que parades face au risque de saturation, doit être poursuivi. L’ASN FINALISE L’INSTRUCTION TECHNIQUE ET VÉRIFIE LA PRÉPARATION DE L’EXPLOITANT À LA MISE EN SERVICE DE L’EPR L’année 2023 a été consacrée à la finalisation de l’ins‑ truction des sujets techniques qui restaient en cours (conception des soupapes de sécurité du circuit pri‑ maire et performances du système de filtration du réservoir d’eau interne notamment), à l’intégration des dernières modifications, ainsi qu’à la réalisation des essais à chaud permettant d’assurer la qualifica‑ tion d’ensemble de l’installation. L’ASN a réalisé, en mai 2023, une inspection de revue mobilisant de nombreux inspecteurs et experts, pour vérifier la préparation de l’exploitant à la mise en ser‑ vice de l’installation. L’ASN a noté globalement un bon état de préparation mais a souligné qu’un travail important restait à réaliser pour assurer la disponibi‑ lité de la documentation opérationnelle d’exploitation et son appropriation par les personnels de conduite et de maintenance. L’ASN a poursuivi en 2023 l’instruction technique de certaines thématiques, notamment celles liées au retour d’expérience (REX) des réacteurs EPR à l’étran‑ ger, ainsi que les évaluations de conformité des équi‑ pements sous pression nucléaires. 4 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 • 03 • Éditorial du collège

LE PROGRAMME EPR 2 DOIT BÉNÉFICIER DU RETOUR D’EXPÉRIENCE DE L’EPR En août 2023, EDF a déposé la demande d’autorisa‑ tion de création des deux réacteurs EPR 2 à Penly, dont les options de sureté avaient fait l’objet d’un avis de l’ASN en 2019. Les réacteurs de Penly sont les premiers du programme EPR 2. Ce programme a pour ambi‑ tion d’intégrer le REX de conception, de construction et de mise en service des réacteurs EPR en France et à l’étranger, ainsi que le REX d’exploitation des réac‑ teurs existants. Les enseignements tirés par l’ASN et l’Institut de radio‑ protection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur le projet EPR de Flamanville ont conduit à mettre en place un pilotage renforcé de l’instruction de la demande d’au‑ torisation de création. L’ASN et l’IRSN ont défini leur stratégie d’instruction en identifiant le calendrier, les points de rendez-vous et les livrables attendus d’EDF. L’ASN a souligné les points particuliers d’attention à prendre en compte au regard de la durée d’exploita‑ tion envisagée pour ces nouveaux réacteurs, comme notamment la prise en compte des effets du change‑ ment climatique à l’horizon de la fin du siècle. L’ASN INSISTE SUR LES ENJEUX LIÉS AUX PROJETS DE SMR ET AMR ET PREND DES INITIATIVES POUR ANTICIPER LES INSTRUCTIONS Dans le contexte d’objectif de production industrielle décarbonée, les SMR et AMR font l’objet d’un fort engouement et de très nombreuses start-ups déve‑ loppent de tels projets. Cela conduira à l’arrivée de nou‑ veaux acteurs, de nouvelles technologies de réacteurs et de nouveaux usages du nucléaire (production de vapeur, de chaleur ou d’hydrogène) qui amèneront à implanter des réacteurs près des installations indus‑ trielles utilisatrices, potentiellement proches de zones densément peuplées. Pour l’ASN, cela signifie que les objectifs de sûreté associés à ces réacteurs doivent être adaptés afin de garantir des rejets négligeables même en cas d’accident majeur. En 2023, l’ASN a développé ses échanges avec plu‑ sieurs entreprises françaises développant ces projets. Face à ces nouveautés, l’ASN a modifié son organisa‑ tion et ses méthodes de travail, avec notamment de nouveaux modes de dialogue technique, plus inte‑ ractifs qu’actuellement, et davantage adaptés aux besoins des start-ups dans une phase de maturation des projets et de validation des options technologiques envisagées. L’ASN a aussi défini des critères de matu‑ rité des projets pour entrer dans le processus de pré- autorisation afin d’optimiser ses ressources. L’ASN rappelle l’importance pour les porteurs de pro‑ jet de développer une approche systémique intégrant la chaîne industrielle, la fourniture du combustible nucléaire, la gestion des combustibles usés, ainsi que la gestion des risques de malveillance et de proliféra‑ tion des matières nucléaires. La réduction des consé‑ quences des accidents sur le périmètre autour de ces réacteurs et la gestion des déchets constitueront des conditions essentielles au déploiement des nouveaux réacteurs et à leur