Rapport de l'ASN 2020

2. Les actions de l’ASN dans le champ des installations du «cycle du combustible» : une approche graduée 2.1  L’approche graduée en fonction des enjeux des installations À chaque étape du « cycle du combustible », les installations présentent des enjeux différents : ∙ les installations de conversion et d’enrichissement induisent principalement des risques toxiques (du fait de la forme chimique des substances radioactives qu’elles mettent en œuvre), des risques de criticité (lorsqu’elles mettent en œuvre des matières enrichies) et de dissémination de substances radioactives (qui se présentent en poudre, sous forme liquide ou cristallisées) ; ∙ les installations de fabrication de combustible induisent principalement des risques toxiques (quand elles ont des unités de conversion), de criticité, d’incendie ou d’explosion (ce sont des usines de céramique, qui utilisent des procédés de chauffe), de dissémination de substances radioactives (qui se présentent en poudre ou sont cristallisées) et d’exposition à des rayonnements ionisants (lorsqu’elles mettent en œuvre des substances issues du retraitement) ; ∙ les installations de retraitement de combustible usé induisent principalement des risques de dissémination de substances radioactives (les substances mises en œuvre sont notamment liquides et en poudre), de criticité (les substances fissiles mises en œuvre changent de forme géométrique) et d’exposition à des rayonnements ionisants (les combustibles contiennent des substances très irradiantes). Leur point commun est que les réactions en chaîne n’y sont jamais recherchées (prévention du risque de criticité) et qu’elles mettent en œuvre des substances dangereuses dans des quantités industrielles. Les risques industriels classiques y sont donc prégnants. Certaines usines d’Orano du Tricastin et à La Hague ou de Framatome à Romans‑sur‑Isère relèvent à ce titre de la directive Seveso. L’ASN s’attache à appliquer un contrôle proportionné aux en- jeux de chaque installation classée, notamment, par l’ASN dans l’une des trois catégories définies au regard de l’importance des risques et inconvénients qu’elle présente. Cette classification des INB permet d’adapter le contrôle des installations et de renforcer celui des installations à enjeux importants, en matière d’inspection et de profondeur des instructions menées par l’ASN. Lorsque les installations sont modifiées de manière substantielle ou lorsqu’elles sont définitivement arrêtées, l’ASN est en charge de l’instruction de ces modifications qui font l’objet d’un décret modificatif par le Gouvernement sur lequel l’ASN est préalablement saisie. L’ASN établit aussi les prescriptions qui encadrent ces grandes étapes. Enfin, l’ASN instruit également les dossiers de sûreté justifiant le fonctionnement de chacune des INB. L’ASN contrôle, pour chaque installation, l’organisation et les moyens retenus par l’exploitant pour lui permettre d’assurer ses responsabilités en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection, de gestion de crise en cas d’accident, ainsi que de protection de la nature, de l’environnement, de la santé et de la salubrité publiques. L’ASN contrôle le fonctionnement des organisations mises en place par les exploitants, principalement au travers d’inspections, notamment celles consacrées au management de la sûreté. À cet égard, Orano a déposé en février 2020 des demandes de changement d’exploitant concernant l’ensemble de ses INB. Ce projet, dit «PEARL», a pour but de séparer dans trois filiales distinctes les activités du groupe dans les domaines de l’amont du cycle, de l’aval du cycle et du démantèlement. L’instruction de cette demande par l’ASN a montré qu’elle induisait un changement d’organisation dans l’exploitation des INB en démantèlement du groupe Orano, susceptible de remettre en cause le principe prévu par le code de l’environnement selon lequel la responsabilité opérationnelle de l’exploitation d’une INB doit revenir à son exploitant nucléaire. Orano a donc déposé en décembre 2020 une demande de dérogation à ce principe sur laquelle l’ASN prendra position en 2021. 2.2  Le retour d’expérience de Fukushima Le retour d’expérience de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima a été intégré de façon prioritaire sur l’ensemble des installations du « cycle du combustible ». Les exploitants ont fourni les rapports des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) en septembre 2011 pour toutes les installations et sites, à l’exception de l’INB 63 de Romans‑sur‑Isère, dont le rapport a été remis en septembre 2012. En juin 2012, l’ASN a fixé aux installations d’Orano et de Framatome évaluées en 2011 des prescriptions complémentaires au vu des conclusions des ECS. Ces prescriptions imposent notamment la mise en œuvre d’un «noyau dur » de dispositions matérielles et organisationnelles visant à prévenir un accident grave ou en limiter la progression, limiter les rejets massifs et permettre à l’exploitant d’assurer les missions qui lui incombent dans la gestion d’une crise. De façon générale, Orano et Framatome ont conçu et mis en œuvre dans les délais de nouveaux moyens destinés à faire face à des situations extrêmes dans leurs installations. En particulier, les postes de commandement de crise local (PCD‑L) des sites de Romans‑sur‑Isère et du Tricastin ont été déménagés au sein de nouveaux bâtiments de gestion de crise robustes à l’égard des aléas extrêmes. Ces bâtiments disposent notamment d’un système de ventilation avec filtration permettant de protéger le personnel présent d’un rejet toxique en provenance des installations de ces sites, des installations voisines, ou encore, sur le site du Tricastin, d’un rejet radioactif en provenance de la centrale nucléaire voisine. Concernant le site de La Hague, Orano a réalisé des travaux et mis en œuvre des moyens afin de disposer de réserves d’eau importantes en cas de situation extrême ainsi que des moyens permettant la recirculation de l’eau sous les piscines d’entreposage et ainsi maintenir un niveau d’eau minimal au‑dessus des assemblages combustibles en cas de fuite. Enfin, le nouveau bâtiment de crise du PCD‑L du site, robuste vis‑à‑vis d’aléas extrêmes, est opérationnel depuis 2019. Sur le site de Marcoule, Orano a commencé la construction de son nouveau bâtiment de crise, robuste aux aléas extrêmes. Ce chantier a cependant pris un retard important du fait de difficultés récurrentes entre l’exploitant et son sous-traitant en génie civil et pourrait ne s’achever qu’en fin d’année 2021. L’ASN considère néanmoins que l’avancement des travaux post‑Fukushima et les dispositions organisationnelles mises en place sont satisfaisantes chez Orano et Framatome. 2.3  Les réexamens périodiques des installations du «cycle du combustible» Depuis la publication du décret du 2 novembre 2007, l’ensemble des exploitants d’INB doivent réaliser des réexamens périodiques de leur installation au moins tous les 10 ans. Ces exercices ont 332 Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2020 11 – LES INSTALLATIONS DU « CYCLE DU COMBUSTIBLE NUCLÉAIRE »

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