acceptabilité. En 2023, les autorités de sûreté française, finlandaise et tchèque ont conclu l’examen préliminaire des prin‑ cipales options de sûreté du projet Nuward porté par EDF. Cet examen a permis aux régulateurs d’identi‑ fier des avantages en matière de sûreté des SMR, ainsi que des questions qu’ils peuvent soulever, et au por‑ teur de projet de disposer d’éléments pour dévelop‑ per une conception plus standardisée. Il a également permis la comparaison des différentes exigences, pra‑ tiques et expériences des régulateurs impliqués. En 2024, la revue conjointe du projet de réacteur Nuward sera poursuivie sur de nouvelles thématiques, en l’élar‑ gissant à trois autres autorités de sûreté européennes (Pays-Bas, Pologne, Suède). Cette initiative conforte la position de l’ASN sur l’intérêt d’engager des coopé‑ rations multilatérales pour l’évaluation de projets de réacteurs suffisamment matures, dans un contexte international de standardisation. LA RIGUEUR INDUSTRIELLE CONSTITUE ENCORE UN DÉFI POUR LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE Les ambitions de la France dans le nucléaire, tant pour les réacteurs que pour l’industrie du « cycle » et la ges‑ tion des déchets, exigeront un effort exceptionnel en matière de compétences, de rigueur industrielle et de conduite des projets. L’ASN estime qu’il y a un défi à relever, à l’échelle d’au moins une génération, en matière d’attractivité de la filière notamment au regard du désengouement pour les formations technologiques et scientifiques et pour les métiers industriels en France. Ce défi concerne éga‑ lement les métiers du contrôle de la sûreté et de la radioprotection. Les difficultés et les non-qualités constatées ces vingt dernières années dans les projets résultent pour l’es‑ sentiel d’un manque d’expérience et de rigueur pro‑ fessionnelles. Les démarches engagées au sein du Groupement des industries françaises de l’énergie nucléaire (GIFEN) et le déploiement du plan d’excel‑ lence de la filière nucléaire (EXCELL) d’EDF traduisent Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 5 • 03 • Éditorial du collège

une réelle mobilisation collective autour de ces enjeux avec un objectif de « faire bon du premier coup ». L’ASN estime que ces démarches vont dans le bon sens et doivent être encouragées. Du point de vue de la sûreté, les donneurs d’ordre doivent s’assurer que la chaîne des prestataires maî‑ trise, dès le lancement des projets, les exigences tech‑ niques, réglementaires, normatives et contractuelles issues des études détaillées de conception. Dans ce contexte, l’ASN a renforcé depuis plusieurs années son contrôle de la chaîne d’approvisionnement des matériels destinés aux installations nucléaires au travers d’inspections de fournisseurs, ainsi que de leurs sous-traitants. Les enseignements issus de ces contrôles ont été communiqués aux exploitants mi-2023. Les inspections ont permis, dans l’ensemble, de constater la maîtrise technique des activités réali‑ sées par les fournisseurs, mais mettent en évidence des faiblesses récurrentes dans la rigueur industrielle de l’ensemble de la filière nucléaire qu’il convient de corriger. Ces faiblesses concernent principalement les manques de connaissance par les fournisseurs des exigences spécifiées importantes pour la sûreté, de maîtrise de certains procédés spéciaux, ainsi que de rigueur et de performance dans la surveillance. Au-delà de ces faiblesses, il apparaît également néces‑ saire de mieux prendre en compte les enseignements des cas d’irrégularités détectés dans la filière nucléaire et dans sa chaîne d’approvisionnement en France et à l’étranger. L’ASN estime que cette situation n’est pas acceptable. Dans un contexte de montée en charge inédit, la filière doit relever un défi majeur concer‑ nant la lutte contre les falsifications et les contrefa‑ çons, à tous les niveaux de la chaîne de sous-traitance, en jouant à la fois sur la prévention, la détection et le traitement des cas identifiés. LA CULTURE DE LA RADIOPROTECTION DANS LE DOMAINE MÉDICAL DOIT ÊTRE ENTRETENUE En 2023, le niveau de radioprotection dans ce domaine est satisfaisant mais les fragilités antérieures persistent sans amélioration significative. L’ASN constate ainsi depuis plusieurs années une trop lente amélioration de la culture de radioprotection pour les pratiques interventionnelles radioguidées au bloc opératoire. Cela l’a conduite, en 2023, à engager une démarche de coercition pour la mise en confor‑ mité des locaux et la formation à la radioprotection des personnels. L’ASN note les efforts consentis par les pro‑ fessionnels pour les actions de formation adaptées aux enjeux spécifiques de chaque discipline qui doivent perdurer pour assurer la montée en compétence et la juste compréhension de ces enjeux. Par ailleurs, même quand la culture de radioprotec‑ tion semble mature, il est nécessaire d’interroger et de se réapproprier la mise en œuvre de la démarche d’assurance de la qualité. C’est le cas en radiothérapie, où un nombre inédit d’événements indésirables par erreur de cible (erreur de latéralité ou de positionne‑ ment) a été constaté en 2023. L’ASN rappelle l’impor‑ tance de l’analyse des risques a priori, de l’évaluation de l’efficacité des barrières mises en place et de la prise en compte du REX local comme national. À ce titre, les principes d’une méthodologie pour réaliser l’analyse des risques ont été présentés dans le bulletin « La sécurité du patient » d’octobre 2023. L’ASN constate également des signaux faibles, qui, bien que non liés directement à des événements significa‑ tifs ou des événements indésirables graves, témoignent de conditions défavorables à la radioprotection. L’ASN note ainsi une augmentation de remontées, en inspection et par le dispositif des lanceurs d’alerte, de situations conflictuelles internes. Parmi les « traits pour une culture de la radioprotection dans le domaine des soins» proposés par l’Agence internationale de l’éner‑ gie atomique (AIEA), figure un environnement de tra‑ vail respectueux, nécessaire pour une communication efficace et qui garantit à tout agent la possibilité de faire part de ses préoccupations, de remettre en ques‑ tion une décision ou une organisation et ainsi d’exercer sa responsabilité individuelle. De plus, le manque de ressources, les tensions sur les effectifs et le recours au travail intérimaire ou à des prestataires extérieurs, l’essor de la télé-radiologie ou encore la mutualisation de moyens, dans un contexte de réformes des autorisations de soins, conduisent à de nouvelles organisations, souvent complexes, qui peuvent amener une certaine dilution des responsa‑ bilités. Face à ces changements organisationnels, l’ASN reste attentive, dans son action de contrôle, en inspec‑ tion et lors de la délivrance des autorisations, au bon respect des obligations réglementaires ; elle attire l’at‑ tention des décideurs sur la nécessité d’évaluer l’im‑ pact de ces évolutions sur les organisations et sur le travail des intervenants, et de définir précisément les rôles et responsabilités de l’ensemble des acteurs afin d’assurer le maintien et le développement de la culture de radioprotection. LA PROTECTION DES SOURCES RADIOACTIVES CONTRE LES ACTES DE MALVEILLANCE RESTE PERFECTIBLE Sujet non réglementé en France il y a encore quelques années, la protection des sources radioactives contre des actes de malveillance nécessite une prise de conscience de l’ensemble des personnes concernées. 6 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 • 03 • Éditorial du collège

Elle requiert en outre la mise en œuvre de dispositions techniques, organisationnelles et humaines destinées à protéger les sources de rayonnements ionisants mais aussi les « informations sensibles » qui les concernent. Au-delà de ces moyens spécifiques, cela suppose sur‑ tout de considérer leur usage potentiellement malveil‑ lant, ce qui est parfois difficilement compatible avec la culture d’établissements recevant du public et/ou tournés vers le soin. L’ASN déploie ses actions relatives au contrôle de la sécurité des sources depuis 2019 et en a dressé le bilan en 2023. Ce bilan montre que la montée en compé‑ tence des acteurs et la mise en œuvre des dispositifs ont progressé mais restent encore insuffisantes. De nombreux défis restent à relever pour la sécurisation des sources, notamment lorsqu’elles sont déplacées, ce qui peut alors créer des points de vulnérabilité aux interfaces. L’ASN rappelle l’importance de progres‑ ser sur la culture de sécurité, ce qui suppose de déve‑ lopper l’accès et la diffusion de l’information, et sur la culture du REX vers les utilisateurs (sensibilisation à la menace, diffusion des événements, participation aux réseaux malveillance, etc.). LA QUESTION DES DÉCHETS, AU CŒUR DES PRÉOCCUPATIONS DU PUBLIC, FAIT L’OBJET DE CONCERTATIONS SPÉCIFIQUES La gestion des déchets radioactifs reste le sujet le plus controversé en matière de gestion des risques comme le montre la dernière enquête réalisée par la société Kantar, à la demande de l’ASN, en 2023. À l’heure actuelle, 90 % des déchets en volume dis‑ posent d’une filière de gestion mais ne représentent que 10 % de la radioactivité contenue. Dans l’attente de filières de gestion dédiées, cela impose des moyens d’entreposage sûrs pendant des périodes de temps significatives. La gestion des déchets radioactifs en France présente pourtant des atouts reconnus à l’échelle internationale comme le Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR), une entité dédiée à la gestion des déchets qui dispose de moyens (Andra), des installations de stockage bien exploitées et le pro‑ jet de stockage géologique Cigéo, désormais reconnu d’utilité publique. Dans le cadre de l’instruction de ce projet, l’ASN a lancé de manière volontaire, en 2023, un dispositif spécifique de concertation visant à assurer la participation des parties prenantes. Ainsi, deux ateliers ont été organisés en préparation de la saisine de l’IRSN puis de celle du groupe permanent d’experts, pour enrichir le contenu de ces saisines et structurer l’information des publics. L’ASN ACCENTUE SON ACTION DANS LES ACTIVITÉS INTERNATIONALES Dans un contexte d’engouement nouveau pour le nucléaire, les relations internationales connaissent un rythme soutenu, qui s’est traduit par la signature d’un nombre important d’accords de coopération entre l’ASN et ses homologues permettant de développer des programmes d’échange sur des sujets à forts enjeux. Cette activité internationale intense a égale‑ ment permis d’approfondir des sujets d’intérêt com‑ mun pour les autorités de sûreté tels que la poursuite du fonctionnement de réacteurs au-delà des durées envisagées à leur conception, ou encore la gestion des déchets radioactifs. Cette intensification a également permis de définir des positions communes au plan international. Par exemple, différentes initiatives ont été lancées au niveau international pour favoriser la standardisation et l’harmonisation des approches réglementaires pour les SMR. L’ASN y participe activement, notamment en promouvant la coopération entre autorités. En effet, l’ASN estime que l’harmonisation des processus d’au‑ torisation à l’échelle internationale, souvent mise en avant par les développeurs de ces projets comme un prérequis pour le déploiement des SMR, est illusoire compte tenu des spécificités de chaque pays. L’ASN estime en revanche que l’examen conjoint par plu‑ sieurs autorités des options de conception d’un même projet, en amont du processus d’autorisation, est de nature à faciliter le développement d’une conception standardisée. Le conflit en Ukraine, qui fait l’objet de travaux dans les cadres de WENRA et de l’Association des responsables des autorités européennes compétentes en radio- protection (HERCA), reste un sujet de préoccupation et de vigilance pour les autorités. À ce titre, WENRA a pris position en juin 2023 pour indiquer que la rupture du barrage de Khakovka ne constituait pas une menace pour la sûreté des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijjia. HERCA a poursuivi ses travaux visant à harmoniser les mesures de protection de la popula‑ tion des pays européens limitrophes de l’Ukraine en cas d’accident sur la centrale nucléaire de Zaporijjia. Par ailleurs, l’ASN poursuit son implication dans les instances internationales. Elle assure pour trois ans la présidence de HERCA, dont l’objectif est de contri‑ buer à l’atteinte d’un haut niveau de radioprotection en Europe. n Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 7 • 03 • Éditorial du collège

Montrouge, le 1er mars 2024 Maintenir un haut niveau de contrôle dans un contexte inédit ÉDITORIAL DU DIRECTEUR GÉNÉRAL 8 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 e contexte dans lequel l’ASN exerce son contrôle est inédit à plusieurs titres. La conjonction de la poursuite de fonctionnement d’installations anciennes et de la construction d’installations neuves à un rythme jamais connu depuis plusieurs décennies génère des tensions sur les ressources disponibles dans l’industrie nucléaire. Le secteur du nucléaire médical fait lui aussi face à des tensions sur les effectifs. Enfin, des innovations se font jour, à la fois dans le domaine industriel avec les petits réacteurs avancés (Advanced Modular Reactors – AMR) et dans l’utilisation médicale des rayonnements ionisants avec de nouvelles techniques de traitement. L’ASN se prépare pour faire face à ce nouveau contexte : elle maintient un haut niveau de contrôle, en l’adaptant aux enjeux prioritaires ; elle se prépare à soutenir une charge de travail durablement importante ; elle s’appuie sur sa culture interne pour assurer la robustesse des instructions et la pertinence du contrôle et des décisions. En parallèle, compte tenu du dépôt par le Gouvernement d’un projet de loi réformant l’organisation du contrôle, l’ASN a engagé, conjointement avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), des travaux préparatoires pour assurer la mise en œuvre de cette loi si elle est votée. L

MAINTENIR UN HAUT NIVEAU DE CONTRÔLE Les équipes de l’ASN sont restées, tout au long de l’année 2023, entièrement mobilisées sur leurs missions de protection des personnes et de l’environ‑ nement. Elles ont maintenu tant le niveau d’exigence que le niveau de contrôle, tout en adaptant les prio‑ rités. En effet, l’ASN identifie et réévalue ses priorités de contrôle à l’aune des enjeux définis d’une part par les risques intrinsèques que présentent les activités nucléaires pour les personnes et l’environnement, et d’autre part par le comportement des responsables d’activité, en particulier par les moyens qu’ils mettent en œuvre pour maîtriser ces risques. L’exemple qui suit illustre ce point. Le contexte actuel de l’industrie nucléaire est caracté‑ risé par des tensions sur les marchés de l’énergie, par la nécessité d’investissements dans les infrastructures et donc de financements massifs et par le fait que le secteur nucléaire doit encore consolider sa capacité à soutenir la relance souhaitée. Ce contexte consti‑ tue un défi pour les exploitants et les industriels, et fait peser un risque accru sur la qualité de réalisation des projets. Le retour d’expérience de la construction de l’EPR de Flamanville a d’ailleurs mis en lumière ces enjeux de qualité de réalisation. Pour prendre en compte cette situation, l’ASN a renforcé ces dernières années le contrôle qu’elle exerce sur la chaîne d’ap‑ provisionnement des matériels destinés aux installa‑ tions nucléaires : 53 inspections ont ainsi été réalisées sur cette thématique en 2023. Ces contrôles s’amplifie‑ ront dans les années à venir, en lien avec le développe‑ ment des nouveaux projets nucléaires. FAIRE FACE À UNE CHARGE DE TRAVAIL EN CROISSANCE La relance du nucléaire se traduit par un accroisse‑ ment du nombre de projets nouveaux sur lesquels l’ASN doit prendre position, avec l’appui de l’IRSN, et par l’apparition de nouveaux acteurs. L’instruction des demandes d’autorisation de création des trois paires d’EPR 2 prévues à Penly, à Gravelines et au Bugey, le contrôle de la fabrication de leurs gros composants (cuve, générateurs de vapeur, tuyauteries, etc.) puis le contrôle des chantiers correspondants vont ainsi pro‑ gressivement accroître la charge de travail de l’ASN dans les années à venir. S’y ajouteront les projets de remplacement ou d’extension des usines de fabri‑ cation et de retraitement du combustible, ainsi que les questions techniques soulevées par la poursuite de fonctionnement des installations existantes et les réexamens de sûreté associés. Enfin, le dialogue tech‑ nique avec les porteurs de projets des AMR, incluant pour certains des projets d’usines dédiées à leur com‑ bustible, prend de l’ampleur, et continuera de monter en puissance dans les années à venir, nécessitant d’y consacrer beaucoup plus de ressources qu’aujourd’hui. • 03 • Éditorial du directeur général Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 9 Olivier GUPTA

Pour faire face à cette charge de travail, l’ASN a obtenu l’autorisation d’augmenter ses effectifs de 12 personnes pour 2024, et compte également sur les redéploie‑ ments internes qui seront rendus possibles par la fin de la construction de l’EPR de Flamanville. Pour autant, de nouvelles augmentations d’effectifs et de budget seront encore nécessaires dans les années à venir. Dans le nucléaire médical, la persistance de la sur‑ venue d’événements, avec sept événements classés au niveau 2 de l’échelle ASN-SFRO en 2023, souligne un niveau d’enjeux qui reste élevé et justifie le main‑ tien du niveau de contrôle exercé par l’ASN. Le déve‑ loppement de techniques médicales innovantes à forts enjeux, pour la médecine nucléaire ou encore la thérapie flash, mobilise fortement les équipes de l’ASN au contact des services porteurs de projets. PROMOUVOIR ET DÉVELOPPER LA CULTURE DE SÛRETÉ DE L’ASN La compétence des personnels de l’ASN, ainsi que la rigueur et le caractère collectif de son processus de prise de décision, sont des facteurs essentiels au bon exercice par l’ASN de ses missions, et font l’objet d’une attention permanente. Mais la pertinence du contrôle repose aussi beaucoup sur la « culture de sûreté ». L’ASN a lancé en 2023 une mission visant à identifier quelles pratiques, quelles modalités de travail et d’or‑ ganisation, quelles attitudes, permettent à l’ASN de contrôler efficacement la sûreté nucléaire et la radio‑ protection, pour ensuite les valoriser et les dévelop‑ per. Cette mission, confiée à un chercheur, consiste à prendre connaissance des cadres formels encadrant les actions de contrôle et des discours managériaux orientant ces actions puis d’observer les pratiques réellement mises en œuvre, afin d’identifier les prin‑ cipes fondamentaux qui favorisent ou freinent le bon exercice du contrôle au bénéfice de la protection des personnes et de l’environnement. Les résultats intermédiaires mettent en avant plusieurs éléments forts de la culture interne de l’ASN, qui favo‑ risent la juste priorisation et le traitement approprié des sujets à plus forts enjeux de sûreté nucléaire et de radioprotection : l’importance du collectif, l’intérêt de la confrontation d’avis argumentés, le respect des responsabilités et du périmètre des missions de cha‑ cun, la curiosité intellectuelle, l’écoute des différents points de vue, le sens du service public et la rigueur. Ce sont ces pratiques et attitudes, plus encore que les modalités d’organisation, qui favorisent la robustesse des instructions et la pertinence du contrôle et des décisions. Cette culture constitue donc un fondement solide pour relever les défis actuels, et elle doit être promue et développée. SE PRÉPARER À L’HYPOTHÈSE D’UNE GRANDE AUTORITÉ Le Gouvernement a souhaité faire évoluer l’organisa‑ tion de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, en regroupant l’ASN et la majeure par‑ tie de l’IRSN dans une nouvelle autorité qui disposerait alors de ses propres compétences en expertise, ainsi que des missions de recherche qui la nourrissent. Les deux choix d’organisation, avec appui technique inté‑ gré ou non, sont possibles et ont fait leurs preuves ; il appartient au Parlement de se prononcer sur le projet de loi correspondant. La responsabilité des équipes de l’ASN et de l’IRSN est d’assurer leurs missions dans le cadre qui aura été déterminé, tant avant qu’après la date de constitution du nouvel ensemble s’il est décidé de le créer. Elles ont, à cet effet, engagé un travail conjoint de définition du fonctionnement et de l’organisation de ce que pourrait être la future autorité, auquel le personnel est associé au fur et à mesure que des cadrages généraux sont définis. Ces travaux se déroulent dans l’objectif par‑ tagé que le nouvel ensemble fonctionne, que les per‑ sonnels y trouvent leur place, et que la future autorité tire le plus possible parti des possibilités qu’ouvre le rapprochement, avec une organisation plus efficiente et plus attractive qui préserve les valeurs d’excellence et de transparence des deux entités actuelles. En outre, une instance spécifique de dialogue social, rassem‑ blant les directions et les organisations syndicales de l’ASN et de l’IRSN, se réunit mensuellement. Pour dégager du temps pour la préparation, puis la mise en œuvre de la réforme de l’organisation du contrôle si celle-ci est votée, tout en préservant les res‑ sources affectées aux missions opérationnelles, l’ASN a différé les actions qui peuvent l’être et qui ne portent pas sur le cœur de ses missions. Quelle que soit l’organisation du contrôle qui sera fina‑ lement retenue, les personnels en fonction à l’ASN et à l’IRSN continueront de travailler ensemble, en pour‑ suivant le même objectif de protection des personnes et de l’environnement. Je sais pouvoir compter sur leur engagement pour poursuivre la mission que nos concitoyens attendent d’eux. n * 10 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2023 Éditorial du directeur général

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